Dix heures trente-deux, et j’suis loin d’être prêt. Le réveil a sonné à la bourre ce matin, ou bien il n’a pas sonné, impossible de m’en souvenir je me souviens juste l’avoir balancé contre le mur. Impossible de faire comme tout le monde et mettre l’alarme de mon téléphone, trop peur de le flinguer en moins de deux. L’impulsivité impressionnante, et j’ai sûrement réveillé tous mes colocataires, tant pis ils auront sûrement l’occasion de se rendormir avant leurs cours, pas moi. Je dois me pointer au boulot avant onze heures, des horaires plutôt avantageux, mais si j’ose y déroger, mon contrat ne fera pas long feu. C’était déjà assez compliqué de trouver du travail avec mon casier judiciaire, impossible de foirer ça. Je sors de l’appartement après avoir enfilé un vieux jean déchiré, un truc tâché par l’huile de moteur un nombre incalculable de fois, un tee-shirt gris de la même veine et le bomber noir que je ne quitte jamais. Sors chercher ma voiture au sous-sol, une vieille BMW achetée une misère que j’avais complètement refaite il y a trois ans, plus de patate, un intérieur cuir de toute beauté, mon bébé. La route n’est pas longue pour arriver au garage, mais à la vue d’une fumée noire sortant d’une voiture non loin, le trajet risquait d’être plus long que prévu. J’peux pas laisser une demoiselle en détresse en plan comme ça, surtout vu sa dégaine… Je me gare devant sa voiture, repérant bien vite de qui il s’agissait, Hippolyte. J’pouvais pas m’empêcher de penser à ce que ces parents cherchaient en l’appelant ainsi. Je descends de ma voiture, approchant d’un démarche assurée. – un problème princesse ? question con, c'était évident, j'avance vers le capot. - tu permets ? pour enfin l'ouvrir. - rien de grave c'est ta vanne qui... je m'arrête en la regardant, même pas la peine d'expliquer. - je t'emmène au garage, c'est rien t'inquiète. Mon diagnostic est sûr. - il est où ton chauffeur en fait ? impossible qu'elle soit venu jusque ici, toute seule.

Elle avait bien de la chance que je sois passé par là, mais son air hautain m’irisait au plus haut point. Son regard était plus que désagréable et finalement je préférais qu’elle n’ouvre pas la bouche, chez elle y’a que le physique qui est bon à prendre. C’est clair que ce n’était pas le genre de femme avec qui tu passerais une après-midi, même une heure à parler de tout et de rien, impossible y’avait rien à en tirer. – t’as fini de me donner des ordres ? Déjà que je m’arrête alors que j’suis en retard, juste un merci ça suffira. J’vois pas pourquoi je me fais chier à lui dire ça en fait, elle s’en fiche complètement. Je n’insiste pas, laissant la demoiselle prendre ses affaires avant de sortir son matériel de remorquage, blocage des roues avant et treillage pour accrocher les deux voitures. Je pense intérieurement à la faire raquer pour ce service, autant en profiter. Je monte enfin dans ma voiture, jetant un regard à l’horloge, priant pour ne pas me faire renvoyer direct. – je ne me souvenais pas que tu étais aussi charmante. Ajoutais-je d’un ton ironique, espérant qu’elle soit plus intelligente qu’elle était agréable. – ne mets pas ton vernis sur mes sièges ne cuir.

Tu lèves les yeux au ciel en essayant de rester détacher de ces paroles, tout ce qu’elle débitait sentait l’arrogance à plein nez comme si tout lui était dû. Chose que tu ne comprenais pas, la seule chance qu’elle avait eu dans la vie, c’est d’être bien née, sinon elle le serait rien. Tu ne t’étais jamais réellement demandé ce que toi tu valais, inutile de s’y étendre, mais tu étais sûr d’une chose : tes principes sont plus importe que n’importe quel billet de cent dollars. A ce moment précis et en compagnie d’Hippolyte, ça devenait un peu différent – ne tant fais pas pour moi, inquiète toi plutôt de la facture que je vais te faire pour ça. Elle s’inquiéter ? C’était impossible et tu le savais, mais il fallait bien que tu lui prouves que croiser sa route ne changerait rien à ta vie. Elle s’était excusée sans grande conviction, tu préféras ne pas lui en demander plus, moins elle parlerait, plus le trajet serait calme. La jeune femme lui lança un dernier pique avant d’ouvrir la fenêtre passager, tu n’avais pas encore démarré, tu te tournas vers elle avant d’ajouter – sinon je peux aussi te laisser ici, apparemment personne n’est là pour te récupérer. Et j’en conclue que ton portable est à sec, sinon tu aurais déjà appelé un de tes larbins. Tu arquas un sourcil, l’air fier et sûr, la faire sortir de ta voiture n’était pas un problème. Ce serait même l’occasion de poser tes mains à des endroits inappropriés.

Feeling feelings I never felt — Un dernier coup d'œil en arrière, en direction de ma voiture m'avait lâchement abandonnée. Je n'avais pas d'autre choix que de supporter Jadèn le temps d'un trajet, c'était déjà trop ! Il était beau, mais qu'est ce qu'il pouvait être con et il avait le don de m'irriter dès qu'il ouvrait la bouche. Je pouffais un rire sarcastique, levant les yeux au ciel, comme si mon compte en banque pleurnicherait pour quelques dollars perdu. - Ne t'en fait pas pour moi ou pour mon porte monnaie, on se porte très bien ! Que je réponds avec assurance, baissant les yeux vers mon sac à main dans lequel je fouille pour y trouver mes lunettes de soleil et les mettre au bout du nez. Fenêtre baissée, l'odeur du tabac froid était déjà en train de me tuer à petit feu, alors que sa voix retentit à nouveau. Crispante. Un brin menaçante. Je tourne la tête vers lui, faisant glisser à peine mes lunettes pour pouvoir planter mes pupilles dans les siennes. - Ou alors tu peux démarrer, arriver le plus rapidement possible et mettre fin à ce supplice ? Oui, arrêtons ce bavardage incessant et essayons plutôt de vite régler ce problème et que chacun de nous deux reprenne sa propre route.