Quelques jours après la naissance d'Arlo seulement, Evie s'était tapé un gros mais très gros coup de stress. Stress qu'elle avait toujours d'ailleurs... Mais bon ! Suite à cela, elle avait correspondu avec sa meilleure amie qu'elle connaissait depuis Harvard: Annalynne Malcolm, en personne, oui oui ! Les deux jeunes femmes étant toutes deux fraichement mères, il était normal de se soutenir dans ce genre de situation ! Elles s'étaient souvent croisées, sans prendre réellement de temps pour elles, pour se retrouver.
Du coup, il y avait seulement deux jours de cela, la rouquine avait empoigné son téléphone portable et envoyé un message à la brune:

"Ma poule, faut vraiment qu'on se voit ! Puis j'ai l'impression de devenir moche, j'ai besoin d'une nouvelle garde-robe ! Séance shopping - SANS les enfants - comme au bon vieux temps, ça te dit ?"

La réponse n'avait pas tardé à s'afficher sur l'écran tactile et elle était positive. C'était donc en ce samedi matin relativement ensoleillé qu'Evie devait retrouver Anna. Elle avait collé Arlo dans les bras de sa soeur et était partie en trombe de la maison. Elle avait tellement honte de l'avouer, mais retrouver enfin du temps pour elle était une véritable renouveau. Elle respira l'air frais à pleins poumons (même si la pureté de l'air en question était discutable, elle s'en fichait totalement !) et se mit en route d'un pas plus ou moins assuré. Elle avait chaussé des petites ballerines, histoire d'être parée aux heures d'essayage qui l'attendait. Et puis elle avait délibérément pensé que le matin serait une bonne idée pour deux raisons: la première était qu'il y avait bien souvent moins de monde dans un centre commercial le matin, et le deuxième était que les deux jeunes femmes allaient pouvoir manger ensemble et donc prendre un temps considérable pour continuer leurs conversations endiablées !

Evie aimait énormément discuter avec Anna qui lui apportait souvent de la fraicheur et un petit grain de folie. Mais son amie savait aussi être là pour écouter et conseiller lors des discussions sérieuses et la rousse accordait beaucoup d'importance aux avis d'Anna.
Lorsqu'elle arriva au lieux de rendez-vous convenu (un petit centre commercial au sein de la ville), elle constata qu'elle avait quelques minutes d'avance. Elle n'eut pas à attendre longtemps car déjà elle voyait la silhouette longiligne de son acolyte se découpait parmi les passants étrangers. Evie alla droit dans sa direction et lui accorda un grand sourire, des plus sincères, tout en la serrant dans ses bras:

- Je suis si heureuse de te voir ! Comment vas-tu ?

Elle marqua une courte pause pour la tenir à distance et l'observer d'un oeil malicieux:

- T'es toujours aussi canon dis don ! Prête pour affronter ces heures de piétinement intensif ?
finit-elle par ajouter en pouffant de rire.

Voir son amie ainsi, sans les enfants lui avait si subitement allégé le coeur. Elle vint soudain à penser qu'elle devait être une bien mauvaise mère pour pouvoir autant prier pour un moment de tranquillité. Mais Evie chassa très vite cette idée de son esprit: aujourd'hui elle allait en profiter et pouvoir enfin voir une personne qui n'allait pas lui vomir dessus à la première occasion !!

Sur le moment, j’ai eu cette drôle d’hésitation, cette infime temps de réflexion, celui de « Je n’ai pas envie » de toutes les manières je ne peux plus acheter comme je l’entends à présent.Ô évidemment, j’ai de l’argent, le Nirvana tourne bien, les clients ne rechignent pas à l’idée de payer … Cependant, le fait est que ce n’est plus comme avant. Avant, je pouvais jeter l’argent par les fenêtres, me permettre d’acheter, si je le voulais, une paire de chaussures à 3000$ sans même le regretter, sans même vraiment m’en soucier. Mais à présent … à présent je suis devenue ce genre de femme, celui qui se dit qu’économiser serait quelque chose de bien, qu’il faut envisager l’avenir, les demains, et puis, finalement, je me suis dit que de cette sortie, j’en avais besoin. Un moment pour penser à moi, avec une amie de longue date, sans me coltiner seulement le rôle de maman. Comme la Jamaïque, juste du bon temps. Alors j’ai dit oui, et après avoir laissé Tobias à Clay, je suis partie. En ayant au coeur, toujours ce même pincement, maudissant l’amour et ses dégâts, mais surtout moi.

Après quelques minutes je finis par me garer, arrivée à bon port, devant le centre commercial dont l’adresse a été décidée plus tôt. Plusieurs pas, avant que je ne remarque sa crinière rousse au loin et qui m’arrache un sourire certain. D’ailleurs, ce sourire là, elle me le rend, avant de m’accorder une étreinte amicale, agrémentée de mots presque apaisants. « Je suis si heureuse de te voir ! Comment vas-tu ? » Je le suis aussi, vraiment, même si j’ai hésité, je n’avais juste pas réaliser combien ça peut faire du bien de voir un visage qui n’a envers vous aucune animosité, rien que de l’affection qui se décline sur plusieurs années. « T'es toujours aussi canon dis don ! Prête pour affronter ces heures de piétinement intensif ? » Qu’elle prononce après m’avoir observée plusieurs secondes, et c’est dans une expression aussi faussement coquine que la sienne que je lui dis en guise de réponse. « Je te retourne le compliment. » Sachant que nous avons toutes les deux eu des enfants, une chose est certaine, c’est que notre taille à la limite du parfait a perduré, c’est au moins de nos grossesses un bon côté. « Prête. » et un hochement de tête décidé accompagne mon mot balancé. Alors quand nous commençons toutes les deux à marcher, j’incline un minimum la tête en sa direction pour lui répondre « Ca va ... et toi ? » parce que je sais pertinemment que dans sa vie c’est autant le bordel que dans la mienne, je suis certaine que mon "ca va" elle sait, que ce n'est que de l'apparence, que je suis en pleine déchéance. Et puis finalement, inspirée par un je-ne-sais-quoi, peut-être par la légèreté de l’instant, je lui balance, coquinement. « Je veux commencer par un magasin de lingerie. » Et continue sur ma lancée, en une blague maîtrisée. « Ca fait trop longtemps que je ne t’ai pas vue dénudée. » de mauvais goût, sûrement, mais avec elle, au moins, je le sais, que je peux tout me permettre.