J'aime pas quand je stresse. J'aime pas ça. C'est un truc inutile dans ma vie. Mais quand tu m'as appelé et que tu m'as dit que je devais venir te voir rapidos... Je me suis mis à craindre le pire. Je viens juste de retrouver mon frangin et sa femme m'appelle pour me dire de rappliquer. On se connaît pas encore vraiment toi et moi, on s'est vu une fois, je viens juste de revenir dans sa vie, et il peut pas lui être arrivé quelque chose... C'est impossible. C'est terrible parce que je stresse à mort et pourtant j'ai l'air complètement impassible, presque absent. J'ai dit à mon pote que j'avais besoin d'emprunter sa bagnole et voilà que je conduis comme un fou en mode robot. Je me fais klaxonné plusieurs fois et j'ai sans doute frôle la faucheuse mais je m'en rends même pas compte, je veux sentir que la puissance du moteur sous mon pied, l'asphalte qui dévale, la vitesse. Je suis devant chez toi. M'annonçant en frappant à la porte, c'est sur ma tête décomposée presque de marbres que t'ouvres... Ambiance Cringe. « Bonsoir Annabeth. » C'est tout ce que je suis capable d'articuler. En mode balais dans le derche, formel. Comme si j'étais un putain d'ambassadeur Ferrero Rocher. La dégaine de Kurt Cobain en plus. Ferrero Grunge.

Ce genre de mood. C'est jamais bon signe. Je suis figé, et t'es pas mieux. On ne se connaît pas et pourtant nos corps savent qu'on va partager quelque chose qui nous réunira. Parce que c'est le genre de moment qui demande du soutien et rien d'autre... Je t'observe t'asseoir sur le canapé, restant debout devant toi. Paz, parti à l'hosto, je savais même pas qu'il avait des problèmes. C'est pas lui qu'est supposé guérir les gens ? Et finalement, quand on soigne, est-ce que c'est pas aussi pour soigner une partie de soi-même ? Il a essayé au moins lui. Alors que moi je suis Celui qui fuit. Eparpillé dans mes fragments, lumineux et souvent sombres, cramé jusqu'à la moelle. Mais je dois tenir parce que sinon ? Autant de pendre direct non ? « Comme ça sans prévenir ? Tu savais qu'il avait des problèmes ? » Je passe ma main dans mes cheveux, pensif. Je sais pas quoi faire de ces informations... « Tu pourras aller le voir ? » Je pense même pas à moi, parce que moi finalement, je viens tout juste de revenir dans sa vie. J'étais venu là ici pour lui et finalement, on se poursuit encore et toujours. A croire que notre histoire peut pas s'estampiller d'un happy end. « Comment tu te sens ? » Parce que moi je suis triste, dégoûté, mais finalement, je me suis habitué à l'absence, à l'abandon.