CHAPTER 1. THIS IS THE END, BEAUTIFUL FRIEND
Seule, encore et toujours seule. Personne ne me regarde. Tous les jours je suis malade. Et désespérément seule. A l'orphelinat de Paris, il y a tellement d'enfants que ma petite frimousse blonde passe toujours inaperçue. Je ne suis qu'un regard triste de plus dans le paysage pour les adultes qui viennent nous visiter. J'ai l'impression d'être une tranche de steak pas assez belle pour être achetée. Les autres semblent plus attirants que moi. Ils jouent plus, rient plus. Le directeur m'a plusieurs fois répété qu'il me sera difficile d'être aimée et choisie. Après tout je ne souris jamais, je ne joue jamais avec les autres. je les déteste tous, ils sont trop beaux, trop parfaits. Tous hypocrites j'en suis sûre. Tout ce qu'ils veulent c'est partir. Et ils s'en vont. Mais moi aussi je veux partir. Loin d'ici. Je ne veux plus être une pupille de la nation. Les autres ne m'aiment pas. Je comprends les choses plus vite, je lis plus vite, j'empile les petits cubes plus vite... Ils ne m'arrivent pas à la cheville. Je suis supérieure à eux, en tous points. Et pourtant... Pourtant les parents ne veulent pas de moi... Ceux de l'orphelinat sont obligés de leur dire que je suis tout le temps malade. J'ai toujours un problème de santé, je me casse ou me foule toujours un membre... Je suis une toute, toute petite chose. Et je parle si peu que les enfants de l'orphelinat m'ont toujours appelée Minuscule. J'ai toujours été plus petite que les autres et mes murmures n'ont rien arrangé. Au début, ils m'avaient appelé comme ça pour se moquer de moi. Mais je me le suis approprié. Je préférais ce prénom à celui qu'ils m'avaient donné à l'orphelinat, Venise. Le nom de la ville des gens qui s'aiment. Mais pourquoi porterais-je ce prénom alors que personne ne m'aime ? Ils m'ont expliqué que c'était une volonté de ma mère, celle qui m'a laissé, pour que je sois toujours aimée. Je refuse. Oui je refuse d'être nommée par une femme qui n'a jamais pris la peine de m'élever. Je serais Minuscule. Celle que personne ne voit. Celle que personne n'aime.
Un jour des gens m'ont repérée. Pas très fortunés, mais ils avaient l'air si gentils... Mais c'est alors que l'enfer commença. En repartant, ma nouvelle "maman" ne m'a pas tenu la main. "Maman" ne m'a pas prise dans ses bras. "Maman" ne m'a pas regardée. "Maman" ne m'a pas dit "je t'aime".

CHAPTER 2. MY ONLY FRIEND, THE END
Dans cette famille, je suis restée Minuscule. Mais Minuscule est devenue encore plus minuscule. Autrefois je n'avais pas de nom, pas d'identité à laquelle me raccrocher. Mais maintenant j'en avais une. Et ce fus encore pire. Après mon prénom détesté, Venise, je devais y ajouter un nom de famille haï, Lacomb. Nous vivions dans une pauvreté affolante. Je n'étais nourrie qu'avec peu de chose, surtout des légumes bouillis. Je ne suis pas Causette, non. J'allais à l'école, où j'avais des notes qui dépassaient les espérances de tout le monde. Les professeurs m'adulaient. Je restais assez tard dehors. Pour rester loin de la maison. Pas pour faire la fête, non. Je déambulais dans les parcs parisiens. Beaucoup m'ont avertie : les parcs deviennent dangereux la nuit. Mais je n'avais pas peur. Rien n'est plus dangereux que ma famille et leurs regards fuyants. Ils ne sont pas tyranniques, ils ne me frappent pas. Non. Mais l'indifférence qu'ils me portent me fait plus mal qu'une quinzaine de coups de ceinture. Je veux être aimée. Mais cela n'arrivera jamais. C'est pourquoi j'ai gardé ce surnom, Minuscule. Même avec un cerveau gros comme les miens et de grands yeux bleus ouverts sur un monde que j'espérais honnête, je resterais toujours la petite, toute petite Minuscule. Ce jour-là, j'ai décidé de ne plus m'aimer. J'étais au lycée. Quelqu'un de la classe organisait une fête conviant toute la classe. Nous devions tous recevoir un message sur notre portable, donnant la date et le lieu de rendez-vous. Je ne l'ai jamais reçu, alors que ma gentillesse enrobait tout le monde. Je n'étais rien. Je ne suis rien. Même en me reniant, en me donnant aux autres on me voit pas. Minuscule. Mon seul moment de bonheur fut lorsque, marchant dans le parc, je croisais un jeune garçon de mon lycée, déambulant lui aussi. Il leva les yeux vers moi et m'appela Minuscule. Je décrochais un petit sourire. Il baissa les yeux honteux, avant de s'excuser de m'avoir appelée de la sorte, et me nomma Venise. Je fis un minuscule "non" de la tête. Il me pris dans ses bras. Il me dit qu'il était désolé. Pour lui je serais toujours Minuscule, mais il murmura qu'il espérait que je devienne Majuscule. Dans mon cœur, ces mots résonnent encore.

CHAPTER 3. I'LL NEVER LOOK INTO YOUR EYES AGAIN
Encore une fois, ma mère adoptive hurlait. Elle ne voulait pas me laisser aller aux Etats-Unis pour mes études, alors que j'avais été acceptée dans l'une des plus grandes universités au monde, Harvard. Elle m'avait laissé passer les examens sans croire en moi, et maintenant que j'y avais ma place, elle ne pouvait le supporter. Non, elle ne voulait pas laisser sa perruche s'envoler de sa cage. j'embellissais tellement sa maison. je jouais l'animal de foire face à ses amis idiots. Mais il était trop tard pour reculer, oui trop tard. L'Etat Américain m'offrait une bourse considérable pour que je poursuive mes études là-bas, voulant privilégier l'accès des étrangers à ses universités. J'avais déjà envoyé une lettre signalant que j'acceptais toutes les conditions. Oui toutes. J'aurais de l'argent, sans avoir besoin de travailler, je serais nourrie, logée, blanchie sur place. Non, je n'avais pas à me plaindre. Je lâchais un petit sourire face aux hurlements du gros hibou qui se prétendait être ma mère depuis plusieurs années. Mon père adoptif, lui, désirait depuis longtemps me voir partir de la maison, pour se consacrer à son fils biologique, né cinq ans après mon adoption. Il avait tout signé sans rechigner. Je repensais à tout cela à l'aéroport. Personne n'était venu me dire au revoir. Doucement, je franchis les marches menant à l'intérieur de l'oiseau de fer. Nous décollâmes lentement du sol. Nous grimpâmes de plus en plus haut. Au fur et à mesure, les maisons, les champs, les villes, me parurent soudain... minuscules.