w/ @maddox gardner

Prisonnière entre ces quatre murs scrutait par la fenêtre quelques silhouettes passagères. Fantômes éraflant le bitume ici bas et elle, haut perchée, contemplait le désastre défilant sous ses ténèbres. Immenses gratte-ciels s'élevant au-delà des étoiles, alors qu'assise sur la voûte des astres, elle ignorait leurs promesses. Seule, ce soir. Captivée par les heureux qui traversaient sans la voir. Elle attendait celle qui chasserait ses cauchemars. Souvenirs d'un inconnu lui rongeant la mémoire. Cet homme qu'elle n'avait jamais vu lui souriait encore, caressant la main de sa mère mise en évidence sous ses yeux de jais. Cœur menaçait de vomir tous les ressentiments qui l'animaient. Elle l'imaginait déjà dans quelques mois, avec une nouvelle bague au bout du doigt. L'oiseau dansant quitta son nichoir et se glissa dans un nouveau plumage. Abandonnant les illusions, enfilant ce pull trop large qui lui étreignait la peau. Silence pesant dans un appartement vide que le bruit des klaxons réveillait. Un calme latent qui attisait sa nervosité et lui déchirait l'estomac en mille morceaux. La sonnette résonna et la sortit de cette torpeur dans laquelle elle avait sauté. « Monte. » Un mot. Un ordre dans c'vieux parlophone. Elle se regarda dans l'petit miroir de l'entrée. Sa main dompta ses boucles brunes tombant sur ses épaules, piétinant d'impatience. Elle lui avait manqué.

w/ @maddox gardner

Un fracas assomma cette vieille porte en bois à côté de laquelle, elle, sauvage mortelle, se reflétait dans ce miroir cruel. La mante religieuse attira sa proie dans un piège tissé de sa toile. Main autour du poignet l'emmenant dans son antre de jais et glissant enfin dans la sienne lorsqu'elles se retrouvèrent. Bruit sourd abandonné derrière celles qui, un jour, furent taillées par les sirènes dans le sel de la septième mer, des eaux ravagées et outrancières. Fille de la nuit laissa son regard noirci traîner dans une lenteur exquise sur les courbes de la jolie. « Si t'es la livreuse, elle est où la meuf exceptionnelle qu'on m'a promis ? » Les pupilles brillant d'une provocation étincelante, éclairant les profondeurs de son âme vacillante. Mélodie de son rire résonna entre les murs alors qu'elle se délia, se libéra. Sensation de vide l'étouffa. Le manque lui martela le corps qui criait silencieusement ce besoin de la retrouver, elle, cette addiction marquée par les années. Froideur dans le sang et elle se jeta dans ses bras, la serrant contre elle, respirant ce parfum familier. Celui qu'elle aimait, qui l'apaisait, les muscles relâchés. Bien-être instantané. Déjà volatilisé. Ne pas s'attarder contre sa chaleur parce qu'elle le savait, l'étoile, que le feu se propageait, lui faisant trop souvent tourner la tête. Elle la quitta à nouveau, s'emmitouflant dans ce pull trop large. S'enfonça dans ce couloir atterrissant à mi-chemin entre sa chambre et le salon. « J'invite jamais dans ma chambre au premier date... » Lueur malicieuse, ambitieuse, la joueuse, dans ses prunelles pernicieuses et se mordant la lèvre inférieure avec légèreté, attisant la sensualité des mots ayant sur sa langue roulés; s'éloignant à peine pour rejoindre la pièce dans laquelle trônait un canapé contre lequel elle alla se blottir.

w/ @maddox gardner

Les yeux qui brillèrent, qui glissèrent d'une lenteur indécente sur le galbe dévoilé, et les courbes dissimulées sous un bout de tissu dentelé qu'elle regrettait. Cantique récité dans un silence frénétique et désespéré, alors que sa bouche s'asséchait et que sa gorge se serrait. La volupté du mal lui retournait l'esprit. Chaos dans ses pensées. L'imagination en vrac qui ressuscitait d'vieux souvenirs oubliés, effacés par la marée, leur premier baiser, leurs chaudes nuits d'été. Gorgone, dont les milliers de serpents s'étaient transformés en d'impétueuses boucles de soie la paralysant, la captivait, l'obsédait. Naufragée perdue en pleine mer, incapable de s'arracher à la sirène, d'échapper à son chant corporel. Une vague balaya sa mémoire, la ram'nant sur le sable. Pupilles rétrécirent lorsqu'elle l'imagina cette fois. Là dehors, dos au bord d'une falaise, elle était peut-être tombée volontaire dans le piège d'une bête. Car ce n'était pas pour elle qu'elle était si belle. Elle était soudainement écœurée qu'un carnassier se soit approché d'elle, celle dont un parfum sucré se dégageait, dont la peau moite suintait l'aphrodisiaque. « Tu veux pas un pull ? Fait froid ici. » Fausse innocence dans la voix pointant un vêtement qui en montrait trop ou pas assez, cachant ses envies et la genèse du désir lui brûlant les chairs. Prunelles s'appuyant sur la naissance de ses seins avant qu'elle ne s'en détourne enfin. Elle secoua la tête, docile, réprima un sourire amusé qui teintait ses lèvres d'un éclat naturellement rosé. Ne la contredisant pas, parce qu'elle aussi la voulait dans cette chambre à la porte close. Elle rêvait de se blottir contre elle et d'emmêler ses jambes aux siennes, d'être apprivoisée, apprise, conquise. Leurs palpitants dansant sur un même rythme et leurs respirations se confondant, l'une se saccadant lorsqu'elle sentait la main de l'autre glisser sur son ventre pour les rapprocher. « Et tu comptes t'y prendre comment ? » Lippes pincées, elle en avait trop d'mandé. Elle offrait consciemment à la louve un pouvoir sur elle. Celui de la dominer dans un jeu auquel elles se soumettaient toutes les deux. Eclat de glace la transperçant comme le fer d'une lame plantée en plein cœur. Les ébènes qui fuyaient et elle qui haussait les épaules, la désinvolte, se détournant d'elle en se recroquevillant contre le canapé. D'humeur vénéneuse. « Il est parti avec la meuf qui squatte ici deux jours semaine. J'suppose qu'il est au top de sa forme du coup. » Feintant l'indifférence, elle joua avec le rebord de la manche du pull trop large qu'elle portait. « T'as d'autres questions ? » Onyx plongeant dans le bal destructeur de la succube, le soutenant d'un orgueil malsain. Jalousie allumait la flamme au fond de ses iris. Provocation piquante alors qu'elle se mordait la langue, évitant de cracher son venin. Elle haussa les sourcils pour appuyer sa question, sachant qu'elle y répondrait.

w/ @maddox gardner

Mille et une idées lui traversant le corps, d'innombrables brûlures lui anesthésiant les chairs, engourdies sous l'assaut d'une nuée de frissons lui retournant le bas-ventre. Caché le tremblement de sa peau tiède qui, derrière son armure, étouffait, et un palpitant martelant la pierre qui l'étreignait depuis sa naissance. Un feu éveillant les indomptées, ses ardeurs enfumant cette cavité dans laquelle ricochaient de sombres pensées. Les pommettes rosies, les prunelles captives, en contemplant cette séduisante créature forgée dans l'éternite, née du cri suffocant des hommes, les pieds liés aux enfers. Cette danse sensuelle l'affolait, embrasant les flammes d'un désir qui grondait dans son estomac. Écho féroce qui résonna en elle. Elle détestait cette fille, celle à laquelle elle était soumise. Prisonnière des envies qu'elle allumait, éteignait, qu'elle détruisait et réanimait d'un regard suintant l'ivresse et les promesses. Contre lesquelles elle luttait, désespérée. La carnassière enfonçant ses griffes acérées dans leurs cicatrices boursoufflées, douloureuses qui creusaient ses faiblesses. Attrapant un coussin abandonné pour le lui jeter, brisant leurs regards profondément liés. « Trop sobre pour tes conneries. » Fuir ses beaux yeux, cette lourde tension, la tentation d'fuir ce jeu. Naviguaient en eaux troubles les sirènes, mais l'une d'entre elles, les écailles en cendres, voulait de l'autre sur elle, qu'elle l'emmène dans les abysses du miel et du sel. La repoussant à l'éternelle mais elle était vicieuse, cruelle, celle qui s'approchait d'elle et succombait à ses charmes mortels. Les noiraudes glissèrent sur le velours où, se cherchant, leurs mains s'effleuraient en une caresse électrisante. « Non. » Murmure s'évaporant dans leur silence. Belle profitant de sa douceur, flancha son cœur. C'était cette fille-là qu'elle préférait, ses ténèbres lui vomissant un amour inconditionnel qui brillait, étincelait d'une lueur qui s'oxydait. Visage, dont les pupilles ne décrochaient pas de ses lunes, apaisé, d'une tendresse infinie tout habillé. Ces derniers mots ratant un battement, comme un voyage de le temps la ramenant à cette nuit où elles avaient encore franchi les interdits. « Faut que t'arrêtes ça... » Dans un souffle lâché. Myocarde morcelé, en lambeaux émiettés, à tout instant menaçait d'céder. Ce qu'elle voulait, c'était oublié. Tout oublié. Cette soirée au dégoût profondément ancré, les faux sourires d'une mère, croqueuse d'orfèvre. Cet homme issu d'une vieille royauté qui n'savait pas où il mettait les pieds. Et aucune liqueur pour l'aider à entasser ce qui r'ssemblait déjà à des souv'nirs dans un vieux tiroir au fond d'son esprit. Tout ce qu'elle pouvait faire, c'était essayer d'les faire taire, ces démons qui la tourmentaient. Arrêter d'penser en créant d'nouveaux regrets. Ce qu'elle voulait, c'était l'embrasser, fissurer un peu plus cette amitié fragile qui n'tenait plus qu'à un fil. Les bribes d'une adolescence partagée, le goût de ses lèvres lorsqu'elles avaient r'commencé, de leurs langues qui avaient valsé, et elles ne s'étaient jamais arrêtées. Mais elle était trop enfoncée dans la réalité pour le lui demander. Lâche, ne pouvait pas s'cacher derrière l'excuse d'avoir oublié. Elle se redressa, collant son dos contre l'accoudoir et s'arrachant à elle. Corps s'époumonant, se plaignant, la suppliant d'y retourner. Elle refusait. « J'sais pas pourquoi elle s'obstine encore à me les présenter, alors qu'on sait que ça n'va pas durer. » Soupira. « Elle croit quoi ? Que j'vais l'appeler papa ? » Un rire nerveux, presque irrité, franchissant ses lippes asséchées. « C'que je veux, c'est tout oublié. » Appel à l'aide, les ébènes r'plongeant dans les siennes, alors qu'elle lui attrapait la main pour l'attirer à elle.

w/ @maddox gardner

Un sourire qui s'dessinait aux paroles qu'elle lui chantait. Les mots qui tournaient en chaos et s'cognaient contre ses os. Elle décomposait ses traits, vicieux et impétueux, sous ses prunelles de jais, d'un sérieux orageux. L'rire coincé au fond d'sa gorge après avoir chassé de sa lumière d'innombrables ténèbres. Miséricordieux, ils flânaient comme une épée de damoclès au-d'ssus de leurs têtes. Elle, qui jouait avec ses doigts, n'en finissait plus d'la regarder d'un éclat. Celui qui se sentait fort, puissant, pétillant, la ram'nant à leur enfance. « J'sais même pas quelle voiture il a... » Fille de Pan aimait toutes les histoires que son ombre lui susurrait à l'oreille chaque soir. Docile, main liée à la sienne, courait, s'époumonait, s'perdait dans ces récits exaltants. Comme cette nuit où elle l'avait emmenée au pied d'un immeuble haut-gardé, qu'elles s'y étaient faufilées, sous un tissu de mensonges saccadés entre deux baisers. Brusque retour à la réalité. « C'est elle le problème. Elle en a jamais assez. » Vague de colère adressée à une mère, et éteinte dès qu'elles se croisaient. Lame tranchante brisant le fil qui la ret'nait et entaillant violemment la chair de leur misère. Ignorantes volontaires des nombreux problèmes qu'elles traînaient. Progéniture de la mortelle préférait se noyer dans l'abstrait. B'soin d'oublier, d'évacuer la myriade de sentiments qui ricochaient. Menaçaient d'exploser et lui tordaient les entrailles. Brûlures courant sous sa peau alors qu'elle attirait sa sirène, elle résistait. Les sourcils qui s'fronçaient. Corps ne céda pas et l'arracha de son océan vide et froid. Bataille gagnée, esquisse triomphante sur ses lèvres sucrées. Silhouette dont les courbes l'appelaient, s'était rapprochée, la réchauffait, et elle caressait ses boucles dorées sans se lasser de la soie qui lui filait entre les doigts. Fragrance du danger et des effluves sensuels lui r'tournaient la tête. Ne savait plus ce qu'elle disait. Chaleur intense la traversa toute entière, la faisant soudainement suffoquer. Les mots désespérés. La nymphe ignorait si c'était pour lui rapp'ler qu'il y avait pire à côté ou si elle lui demandait vraiment le poison avec lequel s'arrêter. « J'ai ni l'un ni l'autre ici. » Liqueurs évaporées, les placards vidés. Drogues, elle s'en méfiait, finissait souvent par céder. Elle rapprocha son visage du sien, laissant son souffle brasier enflammer l'essence de ses chairs. Il se prom'nait sur elle, pendant de longues secondes où elle cessa d'bouger. Un rapprochement dont elle profitait. « Toi, tu m'fais le même effet. » Comme un choix murmuré, pulpes rosées lui effleurant l'oreille et ses cheveux nacrés. Elle lui avouait son addiction, un mal gangrainé qu'elle ressentait depuis toujours. Ne pouvait plus s'passer d'elle, lui claquant un baiser sur la joue. L'un de ceux qui débordaient d'amour, enfantin, qui pouvaient vite s'transformer en venin, malsain. Mais elle s'en fichait. Tout ce qu'elle voulait c'était oublié c'merdier dans lequel elle était tombée. Piège refermé autour de la louve qui, apeurée, se j'tait dans les bras de la seule sur qui elle pouvait compter.