cœur lourd, à deux doigts de s’extraire de ta poitrine. l’appel des parents adoptifs de lewis pour t’informer de la situation, de son malaise, de son arrivée aux urgences, des examens. le palpitant qui loupe un battement à chaque nouvelle information, difficulté à encaisser le coup. problèmes cardiaques soupçonnés pour votre enfant de cinq ans et demi, examens complémentaires à réaliser pour confirmer le pré-diagnostic. le message envoyé dans la foulée à redd pour lui demander de rentrer, les pieds trop lourds qui foulent le sol de votre appartement. t’as mal. parce que c’est ton fils, malgré tout, malgré l’adoption, malgré le fait que tu te sois pas sentie capable de le garder près de vous.

lion en cage qui tourne en boucle dans le salon jusqu’à ce que le sac de redd atterrisse au bout du canapé. t’es pas tranquille. t’arrives pas à tenir en place. l’envie d’hurler, l’envie de tout casser. t’as jamais coupé le lien malgré l’adoption et, pourtant, t’aurais pas pensé souffrir autant en apprenant cette mauvaise nouvelle. pas même le diagnostic définitif que ton cœur se brise déjà. parce que tu te sens coupable. c’est de ta faute, certainement. t’as pas su que t’étais enceinte avant le septième mois, t’as fait n’importe quoi tout ce temps. « c’est lewis. » que tu peines à articuler sans plus d’explication. « c’est grave. » de ce qu’ils t’ont dit. la nouvelle que t’annonces par énigmes, doucement ; pourtant, c’est le mieux que t’arrives à faire à cet instant.

mâchoires serrées, partagée entre l’énervement et la tristesse. tout ce que tu sais dans l’immédiat, c’est que tu t’en veux et que tu portes le poids de ta propre culpabilité pour quelque chose que t’ignorais. parce que tu pouvais pas le deviner, toi, qu’il était là, au creux de ton ventre, des mois durant. parce que tout portait à croire que ton utérus passait une existence normale face au déni que t’as découvert un mois tout juste avant l’accouchement. « il a fait un malaise. potentiel problème cardiaque. » t’as du mal à mettre des mots dessus, sur tes émotions, sur ce que ça te fait. du mal à dire ce qui lui arrive, aussi, parce que t’y es pas. et pour ça aussi, tu t’en veux.

tu te dis que ça aurait pu être pire encore, si t’avais pas su un mois avant. t’aurais pu faire tout et n’importe quoi durant ce temps, bien plus encore que ce que t’avais déjà fait durant sept mois. mais ça t’empêche pas de t’en vouloir pour autant. « ouais. » à son âge. y a pas d’âge pour ces foutues conneries, pour ces problèmes cardiaques qui sortent d’on ne sait où. « je vais y aller, demain. ma mère m’a proposé de venir avec moi. ses parents nous prêtent une chambre. » chambre dans laquelle il t’est déjà arrivé de dormir quand t’allais le voir durant ces cinq années.