Jeudi 24 mars. Le jeudi c'est pas le jour des raviolis ou quoi, nan c'est bel et bien le jour du rendez-vous chez le psy. Quatre ans que j'y allais sans presque louper un seul rendez-vous, quatre ans que je devais quitter mon lit confortable pour aller m'assoir sur un divan qui avait dû voir passer des centaines de paires de fesses. Même après tout ce temps j'avais toujours le bonheur de vivre en y allant, un sourire radieux sur les lèvres et le regard vif, comme une petite écolière allant à son premier jour d'école. Sauf que transformer ce sourire en grimace de dégoût et les yeux cachés derrière une paire d lunette de soleil pour masquer les marques d'une nuit bien trop courte, et le tour est joué, c'est ça la vérité. Je devais ressembler à une de ces filles qui fait le trottoir dans les rues sombres de New Haven, monture oeil de chat sur le nez, pantalon de cuir avec des bottines à talons et un manteau de fausse fourrure beige, sacrément classe la fille de joie quand même. Contrairement aux apparences je ne rentrais pas d'une énième soirée, je n'avais pas profiter d'une bouteille seule chez moi accompagné d'un spliff pour la simple et bonne raison que je n'en avais plus, m'enfin c'était peut-être mieux comme ça. J'avais bossé jusqu'à pas d'heure, c'est ça d'aller au Spring Break les gens ça veut rattraper leurs cours perdus et vite fait, quitte à rester au studio jusqu'à minuit et tant pis si le lendemain la jeunette qui sert de professeur a cours. La tentation de m'endormir dans le bus était oppressante, mais il faut le vouloir quand on est debout et collée en plus à un vieux mec à l'odeur suspecte qui lance des regards lubriques à vous faire vomir. Déjà que d'être coincée au milieu de cette foule ne m'aidait pas à respirer, alors en plus si il se mettait à me souffler dans la nuque, je frôlais la crise de nerf. Il fallait que je me décide à le passer ce foutu permis, fini la communauté bonjour l'isolation. Je regardais ma montre, encore en avance ? Si il faut inconsciemment je voulais vraiment y aller à cette heure de racontage de vie .... Non, bullshit, c'est juste que ça roulait bien aujourd'hui. Je me dépêchais de descendre à mon arrêt pour rejoindre la salle d'attente que je connaissais pas coeur, je serai capable de m'y déplacer les yeux fermés je paris. Comme à mon habitude je rentrais sans prêter attention à qui pouvait s'y trouver, attrapant un magazine datant d'il y a trois ans et que je relisais pour la centième fois mais c'était sans compter l'élément perturbateur. « Si j'en avais les moyens ça ferait longtemps que j'aurai disparu » Lysandre, toujours le bon mot pour redonner le sourire et accueillir comme il se doit. Je l'avais presque oublié celui-là, en même temps trois semaines que j'avais pas remis les pieds dans cette pièce qui empeste la dépression. Mais il avait raison, j'aurai pu resté au Chili après le Spring Break, tout le monde n'y aurait vu que du feu. Je continuais de feuilleter la revue, jetant tout de même un coup d'oeil au Mather dans la même galère que moi. « Tu nous a fait quoi là, une Paris Hilton capillaire ? » J'arrivais à discerner des mèches ou même une teinture entière blonde platine, pas mal, ouais pas mal, fallait oser mais j'aimais bien le résultat qui donnait un air encore plus fils de riche qui se rebelle.