Je serai tenté de te donner un dé à coudre - 24/09/2022

Entre mes doigts je fais rouler le crayon a papier avec lequel j’ai griffonné. Je ne parviens pas à faire le vide dans mon esprit. Et tout ce que je dessine ne me plaît pas. Ni les tissus que j’imagine, ni les courbes représentées, je n’arrive à rien et c’est en train de me rendre dingue, putain. J’en ferme les paupières, entrelace mes doigts entre eux, une fois le crayon balancé, et tente de maitriser le contrôle de mes émotions en train de m’échapper.

Je recherche le vide dans mon esprit, mais c’est à ce moment là que je l’entends, ce foutu bruit. Comme une mélodie. Alors j’en rouvre les yeux dans le but de vérifier l’heure sur l’écran de mon téléphone que je viens de déverrouiller. Vingt et une heure passée, ils devraient être vides, les locaux de la WW. Même si je sais qu’il m’arrive parfois de les prêter, studio et autres loués pour les créateurs à Boston égarés. De fait, je me redresse, perchée sur mes éternels Louboutin, je traverse les couloirs que par cœur je connais, et suis tout simplement, la musique que j’entends. Quand j’arrive enfin face à la porte de la salle occupée, c’est avec colère que je l’ouvre à la volée, allant jusqu’à crier à la silhouette retournée en train de danser. « C’est quoi ce bordel ?! » Comme si mon manque d’inspiration venait de ce pauvre con.

@Gaspard H. Wertheimer

Je serai tenté de te donner un dé à coudre - 24/09/2022

A l'approche de la fashion week, les bouchées sont doubles. Je dois penser travail, respirer travail, vivre travail, ne pas dormir travail. Sauf qu'il existe un souci quand le cerveau est trop blindé et sous pression, c'est qu'il cesse de fonctionner. Une panne d'inspiration, le truc de la page blanche des écrivains qui fonctionne aussi pour ce que je fais. Heureusement, je suis habitué alors j'ai tout une liste de remède pour inverser ce mauvais sort qui m'est jeté. Dans le lot, quitter mon atelier pour un autre semble être un choix tout à fait adapté. J'ai un lieu totalement adapté, un immeuble où il est possible d'emprunter un local pour y bosser. En quelques minutes j'y suis. Oué, je ne suis pas sans savoir qui en est la propriétaire, mais chanceux jusqu'au bout, je ne l'ai jamais croisé. Soit elle ne travaille jamais, soit le destin est gentil avec moi en faisant en sorte que jamais je ne sois forcé de l'avoir dans mon champ de vision. Dans la pièce, j'ai besoin de me sentir un minimum à l'aise pour que mon esprit puisse se remettre à marcher. Quoi que mieux que de la musique? Je vérifie l'heure et je juge que je peux me permettre de me laisser aller sur le volume. Mon corps commence à bouger alors que j'étale les papiers sur la table. Il ne faut pas plus qu'une musique pour me plonger dans ma bulle. Les doigts qui attrapent un crayon, je commence à griffonner tout en continuant de mouver. Jusqu'à ce qu'une folle se mette à hurler. Je me retourne brusquement et je ne suis pas étonné de l'avoir surnommée ainsi sans savoir de qui il s'agissait. L'instinct vous me direz? Hin? Quoi? Parce que oui, je n'entend pas très bien. Et si la logique voudrait que j'aille à l'enceinte pour baisser les décibels, je ne le fais pas. Envie de t'énerver de plus belle?

@Wendy Witter

Je serai tenté de te donner un dé à coudre - 24/09/2022

Et parce que je suis en colère contre moi-même de ne pas réussir à créer ce quelque chose qui me plaît, j’avoue que je me fonds encore mieux qu’à mon habitude dans ce rôle de tyran, de patronne qui se laisse rien passer, d’une Wendy Witter qui ne sait voir son univers qu’en passant le plus clair de son temps au sommet.

Alors oui, je ne le dis pas, mais je le remercie, de m’accorder cette pause quand j’avais la sensation que mon talent s’était enfuie, que plus rien ne justifiait, ma place ici. Putain, ça me flingue de songer qu’il m’arrive de douter, à moi aussi. Ouais, ça m’insupporte, ça ne me ressemble pas. Et avec ta musique, tu m’offres une occasion de redevenir moi. « Hin? Quoi? » que tu oses me balancer, après un retournement de silhouette réalisé d’un mouvement gracieux à souhait. Et ton impolitesse d’une grimace, je me permets de la souligner. Je feins le dégoût plutôt que d’être ouvertement fascinée par ton impétuosité.

De fait, j’incline le visage afin de jauger le tien, et j’en craque un sourire malin, évidemment que je te reconnais. Croisés plusieurs fois, dans les défilés, les soirées, nos destins semblables à la faveur de nos métiers. Ma langue passe sur mes dents, l’espace d’une seconde afin de déterminer ma manière de me comporter, pour choisir de talonner et traverser la pièce, afin d’appuyer sur le bouton off de la machine qui était encore en train beugler. En mordillant la peau de ma lèvre inférieure, j’en reporte mon attention sur celui qui a fait dans mes locaux, une espèce d’irruption. « Si tu me dis que c’est en rapport avec la Fashionweek, j’envisagerai de ne pas appeler la sécurité. » Le contrôle et la maitrise, je les aime, à l’excès.


@Gaspard H. Wertheimer

Je serai tenté de te donner un dé à coudre - 24/09/2022

Si on m'avait précisé qu'en venant m'isoler ici, j'aurai le plaisir de pouvoir t'enquiquiner... Je serai venu en courant. Si je peux lier ma passion avec le plaisir de t'emmerder, c'est avec une double joie au coeur que je vais me donner. Comme quand je fais mine de ne pas bien t'entendre mais que je n'apporte aucune solution à cela. Au contraire, je te tournerai presque le dos pour reprendre mes petites affaires. J'entends tes pas non loin de moi, qui s'approchent après avoir stoppé cette musique que j'affectionnai, protectrice de tes bla-blas que je n'ai pas spécialement envie d'ouïr. Je crois bien que je vais y être obligé. Si tu es encore ici à une heure aussi tardive, c'est que tu n'as pas trouvé mieux pour occupée ta soirée. Je crois que pour toi aussi, je tombe à point nommé. Tout de suite, les menaces et ça me fait pouffer de rire. J'en abandonne mes outils pour me redresser et te regarder Et pour quelle raison? Je sais bien que tu n'en as pas besoin quand tu as une sorte de minuscule armée qui obéit au doigt et à l'oeil. Ils le font parce qu'ils ont tout simplement peur de se faire virer, pas parce que tu es appréciée. Ma main se lève pour te stopper avant de me répondre Oublie. Garde ta créativité pour m'aider plutôt que pour déblatérer des conneries. Parce que si je suis ici, c'est que l'inspiration me fait un peu faux bond. Mais pour répondre... Evidemment que c'est en rapport avec. C'est une évidence. Si d'habitude, je suis employé à réaliser les patrons des stylistes, pour la Fashion Week j'ai la chance de pouvoir faire naitre cinq de mes bébés. Voilà pourquoi je me met autant de pression, je veux choisir les meilleures créations et que tout soit parfait pendant la conception. J'peux rester ou je dois tout remballer? Parce que je joue l'arrogant en oubliant presque que de ces lieux, tu es la reine.

Je serai tenté de te donner un dé à coudre - 24/09/2022

Le fait est que malgré l’agacement que j’affiche, il m’offre une pause, une distraction, un arrêt dans ce que je m’impose comme pression. Wendy Witter à la lisière de craquer faute de la tension. C’est ironique, non ? « Et pour quelle raison ? » Pour mon bon plaisir, parce que  ça m’amuse plus que ce que les apparences me donnent le droit de le dire.

Et quand mes lèvres s’entrouvrent après un soupir, tu oses lever la paume dans le but de me stopper. Je déteste que l’on me dicte quand je dois m’arrêter. « Oublie. » Si je veux, « Garde ta créativité pour m'aider plutôt que pour déblatérer des conneries. » d’accord, c’est limpide à présent, parce que c’est incisif combien j’ai envie de le violenter. Avoir l’audace d’être dans mes locaux et de me défier à ce point-là, Gaspard, tu sais bien qu’il ne faut pas trop pousser avec moi. Mes limites, elles sont infimes, n’est-ce pas ? « Mais pour répondre... Evidemment que c'est en rapport avec. » J’en hoche le visage par la positive, tout en lançant une œillade derrière lui comme si je pouvais réellement sonder ce que jusqu’ici, il a fait. « J'peux rester ou je dois tout remballer ? » J’en craque une grimace, pour toute première réponse, je fais semblant de peser le pour et le contre, et me rapproche plus encore en talonnant de quelques pas vers toi. « Ca dépend. » Le vice bordant mes mots, si bien que j’effleure de deux doigts, au niveau de son bras, sa peau. « Tu me montres ? » Ce que tu as fait, puisque ma créativité doit servir à t'aider, et parce qu’il me semble que si tu es là, c’est que tu es au moins autant inspiré que moi. C’est-à-dire pas des masses, si je ne me trompe pas.

@Gaspard H. Wertheimer