Les premières notes se firent entendre, j'en sentais les vibrations, mon cœur accélérait le rythme, cela faisait tellement longtemps que je n'avais pas fait ça. Occupé à travailler l'économie, j'en avais oublié le plaisir que j'avais à danser, cette manière de m'exprimer dont je voulais faire mon métier. Malheureusement, le nom que je portais m'empêchait d'exercer ma passion, le fait d'avoir été rejeté avait laissé une blessure en moi qui ne serait guérie que lorsque j'aurais prouvé qu'il avaient eu tort de me laisser ainsi. Mon corps commença à bouger au rythme de la musique, une mélodie douce et mélancolique en même temps accompagnée d'une danse qui hurlait à l'aide, à la reconnaissance. Je voulais montrer aux autres de quoi j'étais capable, que je n'étais pas qu'un rejeton traître à son sang comme certains avaient pu le penser. Je voulais crier, frapper, montrer que j'allais mal et ça, l'art le faisait pour moi. Tout ce que je composais, musique, chorégraphie, reflétait mes émotions, bonnes comme mauvaises et là tout de suite, c'était ma fragilité qui était mise en avant tandis que mes gestes accompagnaient la musique. Je deviendrai un des dirigeants de ce monde, un des plus grands business man qu'ils aient jamais connus et tout ceux qui se moquaient de moi verraient qui j'étais vraiment : le petit gamin traumatisé s'était transformé en homme. Tout à coup, un bruit se fit entendre, me tournant automatiquement vers la porte, j'aperçus une femme, pas n'importe laquelle Loïs. Depuis quand observait-elle ? Totalement perdu dans la musique, je n'avais pas remarqué sa présence, maintenant nerveux qu'elle ait pu voir une partie de moi que je cachais aux autres. « Qu'est ce que tu fais là ? » demandais-je, essoufflé, serrant la mâchoire. D'habitude, je n'étais pas aussi dur mais le fait d'avoir été vu en train de danser me dérangeait, comme si un secret avait été révélé.

La danse, l'une de mes plus grandes passions, le seul instant où je pouvais me replonger pleinement dans un passé positif, où je me retrouvais avec ma mère alors que j'étais haute comme trois pommes, j'avais presque l'impression qu'à chaque moment où je m'abandonnais, habitée par la musique, elle étais là quelque part à m'observer. Ma maman était professeur de danse et il me semble que j'avais du commencer à m'entraîner avec elle alors que je marchais à peine, c'est là que j'avais découvert une de mes plus grandes passions, une passion dévorante qui ne m'avait jamais quittée jusqu'alors... J'avais toujours été admirative de sa façon de danser et m'étais mise une pression sans égale quant au fait que je n'aurais très probablement jamais son niveau, j'ignorais même si je l'avais obtenue à ce jour, alors que j'avais toujours travaillé cette discipline d'arrache pied... Une nouvelle fois, j'avais profité de mon temps libre pour m'entraîner, cela me permettait de me vider la tête et de me remettre les idées en places, et puis j'aimais plus que tout cette sensation d'être aussi légère qu'un oiseau, de pouvoir m'envoler doucement au rythme d'une musique qui me transportait loin, très loin. J'arrivais donc avec mon sac de sport, passant tout d'abord aux vestiaires pour me changer puis, attirée par une musique voluptueuse, je m'approchais de la salle où je reconnaissais Kovu, ce jeune homme plein de sensibilité dont je ne savait que trop peu de choses. Kovu avait toujours été différent des autres hommes, quelque chose en lui m'attirait comme un aimant, comme s'il fallait que je le connaisse davantage au risque de le regretter par la suite. Il semblait si différent de moi mais à la fois si semblable, cela n'avait rien d’ordinaire, c'était la première fois que j'étais si intriguée par quelqu'un. Je l'observais quelques minutes, un sourire aux lèvres. Peu d'hommes exerçaient la danse et surtout pas avec tant d’assiduité et j'étais admirative de le voir évoluer comme il le faisait sur le plancher de la salle. Je restait silencieuse, tentant volontairement de me faire oublier mais ne pouvant décrocher mon regard du jeune homme lorsque celui-ci s'arrêta brutalement. Surprise par le ton sur lequel il s'adressait à moi, je ne pouvais cacher ma gène. « Je... suis désolée, je ne voulais pas te déranger... » Je baissais légèrement la tête puis la relevais doucement pour faire de nouveau face au jeune homme. « Tu as beaucoup de talents tu sais... Tu as déjà prit des cours..? »

La danse était quelque chose de très personnel, la personne se dévoilait à travers cet art, même le pire des connards pouvait apparaître sensible en dansant, il suffisait juste de ressentir la musique en soi. Le cœur qui semblait vibrer au rythme de la mélodie, ma tête qui se vidait alors que mes membres bougeaient, je pouvais faire ça pendant des heures sans me rendre compte de rien. Oublier la réalité, mon identité, les malheurs arrivés récemment, la danse servait à ça alors, évidemment, lorsque je réalisais qu'on m'observait, ça me foutait mal, comme si une partie de moi avait été agressée. Allant chercher la télécommande pour éteindre la radio, je l'évitais, ne répondant ainsi pas à ses excuses. Loïs ne me dérangeait pas, elle m'avait juste surprit, d'où mon ton froid et dur. Cette femme me déconcertait, elle semblait tellement facile à comprendre et pourtant son caractère était complexe ce qui m'avait amené à la conclusion suivante : son passé n'avait pas dû être facile. Mais, évidemment je ne pouvais pas en être sûr étant donné qu'elle ne m'en avait jamais parlé. Nos passés étaient quelque chose de secret qu'aucun de nous deux ne révélait comme ça alors on faisait comme si de rien n'était et discutions de n'importe quoi. « Non j'ai tout apprit tout seul, on avait pas d'argent à dépenser pour les cours » répondis-je, le regard tourné vers la radio, me remémorant les durs moments de mon passé. « Et puis la danse n'est pas quelque chose qui s'apprend, c'est quelque chose qu'on ressent » continuais-je, relevant cette fois ci la tête pour plonger mon regard dans le sien, l'air sérieux. Pour moi, c'était évident, l'art était à propos d'émotions et cela ne s'enseignait pas. A la limite les pas pouvaient être perfectionnés grâce à un professeur mais les frissons que l'on ressentait il fallait les vouloir. « Tu t'y connais en danse ? Sinon c'est pas la peine de me dire que j'ai du talent » dis-je finalement sur un ton moins froid mais mes traits toujours aussi durs. Seul quelqu'un qui savait ce qu'était vraiment cet art pouvait dire ça, un débutant pourrait penser que quasiment tout le monde dansait bien et ses compliments n'avaient alors aucune valeur, en tout cas, pas à mes yeux. « T'aurais dû prévenir que t'étais là. »