S'il y a bien une chose que l'on ne pourra pas me reprocher, c'est d'essayer de m'intégrer dans la confrérie. Si je n'ai pas fais beaucoup d'effort au début de l'année, j'en fais bien plus depuis une quinzaine de jours. Disons qu'il m'a fallu un peu de temps pour m'adapter à Boston, à ce retour en arrière qui semble pourtant être un grand pas en avant et... j'avoue ne pas avoir eu envie de trop en faire au cas où ma tête et mon corps voulaient Los Angeles un peu trop fort. Mais puisque le semestre est bientôt fini et que je suis toujours ici, c'est le moment ou jamais d'essayer de s'implanter et de se faire des connaissances. Les amis, on verra plus tard, ça demande un peu trop d'implications et je n'ai ni le temps, ni l'envie pour ça.

Mon sac de voyage sur l'épaule, je quitte la chambre que je partage avec une jeune femme depuis la rentrée. Elle est enceinte et je crois que ça l'arrange bien que je sois là sans l'être. Au moins elle peut se projeter et, une chose est sûre, quand son braillard sera là, elle ne me verra plus. Un dernier coup d'oeil derrière moi, je vérifie bien que je lui ai laissé une boite de chocolats pour se tenir compagnie et je file vers les pièces communes. Il n'y a pas grand monde - pour ne dire personne - et je crois que l'effet Noël est déjà en train de s'installer un peu partout. Il n'y a qu'à voir le temps qu'il fait, c'est glacial ici et les températures californiennes me manquent plus que de raison. Pourtant, cela ne m'empêche pas de sortir le manteau ouvert sur mon décolleté carré et mes cuissardes. Et alors que je me rends compte que j'ai oublié les restes de mon petit-déjeuner dans le frigo, je tourne les talons pour retourner vers la maison mais une grande brune m'arrête en chemin. Un sourire sur le visage, mes yeux la détaille et quand elle demande si on se connaît, je ne peux m'empêcher de pincer mes lèvres. Wendy Witter... Parce que, forcément que je connais le nom de mes camarades de confréries et leur faciès aussi. J'aime savoir où je mets les pieds et à qui j'ai à faire. Wild Wendy.. Mais pas si wild que ça. Que je souffle en tournant le visage et faisant un signe de main à Salut Kyle. Il ne faudrait pas qu'elle se sente si importante. Après tout, c'est elle qui a refusé le match, n'est-ce pas ?

Mon corps pivote vers cet inconnu dont je ne suis même pas sûre de l’identité et je ne peux m’empêcher de rire à sa question. Ça suffit à me faire tourner à nouveau pour croiser son visage. Pas du tout. Un visage parmi tant d’autres. Je ne sais pas pourquoi elle a refusé mon invitation mais elle l’a fait, mettant en avant le fait que son pseudo, sa wildness, ne l’était pas tant que cela. Et on sait tous que dans ces cas, il y a toujours un homme - ou une femme - en cause. On ne passe pas d’une liberté affichée à une pseudo monogamie si des sentiments ne sont pas engagés dans l’équation. Qu’est-ce que c’est triste, quand j’y pense. Il m’en faudrait beaucoup pour être rancunière de quelque chose qui n’est pas arrivé… Que je lance rapidement, une grimace déformant mon visage pour qu’elle comprenne bien que son refus me fait aussi chaud que froid, à savoir, rien du tout. On est pile au milieu. Et puis, j’ai plus de temps pour des personnes bien plus intéressantes que miss Parfaite pas si Parfaite. Et toi ? Léger regret d’avoir refusé ? Que je demande avec un sourire sur le visage. Ce n’est pas quelques secondes sur une application qui devrait te faire te rappeler de mon visage. Elle l’a regardé combien de fois mon profil ? Est-ce qu’elle a regardé toutes les photos qu’il y a dessus ? Y est-elle revenue, regrettant son refus ? Oui, je m’en délecte carrément à l’avance. Pas pour histoire d’égo mais juste pour qu’elle se morde les doigts d’avoir répondu par la négative. Regardes moi ce que tu loupes, Wendy. Parce que si ma répartie est intéressante, imagine ce que je peux faire une fois que je me tais.

Les faits sont exposés. Si je sais avec qui je match, c’est bien parce que j’ai suivi les profils, que je les ai étudié et que je me suis sentie intéressée. De manière superficielle, on ne va pas se voiler la face, justement. Il n’y a que cela qui m’intéresse, le plaisir de la chair et les physiques qui me donnent envie de me poser une minute ou deux pour admirer. Wendy en fait partie et elle le sait. Elle le sait si bien qu’elle en joue mais, en face, elle a une adversaire de taille et je ne compte pas me laisser marcher sur les orteils. Alors, face à elle, je retrouve ma force, mon charisme et mon envie de lui faire regretter son refus de discuter avec moi. On aurait vu ce que la vie aurait pu nous offrir. Ou pas. Non, je ne couche pas avec tous ceux qui acceptent mes invitations - Dieu merci - mais on rencontre souvent des perles de cette manière. Et mes perles à moi, elles me manquent. Groupe d’amis Californiens, les piliers de ces années de vie de l’autre côté du continent. Je sais bien que je ne trouverais pas d’équivalent ici mais peut-être qu’une alternative serait bien intéressante. Tu me flattes. Que je lance, sourire aux lèvres quand elle avoue qu’elle est retournée sur mon profil. J’espère que c’est avec l’envie de retourner en arrière qu’elle y est venue, curieuse de ce qu’elle pourrait trouver. Et je ne peux pas nier que ça me fait grandement plaisir. Seulement, je suis un peu comme le train. On l’attrape sur le moment ou… c’est foutu. Tu n’as pas obligée de te trouver des excuses tu sais. Que je dis rapidement. Je me penche en avant, un sourire sur le visage et dis Je comprends totalement. Parce que moi aussi, mon profil je le regarde souvent. Par curiosité, pour voir l’univers qui en ressort, la qualité du feed que j’offre aux étudiants et habitants de la ville. Ne me dis pas que tu retiens même les choses inutiles, je pourrais presque me vexer… Si j’en avais quelque chose à foutre. Mais ce n’est pas vraiment le cas. Ça me flatte, c’est sur, mais je crois que j’ai quand même fort peu appréciée le fait qu’elle ne marche pas avec moi. Un homme, soit. Ils ne servent déjà à rien en temps normal alors là, c’est pire. Mais une femme, ugh. Leurs courbes, leurs forces. Et Wendy n’échappe pas à la règle. Mes yeux la détaillent rapidement et je souffle Le fait le plus inutile qui encombre ton esprit ? Que je demande, curieuse et joueuse.

La rencontre me plaît. La discussion qui débute aussi. Deux femmes de caractères. Une qui se pense irrésistible et l’autre qui pense avoir le pouvoir. Je ne peux même pas dire qui est qui parce que je crois que ces deux composants passent de l’une à l’autre. J’en souris, amusée et presque heureuse que ce soit par la négative qu’elle ait répondu à ma demande. Parce que si sa réponse avant été différente, nous aurions probablement fini l’une dans le lit de l’autre et… Voilà. Je pense qu’il y a plus pour nous et ça, ça m’intéresse. C’est peut-être bien pour cela que la question se glisse rapidement entre mes lèvres. Cette maison. Je glisse mes yeux sur les murs qui nous abritent tous plus ou moins à un moment de notre scolarité. Je n’arrive vraiment pas à croire que nous sommes obligés d’y vivre lors de notre première année. Est-ce que cela veut dire que si j’avais repris mes études à quarante ans, j’aurais dû crécher ici ? Une grimace de dégoût se dessine rapidement sur mon visage et je me reporte sur la brune. Tu peux la quitter. Je ne suis pas de celles qui vont lui dire “la Adams tu l’aimes ou tu la quittes, screugneugneu”. Mais si elle n’aime pas être ici, pourquoi le rester ? Elle est libre. Et puis, elle est là pour étudier pour faire partie de ces gens qui sont censés accepter autrui comme ils sont ? Les ouverts d’esprits, c’est bien ça ? Oh vraiment ? Un joli appartement ? Je pince les lèvres et secoue doucement le visage d’haut en bas en guise d’acquiescement. Je comprends, moi aussi. Parce qu’il ne faut pas croire que je passe beaucoup de temps ici, c’est bien loin d’être le cas. Et du coup, tu t’attends à ce que je te demande de me le montrer ? Je ne peux m’empêcher de laisser un sourire naître sur le coin droit de ma lèvre. Je ne suis pas fortement intéressée par l’architecture. Alors ça ne servirait à rien de me le montrer, cet appartement. Mais bon, au moins, elle est au courant. Et puis, j’ai peut-être grandement envie qu’elle s’intéresse un peu plus à moi, qu’elle me fasse une proposition un peu plus indécente. Alors Wendy, c’est tout ce qu’on a sous le capot ?

il y a des choses que je ne comprends pas dans la vie et toi, tu en fais partie. Je ne peux pas le nier. Je ne comprends pas vraiment pourquoi tu as refusé ma demande il y a quelques jours ou semaines de cela alors que là, t’as plus intéressée que je ne le suis. Les sujets de conversations, on arrive à les trouver sans trop chercher et la discussion, bien que piquée et piquante, ne diminue pas pour autant. C’est un peu comme si t’avais envie que je reste là et moi aussi, pour être honnête. Une énigme à résoudre, c’est toujours très intéressant, surtout quand elle a ces yeux, ces billes dans lesquelles je pourrais me perdre. Elle est bien plus belle en vraie que sur les photos qu’elle a pu poster et c’est aussi agréable que déstabilisant. Pourquoi ? Tout simplement parce que je ne m’y attendais pas et que c’est souvent l’inverse. Maquillage à outrance, les filtres qui débouchent sur une dysmorphie corporelle, séparer le vrai du faux est de plus en plus difficile. Alors, forcément, je suis agréablement surprise et si cela accroît mon envie de passer un moment charnel avec elle, je refuse de me montrer aussi facile à avoir. Après tout, elle m’a repoussé et il ne faudrait pas qu'elle pense qu’elle a la possibilité et aurait l’occasion de recommencer. Je n’ai pas été piquée dans mon égo mais… chat échaudé craint l’eau froide, comme on le dit si bien. Un rire s’échappe de ses lèvres et je ne romps pas ce regard que nous partageons depuis quelques minutes déjà. Bête ? Vraiment ? Je ne pense pas. Si l’architecture n’est pas franchement mon dada, il y a d’autres choses qui le sont et sur lesquelles on s’entendrait bien mieux. Après tout, je n’ai aucune envie de commenter la couleur de ses murs ou bien encore la décoration de son chez elle. C’est super intime comme action et c’est un tout autre aspect de son intimité que je vise. Pas celui qu’elle laisse voir à quiconque vient chez elle… Je l’écoute et souris. On a donc évité un moment super embarrassant, Dieu merci. Je ne peux m’empêcher de continuer à la taquiner, la pousser un peu, jouer plus que de raison. Et si elle ne me proposait réellement pas de venir chez elle, il faut qu’elle apprenne à nouveau les bases des conversations parce que ça pourrait lui jouer des tours. J’ai quelques cadeaux de Noël à finir. Pas tant que ça, que personne ne s’enflamme. Il me manque juste quelques trucs pour mes cousins et cousines. Je sais que je vais passer les fêtes avec eux alors autant faire quelque chose de simple. Mais je comptais prendre du temps pour moi. C’est le plus beaux des cadeaux. Celui de s’offrir le temps, de se donner les moyens de se mettre en avant. Je n’ai pas toujours pu le faire alors maintenant j’en profite. J’ai donc un peu de temps libre devant moi. Mais pas trop non plus, ne nous enflammons pas. Ce soir, j’ai rendez-vous avec Mark avant d’aller bosser au Nirvana. Et toi ? La tête dans les bouquins avec les examens qui approchent ? J’aime beaucoup pouvoir faire ce que je veux de mes journées alors que vous, piètres étudiants, avez quand même des impératifs plutôt chiants. J’ai adoré mes études mais les rendus de dossiers, examens et révisions qui vont avec n’étaient pas toujours une partie de plaisir. Je me demande presque ce qu’elle étudie, bien que ça ne soit pas le plus important dans cette histoire, loin de là même.