@Anders H. Wellington | Mercredi 01 Septembre - 21h20 | Depuis la signature du contrat, difficile de sortir sans être questionner par les médias. Et on m'a conseillé d'en dire le moins possible, pour ne pas que mes propos me soient retournés. Alors je dis toujours bonjour, et bonne journée. Techniquement pas de risques ! On a fêté ma nomination dignement avec ma famille, l'allégresse au rendez vous et mon premier chèque déposé à la banque. Me faire violence pour ne pas couvrir mes proches. Nous mettre à l'abri en ouvrant un compte bloqué et y mettre la moitié du montant. Mais ce soir, j'avais envie de me défouler. Alors casquette sur la tête, en noir de la tête aux pieds et c'est en voiture que je file dans une salle de boxe que je connais bien. J'avais envie de frapper sans personne. Et à ses heures là, je me dis que je serais tranquille. Manque de pot, non. Respiration coupée, coups entendus. Je m'approche quand même, curieux de découvrir l'identité de celui qui trouble ma quiétude. Bon techniquement, c'est moi. Je découvre un brun, visiblement remonté, à s'acharner sur un sac. Je me racle la gorge. Fais gaffe que le sac ne te mette pas de coup de boule.

@Novel Markovich | J’ai frappé, encore et encore et encore. Cela fait des heures que je suis là, à m’acharner, à frapper de toutes mes forces. Mes bras sont endoloris, mes phalanges commencent à être en sang malgré les protections. Des heures que je frappe, et ce n’est même pas ce qui me fait le plus de mal. Non, ce qui me fait du mal, c’est ce message, cette incompréhension. Pourquoi ? Je cherche des explications, tente de lire entre les lignes. Y avait-il un message caché ? Je l’avais cherché toute la journée, avait appelé tous ceux qui auraient pu m’aider à comprendre. Je n’avais pas compris. Il était juste parti, me laissant seul ici, dans cette ville où je l’avais suivi et de laquelle il avait pourtant disparu. Un message, en tout et pour tout en guise d’explication. A croire que tout ce que l’on avait partagé ne signifiait rien. Pourtant, je me doute que ce n’était pas le cas, je sais comment il est. Je sais comment se manifestent ses sentiments. Mais je lui en veux tellement d’être parti. Sans moi, sans me laisser une chance de le retenir, sans pouvoir lui dire au revoir. Mon coeur hurle après lui de ne pas avoir eu cette chance, de le perdre une seconde fois, de subir l’impuissance de la situation. Tu ne le retrouveras jamais. J’en ai conscience, que plus rien ne sera comme avant, même si je venais à rentrer. Non, quelque chose s’était définitivement brisé entre nous. On avait pris des risques, joué avec le feu, je le savais… Mais j’avais aussi cru qu’on pourrait s’en sortir, que ça pourrait marcher. Etais-je le seul de nous à le vouloir ? A y croire ? La réponse n’avait plus vraiment d’importance désormais. La réponse ne comptait plus. Il n’y avait plus de nous.

Je retire les gants, je retire les bandages, frappe directement contre le sac. C’est douloureux, stupide, je le sais, mais ça ne m’arrête pas. Parce que la douleur physique n’est rien contre celle de mon cœur brisé. Notion du temps perdu, je n’ai aucune idée de l’heure quand l’on vient s’adresser à moi. La salle est vide, tout le monde semble avoir déjà fini de s'entraîner. Il ne reste que moi, et visiblement, Blondie, qui n’a rien de mieux à faire que des commentaires stupides que je ne suis pas d’humeur à entendre aujourd’hui. « Quoi ? Tu veux la place ? Y a trop de monde dans la salle peut-être ? » Zéro sympathie. J’aurais pu essayé d’être plus aimable mais je n’y arrive pas. « MERDE ! » Je frappe plus fort que jamais dans le sac, décharge toute ma rage. Phalanges qui craquent, sanglots qui montent. Pourquoi t’es parti Johan… Pourquoi tu m’as laissé tomber ?

Je marque un pas de recul, sourcils qui se haussent, ne m'attendant pas du tout à me faire agresser de la sorte. Je ne savais pas quoi penser. Mais c'était confirmé, il était de très mauvaise humeur. J'allais faire demi tour mais je ne sais pas, il n'avait pas la posture d'un homme prêt à me frapper. Le sac oui, mais moi non. Enfin, c'est ce que je me persuade quand je décide de l'affronter davantage, me plaçant derrière le sac de frappe. Je ne sais pas ce qui t'arrive mais si tu as besoin de parler, je suis là. C'est culotté de ma part, parce qu'on ne se connait pas du tout. Mais bon, c'est toujours mieux que d'aller chez un psy. C'est gratuit quoi. Et on dit que c'est plus facile de parler à des inconnus. Et promis, je ne dirais rien du tout. 'Fin après, on n'est pas obligé de parler. Je peux tenir le sac et toi tu frappes. Et si cela peut te soulager, on peut se faire un petit match. Il ne semble pas très commode, je continue de parler, jusqu'à finalement me taire .. quelques secondes. Pardon, je parle trop quand je sens qu'il peut y avoir des silences gênants. Je me gratte le haut de la tête, toujours en m'accrochant au sac. Sinon moi, c'est Novel et .. Toi ?

@Novel Markovich | Mélange de peine et de colère, c'est cette dernière que je choisis d'exprimer, plus simple à gérer, à mettre en œuvre. Frapper sur un sac n'a rien d'une difficulté pour moi, et le faire jusqu'à l'épuisement semble être le seul moyen de me contenir pour ce soir. Après tout, quelles autres options je pouvais bien avoir ? Admettre que mon coeur était en peine, brisé ? Que j'avais des sentiments pour Johan, et que j’avais le sentiment d'avoir été le seul à éprouver des choses dans ce que nous étions. Que certains rêves, certains projets avaient disparu avec lui ? Que les mots de cette lettre allaient remplacer les souvenirs de nous deux ? Je refoule toutes ces pensées, quand bien même les accepter pourrait être d'une certaine façon libérateur. Mais je ne suis pas prêt pour ça. Pour tout affronter. Alors je laisse simplement s'exprimer la part de moi que je maîtrise le mieux. Surtout face aux inconnus.

Phalanges qui craquent et je me recule, secoue ma main comme pour faire disparaître la douleur. J'ai du mal à ouvrir la main, à détendre les muscles de mes doigts  contractés depuis bien trop longtemps. Je regarde l’inconnu prendre place derrière le sac. Visiblement têtu et bouché, il n’avait pas l’air d’avoir compris ce que je que j'essayais de lui dire. « Je crois que t’a pas compris mon gars. J’ai pas envie de parler. Ni à toi, encore moins un psy ni personne dans cette putain de ville ! » Parce que le seul à qui je voulais parler était désormais loin d’ici. Trop loin. « Je me fous bien de comment tu t’appelles, et je monterais pas sur le ring avec toi. Je veux juste qu’on me foute la paix. C’est clair dans ta tête maintenant ou toujours pas ? » Je lui tourne le dos, fouille dans mon sac pour ressortir des bandes afin de protéger mes mains dont les jointures étaient en sang. Image du présent qui se mélangent à celles du passé, je commence à trembler, à sentir mon coeur perdre le contrôle. Je ne le reverrai jamais. Je ne les reverrai jamais. Ils ont tous disparu...

De la colère, il n'en manque pas. Et je connais que trop bien ce sentiment. Pour l'avoir été si régulièrement. Il te pouvait marroner autant. Non, ce n'est pas clair. Je vais pas te laisser te noyer dans ta colère. Ca va te pourrir. Alors je ne vais pas te foutre la paix. Cela dit, je vais probablement t'aider d'une mauvais façon mais je crois que tu as vraiment besoin de vider ton sac. Je me décale, serre le poing et lui envoie direct dans les côtes. Et je me recule. Tu vas parler ou il te faut un autre coup ? Qu'as-tu ?

@Novel Markovich | Le passé et le présent se mélangent. Je ne suis plus certain de savoir où je suis réellement. Ma pression artérielle augmente grandement, les palpitations de mon cœur deviennent irrégulières, et mon esprit se mélange entre le passé et le présent. Suis-je en danger ? Non. Non je ne le suis pas. Je suis à Boston. A Boston, il ne peut rien m’arriver. Mais Petit Prince n’y est pas. Lui je peux le perdre. Comme j’ai perdu les autres. Il va mourir aussi si je ne fais rien. Le chaos s’installe dans mon esprit, le doute engendre la panique et les tremblements. Je ne sais plus quoi faire, paralysé par la peur. La peur qu’il disparaisse, comme tous ceux que j’aimais avait disparu. Mais il n’est déjà plus là Anders. Pourquoi ? Tout s’embrouille, je perds le contrôle de moi-même dans ce brouillard épais qui me coupe de la réalité. Au loin, il y a des bruits que je n’arrive pas à identifier distinctement. Je crois qu’on me met en garde. Mais contre quoi ?

Douleur dans les côtes, et je me perds un peu plus dans le brouillard qui s’est épaissi. Je suis en danger. Cette fois, j’en ai bien conscience, alors je me reprends, me défend. Je devais le neutraliser. C’est lui ou moi. Regard noir qui se pose sur mon “ennemi”, je le détaille, tente de diserner une arme qu’il n’a pas. Je m’approche de lui, l’attrape et le balaye pour le mettre au sol. Bras bloqués dans son dos, genoux entre ses omoplates, ma prise est puissante et je ne comptais pas le lâcher de si tôt. « Qui es-tu ? Qu’est ce que tu me veux ?  Réponds vite si tu veux pas que je te brise le bras. » Je remonte un peu plus son bras dans son dos, probablement prêt à le lui briser s’il tentait quelque chose.

Je n'avais pas prévu la suite des évènements. Il m'a littéralement neutralisé. Et impossible de me défaire. Je ne sais pas quoi faire. Et je sens bien qu'il n'est plus avec moi, dans cette réalité à la suite de ses questions. Je cesse d'émettre toutes résistances. Je reprends ma respiration pour ne pas céder à la panique. Il me faisait mal mais je ne pouvais rien faire de plus qu'espérer le calmer en lui parler. Je m'appelle Novel Markovich. Je joue pour les Celtics. Je fais de la boxe. C'est la première fois que je te vois. Je te veux du bien. Et rien de plus. Était-ce efficace ? Je veux pas me battre avec toi Grincheux. Je sens bien que ça va pas fort. C'est quand même une situation de dingue. Il m'a littéralement ramassé avec mon égo. La prochaine fois, je laisserais en paix, quitte à ce qu'il chiale devant moi. Ca m'apprendra à pas vouloir me mêler de mon cul. Lâche moi s'il te plait. Y'a personne qui va te planter, à la rigueur un gros câlin, parce que tu sembles en avoir besoin, mais ça s'arrête là. Ca me démange de me retourner mais je pense qu'il me brise le bras direct. Inspire par le nez, expire par la bouche. Tout va bien. Je pourrais t'envoyer une boite de chocolats si tu veux, ça peut calmer les nerfs parfois. Je prie pour que la salle ne soit pas ouverte et qu'on nous voit ainsi. Respire Grincheux et revient avec moi. Je te ferais jamais de mal. Je lui parle comme si je le connaissais. Jamais.

@Novel Markovich | L'environnement autour de moi devient confus. Je me sens en danger, peut-être que je le suis, ou peut-être pas. Je ne sais plus, mais j'ai peur. Alors je pose des questions, beaucoup de questions qui ne doivent pas avoir de sens pour le jeune homme, mais sur le moment, leurs réponses me paraissent si importante. Markovich ? Un soldat de l'Europe de l'Est  ? Un allié ? Il continue de parler. Les celtics ? De quoi il parle ? Surcharge d'informations que je n'arrive pas à traiter correctement et qui m'embrouille. Putain qu'est ce qu'il raconte ? Il ne s'arrête vraiment pas de parler, ce qui rends le brouhaha dans ma tête encore plus important. Il y a toutes ces voix dans ma tête qui se superposent, qui racontent des choses différentes. « Taisez-vous... » Je grogne ces deux mots entre des dents serrées, ma tête étant sur le point d'exploser. Mais ça continue. Le bruit, les mots. Des brides seulement. Et pas celles les plus rassurantes pour mon esprit malade. « LA FERME ! » Cette fois, je hurle, comme pour recouvrir toutes les voix, qui se taisent, et disparaissent enfin. Ne reste que le bruit de ma respiration, et celle de la personne qui se trouve sous moi, sur lequel mon rythme cardiaque tente de se caler. Ma prise se desserre à mesure que la réalité me revient clairement. Je suis à Boston, dans une salle de boxe, à m'entrainer. Et lui... Je l'avais agressé involontairement. Je le relâche complètement et me laisse tomber sur les fesses, mal et honteux. « Pardon.. Je... Pardon... » C'est tout ce que j'arrive à dire alors je sanglote, ramenant mes genoux contre moi pour y cacher mon visage.

La pression redescend dès qu'il me relâche. Je me redresse lentement, massant mon bras. Et je le découvre prostré. Je ne sais pas quoi faire. Je n'ose pas trop me rapprocher de peur de le relancer dans sa colère ou autre d'ailleurs. je suppose que ça pouvait ressembler à une de mes crises de colère. J'aimerais lui montrer que j'étais là physiquement mais j'avais vraiment peur de mal faire. Je te présente mes excuses. Je vais te laisser tranquille. C'était peut-être pas cool. Et ça se trouve, il allait faire pire à mon départ. Mais je crois que j'étais pas apte pour le gérer. Rentre chez toi et reposes toi. Ca ira mieux. Du monde arrive et je m'en sers comme excuse pour filer. J'attrape mon sac et je fuis littéralement. Manque total d'assistance mais c'était .. De trop pour moi.

FIN