Tu fixes la porte depuis un bon cinq minutes déjà, hésitant à toquer contre cette dernière ou faire demi-tour. Tu ne l'as pas revu depuis la mort de Nana et, pour être franc, t'aurais préféré que ça reste ainsi. Malheureusement, la vieille en a décidé autrement. Enfin, t'as le choix. T'as toujours le choix. Disons seulement que, ce fric, t'en as vachement besoin et tu ne peux pas l'empocher tant et aussi longtemps que tu ne te réconcilies pas avec Lily. Ta frangine. Ce sont les voeux de Nana, après tout. Comme quoi, vos différents n'ont pas touchés que vous, il faut croire. Tu grimaces en ajustant la bandoulière de ton sac à dos qui repose contre ton épaule. Il est fichtrement lourd, d'ailleurs. Ce dernier contient tout ce qu'il te reste. À savoir quelques vêtements et des pacotilles. Des souvenirs, pour la plupart. T'as dû te départir de tes affaires lorsque t'es entré en désintox, faute de place et t'étais bien trop fier pour demander à tes parents d'entreposer tes choses. C'est l'une des raisons pour laquelle tu ne leur as pas quémandé de l'aide, ni quoi que ce soit d'autres depuis plus d'un an, maintenant. Ils peuvent bien aller se faire foutre! De toute façon, ils sont aussi fauchés que toi, ces cons. Tu secoues la tête de gauche à droite suite à cette pensée avant de lever la main vers la porte. Tu toques enfin. Trois petits coups qui résonnent dans le couloir signalant ainsi ta présence. Tu retiens ta respiration avant d'extirper l'air de tes poumons dans un long et interminable soupire. Les lèvres maintenant pincées, tu songes au discours que tu prononceras lorsque Lily t'ouvriras. Trop tard. T'aperçois sa silhouette s'immiscer dans le cadre de la porte et tu souris. Faussement. « Salut. Dis, il est confortable ton canapé? »

Le nez plongé dans mes livres, je mets un moment à réaliser qu’on vient de toquer à la porte. Pourtant, une petite voix dans ma tête semble me rappeler de façon très énervante qu’un truc bien de déranger ma routine. Je soupire, relève la tête et comprends. Je me lève et marche lentement vers la source de distraction, curieuse malgré tout de savoir qui peut bien être là. Lorsque j’ouvre et que je te vois là avec ton sac sur l’épaule, ma mâchoire se décroche. Ça fait pratiquement un an que je t’ai pas vu et t’oses malgré tout me demander : « Salut. Dis, il est confortable ton canapé? » J’ai envie de refermer la porte immédiatement. Te la claquer au nez serait probablement l’option la plus viable pour nous deux puisqu’il risque d’y avoir un meurtre si je te laisse entrer. Malgré tout, contre mon meilleur jugement et tous mes principes, je m’écarte pour que tu passes. J’ai pas envie que tu restes là comme un clochard et qu’on attire l’attention de tout le monde; voilà ce que je me dis pour me convaincre que ce que je fais n’a rien à voir avec le fait qu’en réalité, tu m’as gravement manqué depuis tout ce temps, que je me suis inquiété à fond et que je n’ai pas pu m’empêcher de penser : est-ce qu’il est mort? Mais non, t’es là, devant moi, bien vivant. Je referme rapidement la porte derrière toi et croise les bras sur ma poitrine –mécanisme de protection j’imagine. « Qu’est-ce que tu fais là Shiloh? »

Tu te trouves dans ta chambre, allongée sur ton lit. Tu as un énorme livre de médecine entre les mains et le pire ? C'est que tu dois le terminer dans deux semaines. Tu es bien avancée au moins... t'es le genre de fille qui lis vite. Par contre, il faut que tu prennes énormément de notes si tu veux arriver à tout retenir ! Bref, tu décides de prendre une petite pause et regarder ton téléphone. Ça faisais un moment que tu n'avais pas eue de nouvelles de Sloan... et par un moment, je veux dire, seulement quelques heures. T'es complètement accroc à ton téléphone quand vous n'êtes pas ensemble et, quand vous l'êtes, c'est comme s'il n'existait pas. Tu t'allonges sur ton lit en repensant à l'autre soir. Après une crise de manie de la part de Sloan, tu as décidée de lui accorder ta virginité... mais tu n'as pas encore trouvé le moyen de le dire à Lily. Pourtant, l'envie y était. Tu lui disais tout et dans les moindres détails mais... Tu sais ce que Sloan représente/représentait pour elle et tu appréhendes le moment où tu lui diras que c'est lui que tu as "choisi". T'écrases ton gros livre de médecine sur la face, quand t'entends la porte d'entrée s'ouvrir et se refermer. Uh ? Lily a invité quelqu'un ? Tu te lèvres et sors de la chambre, pour t’apercevoir qu'elle n'avait invité personne... Voilà Shiloh, au pieds de la porte. Tu admires la scène sans dire un mot. Tu essaies plutôt de comprendre ce qu'il se passe.

À ton grand étonnement, elle s'écarte de la porte pour te laisser entrer. Tu la dévisages une seconde, les paupières plissées, avant de pénétrer à l'intérieur de son appartement. Eh bien, si t'avais su que ce serait aussi simple, tu n'aurais pas passé la dernière heure à angoisser comme un con et appréhender sa réaction lorsque tu te retrouverais devant elle après ta subite disparition. Elle referme la porte derrière toi avant de croiser ses bras contre sa poitrine. « Qu’est-ce que tu fais là Shiloh? » Tu pivotes ton bassin avec beaucoup trop d'entrain dans sa direction, prenant soin de faire crisser tes baskets sur le parquet. Nouveau sourire. Celui-ci se veut arrogant et amusé à la fois. Ce que tu veux? Quelle question! Ton fric, voilà ce que tu veux. « Ton canapé. Queq' jours. » Tu réponds à l'arrache, distrait par la présence que tu ressens dans ton dos. Tu tournes les talons et tu remarques Suzy, la p'tite vierge adoptée par ton oncle Edward. Ta cousine, en quelque sorte. Cousine que t'aimerais bien dépuceler, d'ailleurs. « Réunion d'famille? J'tombe à pic, on dirait ben! » Tu penches légèrement la tête sur le côté tout en reluquant la brune avant que ta frangine attire, à nouveau, toute ton attention. « Fais pas c'te tête, Lily... T'es pas contente d'revoir ton grand frère? »

Les souliers de Shiloh crissent au sol et je serre la mâchoire en même temps. Il vient d’arriver et il m’énerve déjà. Son simple petit sourire me donne envie de lui arracher toutes les dents. « Ton canapé. Queq' jours. » Je fronce les sourcils, ça, au moins, j’avais cru comprendre. Il tourne son attention vers Suzy qui est apparemment sorti de sa chambre pour nous surveiller. Je suis son regard et l’observe. « Réunion d'famille? J'tombe à pic, on dirait ben! » C’est pas une réunion ducon, on habite ensemble. J’ai envie de lui jeter un truc par la tête, mais demeure stoïque. Quelque chose me dit que j’aurais besoin de toute mon énergie. « Fais pas c'te tête, Lily... T'es pas contente d'revoir ton grand frère? » Cette fois, je lâche un rire sec complètement dénué d’humour. « Va t’faire foutre Shiloh. Qu’est-ce que tu fais en ville de toute manière? » J’ai pas envie de lui prêter mon canapé, j’ai pas non plus envie de me réveiller avec lui qui squatte mon salon. J’veux pas le voir en train de se doper et j’veux surtout pas qu'il fasse tomber Suzy dans ses conneries.

Tu es sortie de ta chambre en entendant la porte s'ouvrir et se refermer, en entendant des voix. Ça a tout de suite piqué ta curiosité. Tu restes bien silencieuse dans le cadre de ta porte de chambre, tu regardes ton cousin avec le visage tellement pâle. C'est comme si tu avais vu un fantôme ! Réunion d'famille? J'tombe à pic, on dirait ben! Tu regardes Lily, les bras croisés. Elle est dos à toi et c'est comme si tu pouvais deviner l'expression sur sa face. Elle a l'air blasée, énervée, dépassée. Voir même être sur le point d'être en colère ! Fais pas c'te tête, Lily... T'es pas contente d'revoir ton grand frère? Ouh... le rire de Lily. Ouais nan, elle va péter un câble. Va t’faire foutre Shiloh. Qu’est-ce que tu fais en ville de toute manière? Tu ne sais tout simplement pas quoi ajouter... mais tu t'approches d'eux, histoire de te mettre à côté de Lily. Après tout, toi aussi, tu aimerais bien entendre la réponse à cette question.

Le rire sec de ta frangine t'indique qu'elle est agacée. Déjà? Dommage, tu commences à peine à t'amuser! « Va t’faire foutre Shiloh. Qu’est-ce que tu fais en ville de toute manière? » L'autre brunette s'approche et se poste à côté de Lily, comme si elle était son chien de garde ou tu ne sais trop quoi. Elle compte te mordre ou quoi? Un sourcil arqué, tu les dévisages à tour de rôle avant d'hausser les épaules. « J'ai plus l'droit d'passer voir ma p'tite soeur? » Tu lui demandes, étouffant un rire avant de pivoter les talons et de te diriger vers le canapé. Tu jettes ton sac à dos au pied de ce dernier et tu te laisses tomber contre ton futur lit. T'affiches une moue satisfaisante et tu te lèves d'un bond, croisant ainsi les regards outrés des deux Underwood. « J'vais être franc. T'es pas mon premier choix, Lily. En fait, t'es l'seul. Si j'avais pu éviter d'te demander un service, crois-moi, je l'aurais fait. » Tu plantes tes iris dans les siens, espérant qu'elle réalise que tu es sérieux. Et sobre. Fichtrement sobre et ça commence à t'irriter. La situation, le fait qu'elles te regardent comme si t'étais un monstre, un putain d'intrus. Le manque, surtout. Ouais, ça te fait royalement chier.

« J'ai plus l'droit d'passer voir ma p'tite soeur? » Ouais, non. D’abord parce que je sais qu’il est là pour autre chose, pas simplement pour moi. Mais aussi parce que ce droit, il l’a perdu il y a un bon moment déjà avec toutes les conneries qu’il a fait. Suzy s’approche et je suis reconnaissante de sa présence près de moi, son soutient même s’il est silencieux. À deux on est beaucoup plus forte, on l’a toujours été. Il se traine jusqu’au canapé et je le regarde faire d’un air ahuri, la bouche entre-ouverte comme pour dire un truc, mais rien en vient. Je crois que je suis trop frustré et surprise pour même articuler un truc cohérant. « J'vais être franc. T'es pas mon premier choix, Lily. En fait, t'es l'seul. Si j'avais pu éviter d'te demander un service, crois-moi, je l'aurais fait. » Quoi? Comment ça le seul? Je fais quelques pas pour le rejoindre au salon. « De quoi tu parles? T’as pas un pote aussi dopé que toi qui a un canapé… Laisse-moi deviné, t’as perdu tous tes amis et t’as plus personne à qui voler du fric alors tu reviens me voir pour un round deux? » C’est injuste de ma part, mais comment est-ce que je pourrais le traiter autrement alors que je n’ai aucune idée de l’état dans lequel il est, de la raison de sa présence et de ce qu’il doit faire pour obtenir sa part d’héritage?

Shiloh est tellement sarcastique, c'est aberrant. S'il a pas le droit de voir sa petite sœur ? Shit... C'est pas comme si, ça faisais des années qu'on ne lui avait pas vu la tête. Non si, en fait, c'est exactement ça. Toi personnellement, tu n'as rien contre Shiloh. Mais Lily avait toutes les raisons du monde d'être en colère contre lui et pour l'avoir soutenue pendant des années, pour l'avoir vu souffrir, tu ne pouvais faire rien d'autre que de lui emporter ton soutien. Lorsqu'il débute son charabia de "t'es mon seul choix", pour le coup, tu le prends un brin personnel. Ok, il a jamais pensé aux autres de sa famille ? Il y a anguille sous roche. Son premier et seul choix ne sera jamais uniquement Lily, c'est impossible. Lorsque Lily l'envoie promener, tu l'attrapes par le bras. Lily... Vaut mieux pas qu'elle se rabaisse à son niveau. Tu regardes Shiloh, tu fronces les sourcils. Il y a une 3e chambre, mais tu devras payer le loyer, toi aussi. Balance-tu. Tu vas surement te faire dégommer par Lily plus tard mais en attendant, tu ne peux t'empêcher d'aider la famille. Tu soupires. Et si je te surprends à voler qui que ce soit, j'appelle les flics sur toi j'm'en fous. Tu n'oses même pas relever les yeux vers Lily, t'as tellement trop peur de sa réaction... Alors tu les gardes sur Shiloh qui lui, ne t'intimide pas pour deux sous.

« De quoi tu parles? T’as pas un pote aussi dopé que toi qui a un canapé… Laisse-moi deviné, t’as perdu tous tes amis et t’as plus personne à qui voler du fric alors tu reviens me voir pour un round deux? » T'avales de travers avant d'ouvrir la bouche pour répliquer un truc bien moche, mais la pucelle s'interpose entre ta frangine et toi. « Lily... » Même si tu ne le laisseras jamais transparaître, les paroles de ta soeur t'ont blessés. Ouais, t'as fait des conneries, t'en fais encore et t'en feras probablement toujours. T'en es pas fier, mais, les excuses, t'en fais pas. Jamais. Pourquoi? Ça remettrait en cause toute ta crédibilité, même si, techniquement, t'en as pas du tout en ce moment. Tes lèvres te brûlent, t'as envie d'hurler tellement t'as mal, mais Suzy intervient à nouveau, te faisant ainsi quitter ta frangine du regard pour absorber ton attention. « Il y a une 3e chambre, mais tu devras payer le loyer, toi aussi. Et si je te surprends à voler qui que ce soit, j'appelle les flics sur toi j'm'en fous. » Tu soutiens son regard avant de sourire et de lever les bras en l'air, empruntant un air innocent. « Ça m'va... merci. » Tu réponds à ta cousine alors que tu poses, à nouveau, les yeux sur Lily qui, visiblement, n'est pas enchanté par la proposition de la vierge. « J'vais t'le remettre, ton fric. J'te l'promet. »