TW : fausse couche.

LUNDI 21 JUIN, 21H45. Consumée à chaque instant par la douleur provoquée par la perte de tes enfants, t’as l’impression que t’y trouveras pas d’issue ; que jamais t’arriveras à passer outre, que jamais t’arriveras à faire le deuil après cette fausse couche. T’étais heureuse, pourtant ; tu te sentais capable de surmonter chaque obstacle pour les avoir près de toi, jusqu’à tirer un trait sur ta relation avec leur géniteur. Mais faut croire que t’y as pas le droit, dans le fond, à tout ça ; comme si la vie te punissait de toutes les erreurs que t’as bien pu commettre. Nabil chassé loin de toi par ce besoin de solitude, t’as fini par écrire à Basile pour lui demander de garder Rose quelques jours de plus mais aussi pour le lui annoncer. Trop faible pour rouler jusqu’à chez lui, t’as pris soin de te laisser emmener par un taxi. Porte ouverte comme il te l’avait annoncé, tu pénètres dans son penthouse en faisant le moins de bruit possible pour ne pas réveiller Rose, finissant par toquer à la porte de sa salle de bain en supposant qu’il s’y trouvait toujours. « Hey, je suis là… » que tu chuchotes presque pour être la plus discrète possible.

@Basile Mulliez

Être discrète pour ne pas réveiller Rose qui est certainement déjà bien endormie à l’heure qu’il est, t’es pourtant contente d’être ici, dans le fond. Retrouver un repère perdu, te sentir apaisée dans ce lieu pourtant presque inconnu. Ton corps posté derrière la porte de la salle de bain, ton regard se laisse happer par le corps de Basile à moitié dénudé face à toi. Les billes qui l’observent de haut en bas l’espace de quelques secondes avant de finir par se fixer sur son visage. « Hum, je vais t’attendre plus loin. » que tu réponds en lui adressant un signe de tête avant de faire quelques pas en arrière pour te faufiler dans la cuisine, le nez déjà glissé dans le frigo sans même lui demander une quelconque autorisation.

Souvenirs qui t’envahissent l’esprit à la seule vue de sa serviette, tu préfères battre en retraite en direction de sa cuisine pour te libérer de pensées envahissantes. Le nez dans son frigo comme s’il s’agissait du tien, t’essayes de trouver quelque chose à piquer quand il arrive à son tour dans la pièce en te demandant si tu trouves quelque chose qui te plaît. « Pas vraiment. » que t’avoues en refermant finalement la porte lorsqu’il te dit de faire comme chez toi. Mais, justement, c’est pas chez toi. C’est chez lui. C’est chez ton ex-mari. « Merci… » D’avoir accepté que tu viennes, d’être toujours là malgré tout. Mais est-ce que c’était vraiment une bonne idée de venir ici ce soir ? « Mais je devrais pas… » Faire comme chez toi.

Le cœur en miette et les idées sombres, ton esprit se perd dans ce bordel qu’est ta vie. T’es postée devant ce réfrigérateur comme s’il allait apaiser tes maux avant que ton ex-mari n’arrive finalement dans la pièce à son tour. Happée par son passage, tu finis par refermer la porte pour lui faire face. T’es pas censée faire comme chez toi. Y a ce truc qui te met mal à l’aise, ce truc qui te dit que tu devrais pas être là ; et, pourtant, dans le fond, t’as l’impression de retrouver ton repère. Pas un mot ajouté quand il te demande de lui passer le lait d’amande, juste le geste qui suit sa demande pour lui passer la bouteille après avoir rouvert puis refermé la porte du frigo. « Je vais me commander un truc… » Du gras. Y a que ça qui te fait oublier. Ta main s’engouffre aussitôt dans ta poche pour en ressortir ton téléphone. Tes doigts glissent habilement sur l’écran que tu quittes pas du regard, même quand il te demande si tu veux regarder un truc. Un truc d’adultes. « D’adultes ? » Les sourcils qui se lèvent alors que tu redresses ton visage pour l’observer, un mini rictus amusé scotché au coin de tes lèvres. Ca pourrait être bizarre dit comme ça, après tout.

Le regard relevé de ton écran de téléphone à sa question, un fin sourire amusé à la commissure de tes lèvres, tu notes le double sens de sa phrase. T’appuies dessus en lui reposant la question si simplement qu’il comprend immédiatement. Et puis, t’hausses les épaules à sa réponse. Dommage, tu l’aurais certainement dit si la question s’était posée trois ans plus tôt. Mais les choses ont changé et, même si t’as demandé à Basile de quitter la villa, t’as pas encore mis un terme à votre relation ; peut-être avec l’espoir que les choses rentrent dans l’ordre. « Je veux regarder Saw 8 dans ce cas, le nouveau sort bientôt. » C’est loin des princesses et des paillettes alors t’imagines que ça lui ira. A ton tour, tu viens te laisser tomber dans son canapé, à l’opposé d’où il se trouve, pour finir par reposer tes yeux sur ton iPhone. « Je vais commander McDo, t’en veux aussi ? » McDo, l’éternel, ton amour de toujours. Tu comptes plus les fois où t’as tiré Basile dans leurs restaurants, aussi bien en France qu’ici ou lors de vos voyages.