T'as la tête qui tourne, les jambes qui fonctionnent plus correctement, les abdos qui travaillent, la voix usée d'avoir beaucoup trop ri et crié, et quelques traces de vodka sur le jean. Bras dessus, bras dessous, tu titubes aux côtés d'Asra dans les rues de Vientiane encore peu animées par les lampadaires allumées et de la musique en provenance de quelques pubs. Une bouteille de Jack Daniels dans la main que tu brandis en l'air, rien ne peut t'arrêter. Tu sautilles dans tous les sens, joyeux, l'impression de courir au ralenti dans un champ de blé avec ta bien-aimée au bras, scène que t'imagines digne des plus grands films du cinéma grand écran. Vous êtes invincibles. Tu t'arrêtes soudainement, rattrapant au vol Asra par la main qui continuait à gambader de l'avant, pour finalement l'élever dans les airs par tes deux bras et la porter, son ventre sur ton épaule, comme s'il s'agissait de ta princesse. « ON EST LES ROIIIIIIIIIIIIIS ! » hurles-tu sans la moindre gêne, le rire à gorge déployée qui reprend de plus belle.

Pourquoi faut-il que tu enfiles ces maudits escarpins à chaque fois que tu vas à une soirée qui dégénère bien trop rapidement. Ouais parce que là tu souffres des petons clairement, ils crient aux secours confinés dans ces chaussures inconfortables, encore plus sur le béton abîmé que sur le dancefloor d'ailleurs. Ta hanche contre celle d'Idris, c'est en gambadant tout seuls de cette façon que tu te rends compte que les rues de Vientiane sont incroyablement silencieuses à cette heure-ci, lorsque la lune domine le ciel tout entier. Il t'es déjà impossible de te souvenir clairement de ce que vous aviez fait à cette soirée mais en tout cas de vos regards vitreux et de vos haleines imbues d'alcool tu devines que picoler n'a clairement pas été un fardeau pour vous ces dernières heures. Vous en assumez les conséquences, livrés à vous-mêmes dans un sale état, surtout que la chaleur atroce n'arrange en rien votre cas actuel. Mais vous vous en foutez, vous vous sentez plus vivants que jamais d'autant plus l'un avec l'autre et vous vous prenez pour les rois du monde là clairement. Vous ÊTES les rois du monde. Enfin, seulement dans vos têtes mais ça vous suffit amplement pour y croire. N'ayant actuellement que tes escarpins pour venir te gâcher la soirée, tu te déchausses et balances ces derniers tu-ne-sais-où tellement que tu t'en bats les couilles de la vie avant de venir rejoindre l'italien dans sa parfaite interprétation d'acteur hors du commun romantique et en plus de ça façon slowmotion, franchement vous vendez du rêve là. On en redemande. Puis pour continuer sur cette merveilleuse lancée le brun t'agrippes par les hanches pour te faire valser dans le ciel et s'écrier que vous êtes bel et bien les crèmes de la crème, les kings of the world. The top of the top. Alors pendant ce vol tu secoues tes bras dans tout les sens à la nigga we made it tandis qu'Idris te repose doucement sur le béton, ce dernier toujours aussi brûlant qu'en journée, là où le soleil aveuglant n'a fait que le réchauffer jusqu'à ce que ça en devienne de la braise. Tu t'avances de cette façon toujours aussi joyeuse avant de pivoter afin de te retrouver face à l'italien, ton regard plongé dans le sien. « C'est qui les plus beaux, les meilleurs ? C'est nouuus ! Haters gonna hate. » t'exclames-tu en ricanant, puis en te mordillant la lèvre inférieur tandis que tu fais des doigts d'honneur tout autour de toi. Bah ouais y'a quoi, c'est vous les beaux gosses de la night faut pas rager. Rien ni personne ne peut vous arrêter, plus personne ne peut vous atteindre. Bah voyons, vous êtes bien au-dessus de toute cette concurrence on va pas s'mentir.

Vous déambulez, peinant à rester debout. Vous marchez pas droit, les idées en vrac. Peu importe, t'en as plus rien à foutre. Rien ne peut t'arrêter, ni toi, ni Asra, vous êtes les rois, les maîtres, vous hurlez et jetez votre joie à la gueule du monde. Tu fais tourner ta belle en l'air, la soulève, la repose finalement , elle, déchaussée, dans un état que tu lui découvres pour la première fois. Mais ça te fait terriblement rire et t'es tellement heureux d'être là, avec elle, au beau milieu de la route où ne circulent bizarrement plus aucune voiture. Tant mieux, ça vous laisse une ligne droite pour vous tous seuls. « Eh ouais. VOUS L'AVEZ ENTENDUE? C'est nous, on est là, personne pour nous détrôner. » Tu rejoins les ricanements d'Asra, levant tes deux majeurs au ciel comme pour dire "on est là, la mort nous aura jamais, on est là et on y reste pour toujours". À peine ta sois-disante supériorité au monde déclarée, t'attrapes la main de la brune, et te voilà déjà reparti à toute allure. L'impression que vous allez désormais à cent à l'heure. Ton cœur bat vite, tu te sens vivant. Tu regardes la belle, ses cheveux au vent, et sa beauté qui te coupe encore et toujours le souffle. Soudain épris d'un romantisme fulgurant, une idée folle t'étant venue, tu lâches la main de la belle, ne pouvant t'empêcher de rire. Ça doit faire une bonne demie heure que tu cours, mais t'as encore assez d'énergie pour réussir à monter sur une voiture et te foutre debout sur le toit de celle-ci. Non sans difficulté, parce qu'avec ton état, tu perds l'équilibre. T'ignores comment, mais t'arrives à te stabiliser un instant, suffisamment longtemps pour faire une sérénade totalement improvisée et inopinée à Asra. « Amore mioooooo! Sono pazzo di te! Asra Obsblorle, t'es LA FEMME DE MA VIE » T'as aucune idée de ce que tu racontes, te mélange les pinceaux, galère même à dire son nom correctement alors qu'il ne t'aurait posé aucun souci en temps normal tant tu l'as prononcé. Coup de pied dans la taule de la voiture pour appuyer tes derniers propos, et soudain, l'alarme qui s'enclenche. Tu t'affoles, trébuche et tombe lamentablement du toit alors que les lumières de l'immeuble d'à côté s'allument une à une. Tu exploses littéralement de rire en te relevant comme tu peux. Tu t'empresses de rejoindre Asra pour courir à toute vitesse avant de vous faire choper.

Isra against the world. Même si c'est seulement dans vos têtes, c'est le plus important. D'y croire. Et puis l'espoir fait vivre ma gueule. Vous avez bien raison de vous prendre pour des kings puisque c'est dans le fond votre nature véritable. Tandis que vous étiez entrain de vous écrier Ô combien vous êtes géniaux vous voilà repartis à taper un sprint comme jamais ta main dans celle d'Idris, la main d'Idris dans la tienne enfin bref vous êtes bien partis pour conquérir la nuit. Ouais tu es à fond dedans tellement que tu te prends pour Usain Bolt version pieds nus sur le béton même si malheureusement ta vitesse est bien loin d'égaler celle du champion, l'alcool dans ton sang fait que là tu es à fond, il y a de l'adrénaline qui monte en toi et tu sens que c'est quelque chose que tu as pas ressenti depuis un bout de temps. Et c'est de loin la meilleure chose que tu as ressenti depuis un bout de temps. Même si vous êtes concentrés dans votre course tu peux pas t'empêcher de rigoler aux éclats pour on ne sait quelle raison, ouais votre état est beau à voir mais je sais pas si j'en pleurerai de rire quoi. Puis au bout d'un moment vous ressentez le besoin de vous arrêter, fatiguer de cette course en ligne droite sans fin ou autrement dit un supplice pour deux bourrés pas fut-fut ouais là on peut le dire vous êtes quasiment essouflés. Mais ça fait du bien surtout que ça ne t'empêche pas de te mettre à rire d'autant plus fort tellement toute cette délinquance t'amuse. En parlant de délinquance, vous avez eu l'intelligence de vous stopper pile devant une belle bagnole. Une belle bagnole qu'Idris n'attendra pas une seconde de plus pour grimper dessus tel un marsupilami. Quel beau moment, mais le meilleur reste lorsque l'italien se met à te faire la sérénade. Putain mais les gars la SÉRÉNADE QUOI. Ce mec est un génie. Et pendant ces quelques secondes de sérénade maladroite, si bien qu'il a écorché ton nom de famille, tu ne peux t'empêcher d'arborer une expression sérieuse avant de te remettre à ricaner de plus bel. Et parce que vous vivez dans l'abus et que le brun est pas si genius que ça, bah il enclenche le système de sécurité du véhicule sur lequel il était entrain quelques instants plus tôt de faire le fou. Autrement dit, c'est une vieille alarme qui grésille bruyamment et de façon insupportable dans la rue résidentielle de Vientiane si bien qu'on l'entendrait d'ici à trois pâtés de maison. Tandis qu'Idris s'est bien cassé la gueule et que vous êtes encore entrain de vous marrer sur cette chute mémorable vous sentez qu'il faut que vous déguerpissez au plus vite si vous voulez espérer ne pas vous faire chopper et vous retrouver à vous engueuler avec un laotien. Ouais, il est préférable d'éviter un tel massacre alors tu te débouches les oreilles avant de venir entrainer le brun dans ta course folle, vous menant dans d'autres quartiers tandis que tu peux pas t'empêcher de chantonner Runnin' interprétée de base par la indétrônable Queen B. Bah n'empêche qu'à force de pousser la chansonnette tu te débrouilles pas mal mais faut pas abuser non plus. Tu sens que vous vous êtes bien éloignés de la scène de crime, si bien que vous n'entendez pas un chat dans cette rue commerçante où c'est pourtant un petit bazar extravagant qui vous attire par ces multiples néons colorés qui prônent la devanture qui est le seul commerce semblant être encore ouvert à cette heure tardive. N'empêche qu'en croisant le regard d'Idris tu sais que vous êtes sur la même longueur d'onde et que ce commerce attire un peu plus que votre curiosité. Alors ni une ni deux, vous plongez votre tête la première dans la petite infrastructure.