Quand la fin du cours arriva, je lâchai un soupir de soulagement. Même si j’aimais ce que je faisais, et même si le prof était plutôt dynamique, je finissais toujours par décrocher avant la fin, incapable de rester bien longtemps concentré sur la même chose. Enfin, je m’étais amélioré depuis mon arrive à Harvard, et j’étais normalement capable de suivre un cours en entier sans que mon attention me fasse défaut. Mais pas en ce moment, alors que la fuite et presque disparition de Dragomir me hantait. Ce fichu russe qui ne voulait pas me dire quel était son problème. Si encore c’était parce qu’il était dans le placard – ce qui était un peu mon cas vu que ma famille ne savait rien des aventures amoureuses avec des mecs – mais non, il s’assumait totalement ce con. Et en prime cette histoire me renversait tellement la tête que j’en avais du mal à suivre mes cours. Heureusement pour moi, je n’en avais pas d’autres aujourd’hui, je n’avais que mon « rendez-vous » avec Lawrie après ça, et je serais libre de rattraper ce que j’avais loupé – avant de me mettre en chasse de cet idiot de Drago.

Aussi je me précipitai dehors dès que je le pus, avide d’air frais. Mes pas me dirigèrent vers le café, pas trop loin du campus, de sorte que je n’aie pas à attendre un bus – ou pire conduire, l’essence n’était pas donnée. Je me demandais ce que pouvait bien vouloir me dire mon frère, que je n’avais que rarement vu récemment, même si on se voyait plus maintenant qu’il était installé à Boston, ce qui m’arrangeait bien, puisqu’il était celui de ma fratrie que j’appréciai le plus – et celui qui me morigénai le moins aussi. J’arrivai avec quelques minutes de retard – ce n’était pas de ma faute si j’avais mal calculé le temps de trajet non plus ! – au café et repérai assez facilement Lawrence – beaucoup de regards étaient tournés vers lui en même temps.

Lui par contre avait le regard fixé sur son téléphone, un sourire aux lèvres. Je n’étais pas vraiment du genre à m’intéresser à la vie privée de mes frères et sœurs – moins je posais de questions, moins ils étaient susceptibles de m’en poser – mais là je devais admettre que j’étais curieux de savoir qui le faisait sourire comme ça – à moins que ça soit une stupide blague lue sur internet ? Bref, je vins m’asseoir devant lui, un léger sourire sur les lèvres, et le saluai : « Salut Frangin, tu regardes quoi ? ». Comme d’habitude il était tiré à quatre épingles alors que moi j’avais juste un jean et un T-shirt, et mon sac de cours sur l’épaule. Autant dire qu’on était à l’opposé l’un de l’autre, mais j’en avais l’habitude, et je n’en étais pas dérangé. De toute façon je n’avais pas l’intention de copier mon frère, j’avais conscience d’être différent de lui et que je ne lui ressemblerais sans doute jamais, et je le vivais très bien.