Au volant de ma bagnole, je me frayais un chemin parmi les rues de Boston, œil attentif sur la route malgré la pluie qui tombait à flot. On était loin de la floride et du soleil de miami. Un bon retour à la réalité en somme. J'étais d'une humeur massacrante. Ne cessant de ressasser les messages que nous nous étions envoyé avec Maze la veille, ainsi que ces images fictives tout droit sorties de mon imagination, où elle passait les meilleurs moment de sa life avec son ex. J'avais les boules qu'elle ait préféré passer la journée entière avec lui plutôt qu'avec moi, clairement. J'aurais voulu... ne pas avoir à la partager. Pouvoir la garder rien que pour moi pendant ces quelques jours... et peut-être même après. J'étais énervé contre moi-même, contre mes réactions puériles mais incontrôlables. J'étais même énervé de leur proximités à elle et Rhys maintenant, ayant subi le vol du retour à les voir se câliner et s'endormir sur l'épaule l'un de l'autre, pendant que je m'enfermais dans mon coin, écouteurs dans les oreilles. Je savais pertinnemment qu'il n'y avait rien entre eux. Mais j'étais incapable de me raisonner. Bref, c'est à peine si j'avais décroché un mot sur tout le trajet du retour et plus la journée s'étirait, plus j'avais envie de me retrouver seul. Ralentissant, je m'arrêtais pour déposer Rhys. Mettais les warnings le temps de lui ouvrir le coffre pour qu'il récupère son sac. Heureusement, je trouvais quand même le moyen de sourire et de lui faire une accolade fraternelle, en l'honneur de tout ces moments de dingues qu'on avait passé là bas lui et moi. — A plus dude ! m'exclamai-je en lui faisant un signe, avant de me réinstaller au volant. Je redémarrais quand la portière côté passager claquait et que Maze s'attachait à côté de moi. Silence de plomb dans l'habitacle uniquement rompu par la musique en arrière plan, je prenais la direction de son appartement.

Le retour s’était passé sans encombre, pourtant je gardais un goût amer à la fin de se spring break. J’avais essayé de faire au mieux, pour contenter toutes les personnes qui m’étaient chères, pourtant je sentais bien que tu m’en voulais. Je comprenais tes raisons, sans même avoir à les entendre. Parfois le silence valait plus que des mots. Aussi la présence de Rhys m’empêchait de lancer la fameuse conversation. Après une énième étreinte auprès de celui que je considérais comme mon petit frère, je grimpais à l’avant de la voiture, sans t’adresser un regard. Est-ce qu’on en était à un point ou le seul langage que nous comprenions était sexuel ? Je laissais retomber ma tête contre le carreau, voyant les lumières défiler sous mes yeux. — Tu veux en parler ? Que je lâchais pour rompre ce silence pesant. Je savais que mes choix étaient difficiles à comprendre mais aussi que j’étais difficile à suivre, et pour cause j’étais totalement perdue. Mon cœur et mon esprit étaient unanimes pour dire que je favorisais clairement une routine qui s’effectuait au jour le jour, plutôt que de me projeter. A penser un peu trop à moi, j’en oubliais que je pouvais également vous blesser. Et tu me connaissais suffisamment pour savoir que c’était tout ce que je ne voulais pas.

L'ambiance était pesante, tellement loin de celle que nous avions l'habitude de partager quand on se retrouvait tous les deux. Je m'en voulais d'être comme ça, de ruminer ces pensées nocives sans parvenir à passer à autre chose, Mais plus j'essayai de relativiser, plus je pensais à elle et Simeon, à ses lèvres qui se posaient sur les siennes, à leurs étreintes passionnées... quand la veille, c'était encore les miennes qui la faisaient vibrer. Je savais bien qu'elle voyait d'autres hommes, dont son ex et pourtant... pourtant le choc n'en était pas moins brutal. La ville défilant sous mes yeux, j'essayai de me concentrer sur la route. Ma mâchoire se contractant légèrement quand elle me demandait si je voulais qu'on en parle, sans même me jeter un coup d'oeil. Je détestais cette ambiance putain. ― Parler de quoi ? répondis-je d'un ton calme mais distant. ― Je vois pas ce qu'on pourrait dire... ajoutai-je alors que je ralentissais pour finalement m'arrêter au feu rouge. Je voulais pas savoir ce qu'elle avait fait de sa journée d'hier, et encore moins de sa soirée. Mon imagination ayant déjà suffisamment fait le job.

Je n’arrivais pas à me contenter de ce léger fond sonore que nous apportait la musique. J’étais loin d’être perdue dans mes pensées, me focalisant sur chacune de mes respirations. Je n’avais aussi pas besoin de t’observer pour savoir que tu avais très légèrement les sourcils froncés. En effet, les mots pouvaient être inutiles quand on se connaissait si bien. Pourtant… Même si ces derniers temps, nous semblions être en pleine spirale infernale, je me devais d’au moins tenter de la briser. Je pouvais commencer par briser le silence, comme je le faisais en te questionnant. — De ce que tu ressens ? J’inspirais lourdement, puis tournais enfin la tête. — Je n’aime pas t’avoir tout près de moi, mais avoir le sentiment que t’es à des années-lumière de moi. J’expirais lentement avant d’ajouter : — C’est loin de nous ressembler. Et je n’aimais pas sentir l’étau se resserrer, avoir l’impression de perdre le contrôle et de laisser notre relation s’empirer. Je détachais le regard, fixant mes mains. J’avais l’impression d’être une gamine, incapable d’aligner deux mots, mais au moins, je tentais un petit pas en avant.

— De ce que tu ressens ? Mon corps se tendait à ces mots, me donnant à la fois l'impression d'être en feu et de me liquéfier. Etait-ce vraiment une bonne idée de parler de ce que je ressentais ? Je ne cessais de repousser ces sentiments qui m'envahissaient depuis plusieurs semaines, me refusant de voir la réalité en face. Essayant l'auto persuasion pour rendre les choses plus légères, pour ne pas voir à quel point Maze s'infiltrait par tous les pores de ma peau, pour ne plus lâcher ni mes pensées, ni mon coeur. J'avais été bien bête de penser qu'il suffirait d'un spring break pour réussir à me détacher d'elle et me contenter de notre amitié. Ma réaction disproportionnée face à sa relation avec son ex ne faisait que m'enfoncer davantage. Et à tout ça se mélangeait le souvenir de Charlie, cette impression de la trahir qui me hantait chaque nuit dans des cauchemars bien trop réalistes. Donc non, il ne valait mieux pas parler de ce que je ressentais. Pourtant quand j'entendais la suite, c'était comme si quelque chose craquait en moi tant elle visait juste. Moi non plus je n'aimais pas ça... — Pardon... soupirai-je, quittant mon armure de glace. — Je déteste ça ajoutai-je, glissant mon regard vers le sien. Le feu passait au vert, et je redémarrais. Je soupirai légèrement, prenant mon courage à deux mains. — Je suis jaloux lâchai-je d'une traite, de peur de ne pas réussir à le sortir. — J'aurais voulu t'avoir rien que pour moi là bas avouai-je, lui jetant un coup d'oeil timide pour observer sa réaction.

Tout tournait en boucle dans ma tête. Nos derniers messages, ce vol aux antipodes de nos habitudes. J’avais le sentiment qu’un fossé s’était creusé, sans nous laisser la possibilité de pouvoir le surmonter. Je détestais cette impasse, cette situation tout en sachant que j’étais l’unique fautive de nos maux. Je n’étais pas au clair dans mes sentiments et j’agissais sans réfléchir, ni penser aux conséquences de mes actes. Je brisais le silence pesant, trouvant refuge dans ce que je savais faire de mieux : communiquer, questionner. En entendant que le son de ta voix s’adoucissait, je me délestais d’un poids en moins sur les épaules. Tu n’étais peut-être pas si fermé après tout, juste blessé. — T’excuses pas, c’est plutôt à moi de le faire, je suis désolée. Parce que depuis ma rupture avec Simeon, j’avais engendré cette situation. Je t’avais de nouveau retrouvé et j’avais tout sauf envie de te briser. Parce qu’on savait toi comme moi qu’on l’était. Quoi qu’on en dise ou quoi qu’on en fasse, nous le serions toute notre vie. — Mh.. Je murmurais simplement, quittant ton regard pour fixer la route face à moi. — Là-bas, ou ici, ce n’est pas bien différent à mon sens… Je tournais à nouveau le regard vers toi concentré sur la route. — Tu restes celui que j’ai voulu revoir en premier, si ça peut changer la donne. En te demandant de venir me chercher.

J'étais totalement perdu. Paumé dans ce mélange de sentiments qui au lieu de nous rapprocher, semblaient nous éloigner l'un de l'autre. Et au final... c'était peut-être ce qui m'effrayait le plus. A la simple idée de la perdre, je sentais un élan de panique prendre possession de mon corps sans que je ne puisse rien y faire. Je ne pouvais pas la perdre, c'en était même viscéral. Maze s'excusait à son tour mais au final, je ne comprenais même pas pourquoi. Parce qu'elle regrettait ? Parce qu'elle voyait que j'étais peiné ? — J'veux pas que t'aie pitié de moi lâchai-je avec un rire sans joie. J'inspirai tellement de pitié à tous ces gens qui gravitaient autour de moi parfois... mais pas elle. J'acquiesçai doucement à ses mots parce qu'au final, c'est elle qui avait raison. Ici ou ailleurs... l'histoire était la même. Ou peut-être avais-je inconsciemment attendu autre chose, quand après des jours à se retenir, je l'avais spontanément embrassée, sans le couvert du sexe pour rendre ça légitime. Oui, j'avais été le premier qu'elle avait voulu voir. Mais après avoir eu sa dose, elle était retournée auprès de son ex. Jusqu'au moment où elle reviendrait vers moi. — Est-ce que ça change la donne ? Est-ce que ça a du sens pour toi ? demandai-je, empruntant le pont qui menait à south boston. Elle, qu'est-ce qu'elle pensait de tout ça ? Etais-je le seul à me faire assaillir par toutes ces émotions ? Je me passais la main dans les cheveux, descendais jusqu'à ma nuque. Nerveux. — T'es pas obligée de répondre. J'peux à nouveau juste être... ce sexfriend qui se prend pas la tête, si tu veux

L’attachement était indéniable après une amitié aussi longue et aussi profonde. Si nous nous étions livré respectivement nos fêlures, nous avions un profond respect de nos histoires. J’avais peur, qu’avec ces dernières semaines, nous perdions l’essence même de notre relation basée sur beaucoup de communication. Avant ce moment où ma voix sortait difficilement d’entre mes lippes, le dialogue semblait rompu. — Ce n’est pas de la pitié. Que je chuchotais légèrement agacée. — C’est du respect. Envers toi, mais aussi envers nous. J’avais trop souffert dans le passé et encore récemment pour croire que de bonnes choses pouvaient m’arriver sans contrepartie. Le constat était clair, quoi que je décide, je paierais et assumerais toujours les conséquences de mes choix. Mais dans ma course folle vers la liberté et le sentiment de bonheur, je faisais forcément un peu de casse sur la route. — Je n’arrive même pas à croire que tu puisses en douter. Si ça n’avait pas d’importance, j’aurais comme prévu été récupérée par Rhys à l’aéroport et je n’aurais pas découché alors qu’il m’a gracieusement prêté la moitié de sa chambre pour que je puisse être là. Je devrais même m’excuser auprès de lui tiens. Parce que quand j’y repensais, j’avais eu le comportement d’une petite conne. Je reposais la tête contre la vitre, laissant un blanc s’installer entre nous après ta question. — Moi j’ai juste du mal à comprendre pourquoi toi t’as le droit de taper la terre entière et que ce soit ok pour toi, mais que tu me fais des menaces par message parce que j’ai décidé de passer une après-midi avec mon ex ? Je fermais les yeux un instant avant de tourner la tête vers toi. — J’en sais rien fais c’que tu veux.

Je ne savais pas, je ne comprenais pas ce qu'il se passait dans la tête de Maze. Etait-ce une compétition ? Une course pour savoir lequel allait la conquérir ? Avais-je remporté un round quand j'avais été le premier qu'elle avait voulu voir en arrivant à miami ? Je me détestais pour toutes ces pensées ridicules qui parasitaient notre relation. Je détestais cette jalousie qui me saisissait, sans que je ne puisse rien y faire. Ses paroles avaient l'effet d'une gifle tant elles étaient vraies. Je me sentais... stupide d'être autant à côté de la plaque. Le fait était qu'en ce moment avec elle, je perdais tous mes moyens, toute certitude. Je doutais de tout, même du simple fait que je lui plaisais. — C'est vrai... répondis-je. Maze avait planté Rhys pour me voir, et c'est à peine si moi-même je m'étais soucié de lui à cet instant. Pourtant je poursuivais, le besoin de savoir ce que j'étais pour elle prenant le dessus. Un blanc suivait ma question, ce qui n'annonçait rien de bon. Et quand elle commençait à me parler de toutes ces filles qui passaient dans mon lit, je me tendais. Soudain mis face à mes propres démons, piqué au vif. — Des menaces ? Quelles menaces ? répondis-je vivement, sourcils froncés. — Je ne suis pas amoureux de ces filles que je me tape moi lançai-je un peu trop vivement. Parce que oui, le problème était clairement là. La jalousie me prenant aux tripes, et la crainte de l'entendre me dire qu'elle retournait avec lui. — Ok... répondis-je en soupirant.

J’étais pour le moins troublée par la tournure de notre conversation, n’essayant même pas de cacher mon agacement. Je n’avais pas besoin de faire semblant et d’amoindrir mes émotions, parce que pour moi, tout ce qu’on vivait était bien réel. Démesurément instable depuis peu, mais réel. On fonçait à toute allure sur un grand huit vertigineux qui nous foutait la putain de boule au ventre. Alors j’essayais de retracer le court de ce long week-end en Floride, en te montrant que j’avais même été jusqu’à négliger Rhys pour passer du temps avec toi, ce qui prouvait bien la valeur que j’accordais à ces moments. J’expirais lentement à ta réponse et laissais un petit blanc s’installer pour peser mes mots, avant de t’exposer ma vision des choses. — Quand tu m’as dit que tu irais te trouver une meuf pour passer la journée. La remarque à laquelle je n’avais pas voulu répondre, pour éviter ce genre de situation. — Mais qu’est-ce que mes sentiments ont à voir là-dedans ? En quoi être amoureuse de lui change la donne ? Je pourrais tout aussi bien te mentir et te prendre pour un con si tu préfères les pimbêches malhonnêtes. Que je concluais en reposant mon dos contre le dossier croisant mes bras sous ma poitrine.