Que dire mis à part que nos retrouvailles se sont mal passées, bien plus que je ne l'aurai imaginé ? Ton impulsivité semble avoir été nourrie par ta haine et rancoeur. Quelque chose en toi ne fait pas écho avec l'homme que j'ai aimé, l'homme qui me plait toujours un peu en fouillant bien dans mon coeur. La gêne de se revoir, l'appréhension de ne pas savoir comment agir et réagir face à l'autre, l'amertume face à notre rupture. Tout ce mélange d'émotions fut le pire cocktail de cette soirée, mais ce dernier aura au moins permis de pouvoir commencer à me libérer d'un poids, et potentiellement provoquer la même chose de ton côté. Même dans nos échanges par messages, j'ai entrevu une étincelle d'espoir, une envie de dire ce qui te pèse. Et je ne rêve que d'une chose depuis que mes yeux se sont posés sur toi de nouveau, c'est de poser des mots sur ce que je ressens, d'avancer droit devant sans être hanté par le fantôme de tes tendresses et l'esprit de tes tortures.

Un début de soirée est devenu un milieu, heure à laquelle les bars sont déjà remplis, les bruits retentissent de partout. Il y a quelques parcs fermés de nuit mais un ou deux accessibles malgré tout. Je n'ai pas envie de m'étaler devant les autres, mais je ne nous vois clairement pas échanger dans un lieu public. Tu risquerais de t'énerver, frapper quelqu'un par inadvertence ou insulter un inconnu, ce qui finirait par se terminer en bagarre. Devant la porte d'un parc dans lequel quelques rares personnes semblent présentes, bravant comme à leur accoutumé les interdictions pour profiter d'un long espace isolé pour se promener, la nuit voilant le ciel, le calme teinté des rires au loin des bars du coin. En arrivant, il ne me faut pas attendre trop longtemps pour voir ta silhouette se former au loin, se rapprocher de moi. ❝ Salut. ❞ Ma voix est plutôt calme, mon attitude quelque peu timide. Je suis gêné mais beaucoup moins que la dernière fois. J'essaie de tuer les silences alors bien vite, j'indique de la tête le parc derrière moi. ❝ C'est l'endroit parfait pour parler. ❞ Il n'y a que quelques petites barrières et une plus grosse qui ne demande pas trop d'effort. Un peu de souplesse, et on y rentre facilement. Mes yeux finissent par retrouver les tiens, bloquant mon coeur dans son activité. Je ne peux que réaliser la fatalité des choses. Tes bras me manquent, ta présence me manque mais surtout, ta gentillesse et ton amour me manque. Une voix dans ma tête m'assure que ce n'est que le manque, que les doux souvenirs d'antan qui m'ont marqué d'un parfum enivrant que je souhaite connaître à nouveau. Le rappel de tes mots, de tes messages me ramènent en une demie seconde sur Terre et je me dirige vers l'entrée, passant à travers les mailles du filet pour me retrouver avec toi, dans un espace plus ou moins clos comme deux bêtes de foire, comme deux animaux dans un zoo. Et malgré toute l'appréhension du monde, je suis déterminé. Déterminé à aller de l'avant, à me libérer, à pouvoir mettre à plat tout - ou du moins tout ce qui est possible. Et je te souhaite d'être en paix, tout comme moi, de pouvoir enfin oser aimer à nouveau sans que nos âmes respectives ne nous l'interdisent par peur de revivre la blessure passée. Ce soir, je me libère de ma haine.

Franchement, je n’ai aucune envie de me retrouver avec toi pour parler à coeur ouvert. Tu le sais tout aussi bien que moi que je ne parle pas, que je garde tout enfoui en moi. Ça ne changera pas aujourd’hui. Toutefois, je sais que ça ne peut pas continuer ainsi et que si je sais ce que tu penses au fond de toi et que j’arrive à t’enlever de ma tête complètement, nous pourrons tout deux aller de l’avant. Je pourrai sans doute être en paix avec moi-même et arrêter de prétendre qu’il ne s’est rien passé entre nous. Tout ceci était qu’une expérience, parce que oui à un moment donné, je me suis demandé si les hommes m’intéressaient et il s’avère que non. Il n’y a que toi qui m’a intrigué, toi qui m’a titillé, si je peux m’exprimer ainsi, assez pour que je me laisse tenter par une aventure. Aventure qui s’est évanoui au fur et à mesure lorsque je me suis rendu compte que les hommes ne m’intéressent pas, à l’occurrence, toi.
Et là, aujourd’hui, tu veux me voir pour qu’on se parle. T’es conscient que tu risques de parler seul, hum?! Je ne risque pas de dire grand-chose, mais au moins je serai là. Je serai là pour t’écouter m’exprimer toute la haine à mon égard, comment j’ai été pathétique avec mes paroles te concernant. Comment je pouvais être dégoutté que tu aimes prendre des graines en bouche, même si ça moi j’ai bien aimé te voir à genoux devant moi.
J’ai finalement traversé la ville pour venir à ta rencontre, malgré l’heure tardive, jusqu’à la porte d’un grand parc, presque désert à cette heure si tardive. « Salut! » dis-je simplement, l’expression du visage fermée, malgré que ta timidité ne voudrait que me faire sourire tendrement. Je regarde le parc derrière toi, que tu me pointes d’un signe de tête et l’incline à mon tour pour te dire que je suis d’accord. Lorsque nos regards se croisent réellement pour la première fois, j’essaye de faire taire mon coeur qui commence à battre beaucoup plus rapidement qu’à l’accoutumé. Tellement, que je t’agresse presque avec mes mots. « On y va là, qu’on en finisse?! » Tout mon être te cri de m’excuser, que je ne veux pas agir ainsi avec toi. Que je ne veux qu’une chose et c’est de te prendre dans mes bras, de respirer ton odeur et ne plus te lâcher jusqu’à la fin des temps. C’est mon auto-défense automatique qui s’est mis en fonction. Il est réglé sur le fait qu’un homme, ne peux pas en aimer un autre. Prouve lui qu’il a tort. Montre moi que je peux me laisser aller et être à tes côtés.

Il n'en faut pas beaucoup pour que ton agressivité prenne le dessus. Que ce soit positif pour toi ou non, je ne suis pas le grand idiot que tu aimerais que je sois. Je sais que si tu ne voulais pas venir, tu ne serais jamais venu. Si je ne comptais pas, rien qu'un petit peu, tu m'aurais envoyé chier, tu m'aurais peut-être même violenter. Surtout vu ce que je représente, vu qui j'ai été pour toi. Et pourtant, tu es là, devant moi, te battant avec toi-même, et je ne peux que ressentir peine et compassion. Comment peux-tu être aussi têtu avec toi-même au point de te convaincre que nier comment tu es et comment tu te ressens est la solution pour vivre heureux et libre ? Tu n'es pas libre, Mahé, tu es enchaîné à tes propres démons. Et eux, ils se rient de toi. Mais pas moi.

Nous finissons par entrer. Quelque chose d'interdit dans cet instant me plaît, et j'ai comme l'impression d'être davantage en paix. Quelques personnes passent sans faire attention à nous, car chaque personne ici a un but. Entre celles qui se droguent et celles qui souhaitent un instant de tranquillité, nous ne sommes que deux ombres qui passent, sans rien demander mis à part un instant de paix à nous aussi. Le calme est aussi en moi, je ne lève pas la voix, je ne suis pas en colère. En fait, j'ai eu le temps de digérer ce qui a été dit à la soirée. Certes, je demeure tiraillé entre mon désir puissant de simplement me réfugier dans tes bras, et celui de te dire simplement et purement les choses avant de te regarder pour la dernière fois dans ma vie.

❝ Merci d'être venu. ❞ Je regarde droit devant moi, la tête légèrement inclinée alors que nous sommes côte à côte. Cela fait si longtemps que nous n'avions pas été aussi proches physiquement, aussi isolés toi et moi. ❝ Je ne veux pas t'accaparer davantage et... J'ai déjà dit quelques trucs, la dernière fois. ❞ Ma voix est majoritairement neutre, bien que tendre et rassurante. C'est naturel, je ne cherche pas à le faire mais pour l'instant, je me refuse à t'attaquer. Cela ne me rendra pas la sérénité que je cherche désespérément. ❝ Je sais que... Ce fut dur. Pour nous deux. J'ai mis du temps à m'en rendre compte, j'ai eu peur moi aussi. J'ai eu mal, et j'ai préféré partir car sur le moment, j'ai eu le sentiment que c'était la seule issue. ❞ Un soupire s'échappe d'entre mes lèvres, alors que je décide de continuer, toujours sur un ton calme. ❝ Et je sais que même si tu as conscience du mal que j'ai ressenti et vécu, tu vas pas t'excuser, c'est pas ton truc, ❞ déclare-je en étouffant la fin de ma phrase dans une sorte de rire aigri, ❝ Il faut que moi je le fasse, pour toi, pour moi alors... J'suis désolé, Mahé. J'ai jamais eu envie de te blesser... Et j'étais peut-être une expérience pour toi, mais pas pour moi. T'étais bien plus. ❞ Dire cela me fait mal, et mon coeur se serre douloureusement à en assécher soudainement ma gorge. Dieu que je veux être fort en cet instant, mais je sens déjà mes yeux s'humidifier. Dans ma force, je suis faible - ou dans ma faiblesse, je suis fort. Rien qu'avouer que je suis désolé, présenter mes excuses, quelque chose en moi s'allège, et me fait me sentir mieux. Pourtant, en arriver à échanger sur nous, une part de moi s'assombrit dans une peine que je réfrénais. Alors je baisse davantage la tête, comme pour que tu ne vois pas la tristesse qui ruissèle dans mes orbites. Mais je ne peux cacher ma respiration qui semble difficile. Tu me fais perdre le souffle, et un jour, tu finiras par m'enlever la vie.

Marchant côte à côte en silence, nous avançons je ne sais où, croisant de temps à autre des couples ou petits groupes. Tout semble calme autour de nous, jusqu’à ce que j’entends de nouveau le timbre de ta voix s’élever dans la nuit noire et froide de Boston. Je tourne la tête légèrement pour te regarder du coin de l’oeil, curieux d’entendre ce que tu vas me dire comme connerie. Tu parles et je me fais réellement violence pour ne pas émettre le seul mot. Je pourrais protester, dire des choses qui ne seraient pas vraies au final. Mais à quoi bon? Nous savons bien tous les deux que je serais en train de mentir. Nous avons eu mal tous les deux, certes, pas pour les mêmes raisons, puisque toi tu n’as pas été horribles dans tes mots à mon encontre. Toutefois, de mon côté, je me suis senti abandonné, mis de côté. Comme si je ne comptais pas pour toi ou du moins assez pour que tu tentes par tous les moyens de me retenir. Est-ce que tout se serait arrangé entre nous si tu te serais entêté à rester près de moi? Je ne pense pas, mais qui sait? Nous n’allons jamais le savoir. Aujourd’hui, il ne reste plus qu’à mettre le point final sur notre histoire. C’est bien ce que nous sommes venu faire, non?! Alors je baisse la tête lorsque tu reprends la parole et m’arrête même de marcher à un moment où je me sens profondément offensé par tes paroles. Mes mâchoires se crispent et dès lors, mes yeux se posent sur toi avec un regard noir. Tes paroles me font passer pour une personne complètement égoïste qui n’est pas capable d’admettre ses torts. Crois-moi mon cher qu’avec ce que tu viens tout juste de dire, tu n’en auras aucune excuse de ma part. Tu sauras mon cher que je suis capable de demander pardon si j’en ressens le besoin, le moment. J’ai seulement beaucoup de difficulté avec les moments où je ne suis pas maître de la situation.
Toutefois, ta dernière phrase m’a donner comme un coup de poignard en plein coeur. Une expérience… C’est vrai, c’est ce que je n’ai pas arrêter de répéter, à moi-même notamment. Comme si je le répétais assez, j’allais finir par le croire. « Ça change quoi si tu as été une expérience ou pas pour moi ? Ça change quoi que j’étais bien plus ou pas? Absolument rien. Alors à quoi bon?! » Voilà, la machine pour me protéger vient de s’activer. Je n’ai néanmoins pas la voix dure et cruelle comme j’en ai l’habitude avec toi. Preuve que ce que tu viens de me dire m’a touché en plein coeur. Peut-être qu’il n’est pas fait de pierre tout compte fait. « Eben... » Dis-je dans un souffle, sachant pertinemment que tu ne vas pas bien. Que quelque chose s’est passé en toi à cet instant. Pour la première fois de ma vie, j’hésite à faire un geste et pourtant, ma main s’approche de toi et j’attrape doucement ton menton entre mon pouce et mon index pour remonter ta tête afin que tu me regardes. Allez c’est le moment. Je vais me sentir mieux par la suite. Je dois faire un homme de moi. « Écoute-moi parce que j’vais pas le répéter plusieurs fois. » Je prends une bonne respiration et lâche ton visage, laissant tomber ma main le long de mon corps. « Pardon… J’avais pas le droit de te traiter comme je l’ai fait. » C’est déjà un début… Mais je ne suis pas capable de te dire que tu n’as pas été une expérience comme je m’entête à me faire croire. Je pense que j’agis différemment avec toi en ce moment parce que nous sommes seuls, que personne ne nous voient en ce moment. Alors peu importe ce que je pourrais dire ou faire, rien ne sera répété à quiconque. Je peux être ce que je veux, faire ce dont j’ai envie.

Le chemin continue devant nous mais nos pas cessent. Autour de nous, il n'y a que la brise de cette nuit, le calme alentour. Les ombres des fantômes autour de nous sont avalées par l'obscurité et les quelques lumières des lampadaires qui daignent nous éclairer se concentrent sur nous. Rien ne me fait me sentir plus isolé que cette scène de peinture dans laquelle je suis enfermé. Et ainsi, tu prends la parole, tu réagis à mes dires, et ce, pour de vrai. Le contenu de tes propos ne me plait pas, les questions me bloquent et je ne peux sortir les mots pour y répondre. À cet instant, je me sens bloqué dans une impasse et j'essaie désespérément de m'en sortir. L'homme que j'ai connu est toujours là, je le sais et c'est lui que je cherche à atteindre. Et je ne sais pas encore si je veux connaître celui que tu es devenu. Tu es les deux à la fois, le meilleur et le pire de toi-même. Cependant, le ton ne m'agresse pas, éveillant même ma curiosité. Ne comptais-tu pas te faire tornade et me passer dessus, ne laissant que mon corps sans vie sur ton passage ? J'en suis surpris.

Un geste. Un seul. Quelque chose d'inattendu qui me paralyse davantage sur le champ. Mes yeux s'écarquillent à l'image d'un hibou, et je reste figé en fixant mon regard au tien, les faisant se rencontrer à nouveau. Une sorte d'affection émane du fond de tes mirettes, et cela m'apaise ne serait-ce qu'un petit peu. Le touché de tes doigts sur mon menton fait vibrer l'entièreté de mon système capillaire recouvrant mon corps, et je peine à déglutir tant le choc de ce contact me retourne. Viens-tu d'oser me toucher ? Ce geste était-il décidé, volontaire ? Il semble que oui. Et au moment où tu reprends possession de ta main, tes mots viennent percuter mon coeur comme des baguettes sur les peau d'une batterie. ❝ Mahé ❞ lâche-je dans un souffle sous le coup de l'émotion, prénom étouffé par le manque d'air qu'il me manquait. J'humidifie mes lèvres et déglutis à nouveau, laissant aller des larmes dans un silence sinistre sans te quitter des yeux. Il me faut quelques bonnes secondes pour arriver à revenir à moi. ❝ Merci... ❞ Quelques secondes de répit suivent encore alors que je sens la paix revenir de mon côté. Et dans un sourire trempé par les larmes, je finis par lâcher un bref rire nerveux, passant la paume de mes mains sur mes paupières pour essuyer ce désastre tout en reprenant la parole. ❝ Il faut que je le dise aussi, alors... Je te pardonne. Il le faut que je le fasse. Je ne peux pas garder cette rancoeur, c'est pas sain, et même si j'ai encore besoin de digérer, je vais pouvoir le faire paisiblement sans avoir besoin de détourner le regard quand tu seras dans mon champ de vision. ❞ Je finis par baisser mes mains ainsi que ma tête, riant de nouveau des stupidités qui semblent me passer par la tête. Du moins, là, j'ai le sentiment que c'en sont alors qu'elles ne témoignent que d'une réalité que je veux que tu entendes.

❝ Je sais que tu as aussi ton chemin à faire, et rien que me dire ça en retour, je sais que ça peut te coûter et ça me touche vraiment, merci ❞ dis-je et re-dis-je en relevant à nouveau la tête pour pleinement te regarder. ❝ Et... Pour répondre à ce que tu me demandais, ça change beaucoup. Ça change ce que tu pensais de moi, la valeur que j'avais, la valeur de ce qu'on avait. Je veux dire... T'étais loin d'agir comme si ça ne te plaisait pas, au contraire mais ❞ insiste-je en redevenant un peu sérieux. Je ne veux pas te braquer, je ne veux pas t'énerver. J'ai simplement besoin de pouvoir continuer à mettre à plat. ❝ ... Je dis ça car on était bien, à la base. Et que tu m'as fait avoué par message que tu avais peur, que j'ai été lâche, que j'aurai du essayé de comprendre et tu as raison mais tout comme toi, j'ai pris peur car je t'ai aimé, Mahé... Sincèrement, du fond de mon coeur, à en crever quelqu'un, presque. Peut-être que maintenant, oui, ça ne compte pas pour toi, mais c'est le cas, et tu sais ce que je ressentais. C'est pour ça que te voir me fait bizarre. C'est pas qu'une question de de dispute, de haine et j'en passe, c'est une question de... Comment dire... De manque ? Car tu étais aussi mon meilleur ami en plus d'être mon amant. J'ai jamais été aussi bien en la présence de quelqu'un, autre que toi et...  ❞ Je lâche un soupir rapide et vocal. Que ça me tire de le dire mais j'ai envie de dire le maximum. Je garderai la partie sur l'effet que tu me fais encore, que ce soit dans mon coeur ou dans mon caleçon, le reste peut être révélé. ❝ Tu me manques. ❞ Tout en se fixant sur le sol cette fois-ci pour éviter de voir en direct ta réaction faciale à mes confessions, mes yeux se font doux et légèrement triste, teintés d'une sorte de nostalgie, de quelque chose qui relève de ce passé qui n'a pas eu de conclusion. ❝ Le micro est à toi, lâche-toi. ❞ Je me redresse face à toi, car je me sens mieux, car je suis prêt, car à nouveau, je me sens fort. Un peu plus, du moins. Je n'ai qu'une envie, c'est de pouvoir sentir la chaleur de tes enlacements et, inconsciemment, j'ai déjà restreint notre distance physique. Tu pourrais toucher mon front du tien en deux secondes sans que je ne réalise de suite. Et il en va de même pour mes lèvres.

Un premier pas de fait vers la paix intérieure. Je me suis excuser pour ce que j’ai pu te faire et crois-moi ça ne m’est pas arrivé très souvent de le faire. C’est seulement que tu m’as piqué au vif me disant que je n’allais pas le faire. J’ai voulu te montrer que j’étais capable à mon tour de poser ces paroles et aussi parce que mine de rien, même si c’est tout au fond de moi, je les pensais réellement ces excuses.
Tu as l’air surprise de la tournure de la conversation, tout comme je le suis également.
Croyant que nous nous étions tout dit, que nous nous étions tout deux excusé, je me suis raclé la gorge pour te dire que j’allais y aller. Je ne supporte pas tes larmes, te voir mal, voire t’essuyer les yeux puisque visiblement je t’ai de nouveau fait mal. Je ne supporte tout simplement pas de te voir près de moi alors que je suis tiraillé de tous les côtés. Mon coeur veut te prendre dans ses bras pour ne plus te laisser partir, alors que ma tête elle, c’est tout le contraire. Elle veut t’éloigner de moi, elle voudrait pouvoir te dire de nouveau des horreurs pour te faire fuir. Te faire du mal pour ne pas que tu t’attaches, que je m’attache de nouveau. À la seconde où j’allais te dire au revoir, tu me devança reprenant la parole. Je souris à ces paroles, me sentant également un peu plus léger qu’à mon arrivé. À croire que ça fait du bien de dire ces quelques mots parfois. Est-ce que je recommencerai prochainement? Il me faudra une bonne raison et si c’est pour te voir sourire, je recommencerai sans problème.
Tu continues dans ta tirade, dictant des choses que je ne veux pas entendre, des choses que je ne veux tout simplement pas penser, même si en réalité c’est vrai. Je ne peux dire le contraire, je ne peux mentir sur le fait que tes mains me faisaient frissonner, tes baisers frémir. Je ne peux nier également que c’est moi qui ait été lâche de ne pas t’exprimer ma peur, voyant que le retour à Londres allait se faire bientôt et que je ne pouvais pas m’afficher avec toi devant ma famille.
Plus tu parles et plus je me sens petit, misérable, parce que t’as raison. Je prends même une grande inspiration, fermant les yeux lorsque tu m’annonças, même si je le savais déjà que tu m’as aimé. Tous ces mots au passé, font mal, je dois dire. Pourquoi d’ailleurs? Je devrais être content que ça ne soit plus le cas, non? Je devrais pouvoir être heureux de tourner la page. Tous mes ressentiments furent pires lorsque tu m’annonces que je te manque. Dès lors, mes yeux s’ouvrent grand. La bouche légèrement ouverte comme si je voulais dire quelque chose, mais rien en sort… Même lorsque tu me donnes la parole. Je n’arrive pas à prononcer la moindre parole. « Je… Euh, je.. » Mâchoires serrées, toujours sans mot, je me racle la gorge une nouvelle fois ayant remarqué que notre proximité ait rétrécie. « Je.. » répétais-je comme un con ne sachant quoi dire. Non, ce n’est pas vrai, je sais exactement quoi dire et quoi faire mais je ne parviens pas, je m’empêche de me montrer franc. Tu peux toutefois noté, que je n’ai pas reculer, je ne t’ai pas insulté, je n’ai rien fait de désobligeant. « Tu n’as pas été une expérience, Benny. » dis-je dans un murmure n’étant même pas certain que tu aies entendu. Je regarde vers le ciel, ne réalisant pas ce que je venais de dire, me mordillant l’intérieur de la joue. Je n’ai toujours pas bougé, toujours pas reculé. Tu excelles sur moi un pouvoir hypnotisant, électrisant. J’ai l’impression que nous sommes deux pôles d’un aimant et qu’une incroyable force attractive s’est liée entre nous. Je n'ai peut-être pas pris la parole comme tu me l'as demandé, mais je m’apprête à faire quelque chose de bien plus sincère. Bien plus gros que des paroles.
Dès lors, je ne tiens plus. Non, je ne t’embrasse pas comme j’aurais très bien pu le faire à cet instant vu notre proximité, mais je t’attrape pour te prendre dans mes bras, te serrant comme si ma vie en dépendait. « Tu me manques... » dis-je à mon tour au creux de ton oreille, comme si je venait de te révéler mon plus gros secret. J’en profite même pour sentir ton odeur, elle aussi m’ayant atrocement manqué toutes ces années et recule finalement, n’osant pas te regarder dans les yeux. J’ai perdu tout d’un coup tous mes repaires. Comme si je venais de perdre confiance en moi. Qu’est-ce que tu m’as fait Eben Wolford? Tu m’expliques?

Cette conversation est un manège d'émotions que je n'avais pas anticipé. Moi qui suis venu fort et fier, je me retrouve les joues creusés de larme et avec la sensation d'être infime. Une simple graine pouvant s'envoler au moindre coup de vent, un verre que tu peux briser de quelques petits mots piquants. Me libérer m'apporte une puissance, au final. Je semble regagner mon pouvoir, regagner ma force, regagner un peu du moi que j'ai perdu en te perdant. Et que j'aimerais pouvoir tout te dire, t'avouer ce qu'il m'est arrivé avant que nous partions, t'expliquer pourquoi je suis devenu si sensible et fermé vers notre fin et les quelques années venant de s'écouler. Tu as été le rempart entre la réalisation du traumatisme que je refoulais et ma conscience, et jamais je n'aurai imaginé que le mur entre les deux se serait effondré en te quittant. Mais je ne veux pas y penser, je n'arrive pas à totalement y penser. Cela ne servirait à rien de t'en parler. Tu risquerais d'être colère, de m'en vouloir et surement de faire quelque chose de stupide par honneur. J'aimerais que tu sois la première personne à qui en parler, mais nous n'en sommes pas là. Le moment venu, tu comprendras que tu as été mon rempart, mon bouclier, mon armure, celui qui m'a fait tenir alors même que j'ignorais que je tombais ; alors même que je fuyais ce souvenir, cette réalité, celle où quelqu'un a trépassé mon intimité sans me demander. Un jour, je te le dirais, je te le promets.

Te voir ne pas savoir quoi dire à de quoi me rassurer. Tu ne sembles pas en colère, juste perdu. Et pourtant, je redoute car un Mahé instable est un Mahé qui peut mordre vite, attaquer car il se sent en danger. Et avec toi, je ne sais toujours pas sur quel pied danser. Peut-être le tien. Puis une phrase étouffée dans un murmure, et je crois douter du sens. Je n'ose même pas dire quelque chose tant je remarque que ça te coûte. Mais il me semble avoir compris. Mes yeux ne te lâchent pas, alors que je nous sens de plus en plus isolés, comme dans une bulle. Quelque chose vu dans de nombreuses séries sans jamais avoir ressenti cela. Est-ce donc ceci ? Ne plus rien entendre autour, pas même les nuances des bruits alentours ? Pas même ma propre respiration ? Juste toi, les plissures de tes lèvres qui se crispent, les muscles qui se serrent dans ton corps ? ❝ Mahé ❞ arrive-je juste à échapper, tout doucement, comme un appel à la compassion. Car te voir ainsi ne me plaît pas, vraiment pas. Les larmes ont cessé depuis longtemps, mais les vannes sont fermées. Il ne reste que moi, perplexe face à toi, perdu. Que dois-je faire ? Mahé, dis-le moi.

Un choc quand tu m'agrippes et m'encercles. Tout battement artérielle s'arrête, et j'entre en état de choc le temps de quelques secondes, perdant la notion du temps en même temps, et même la notion de l'espace. Je me sentirais presque comme en pleine projection astrale, le temps d'un instant avant de réaliser la dureté de ton corps autour de moi, la chaleur que tu m'apportes dans tes bras. Et je reste pétrifié, avant de laisser mes mains attraper ce que je peux, malgré l'emprise physique que tu as sur moi. Et je soupire avant que tu murmures ces doux mots à mes oreilles, mots qui font sortir ce petit bruit de ma bouche, léger, innocent, et pourtant si proche d'une sorte d'orgasme. Une libération qui vient de l'âme, du coeur, de la tête. Mahé, en cessant la guerre, je veux t'offrir l'amour. L'idée même de ma concubine se perd, et je devrais m'en vouloir, mais rien n'y fait. Je pousse un peu sur mon corps pour m'envelopper dans ton creux, reposant ma tête sur toi. ❝ Je te promets de ne plus jamais t'abandonner. Je suis désolé... ❞ te murmure-je à mon tour avant de forcer un chemin de mes bras, les faisant remonter de tes hanches, passant par ton torse jusqu'à envelopper ton cou. Aussitôt, je te sers davantage, comme pour coller nos êtres et ne pas opposer nos faciès. Je ne sais pas ce qui arriverait si je devais être dans tes bras, toi dans les miens, l'un agrippé à l'autre alors que nos visages se font face. Cela pourrait déraper en baisers perdus pour moi, et je pourrais perdre toute humanité, à te laisser m'assurer de ma non virginité entre quelques buissons par pur folie sentimentale. Je fixe mon regard droit devant moi, perdu dans ce tendre moment. Mon coeur bat vite contre toi, tu dois le sentir. Je n'arrive pas à sentir le tien, peut-être ne bat-il pas ou bat-il au même rythme que le mien. Juste sentir la peau de ton cou contre ma joue, l'odeur de ton épiderme sous mes narines, et je veux être faible. Mahé, je suis tien même quand je ne le suis pas.

❝ Et je suis heureux de t'avoir retrouver. ❞ Les mots sont tendres, chaleureux. Une sorte d'affection émane de mon ton alors que, pendant que mon menton glisse, ma bouche effleure ta peau à chaque syllabes que je prononce. Comme des demi-baisers déposés, comme si je m'étouffais sur ton épiderme. Je tourne ma tête de côté, laissant mes lèvres aller plus loin, trouver le tissu de ce que tu portes au delà de ton cou pour déposer un baiser dessus. Je résiste de le faire sur ta peau. Je ne sais pas comment tu réagirais, je ne sais pas comment je réagirai ensuite. Je sais juste que je ne veux pas te lâcher. Alors je tourne ma tête vers la tienne cette fois-ci, mon visage dans ton cou, mon nez chatouillant l'angle de ce dernier sans que je n'ai besoin de bouger. Et je ne veux pas bouger.

Comment fais-tu pour livrer tes ressentiments aussi facilement? Tu me parles comme si tout était normal, alors que de mon côté, un simple mot me demande beaucoup de courage. Tu manies tes mots d’une façon dont je ne serai sans doute jamais capable de t’adresser. Pas que je ne le pense pas, mais bien parce que j’ai énormément de mal à me livrer. Tu le sais ça, non?!
Quoi qu’il en soit, t’avoir dans mes bras me fait un bien fou. Tellement d’années se sont écoulées depuis la dernière fois où nous nous sommes retrouvés dans cette position. Certes, il y a des différences, mais te retrouver ainsi, me fait plus de bien que je ne l’aurais espéré. Je te sens néanmoins crisé. Je t’ai surpris, n’est-ce pas? Tu ne t’attendais pas à cet élan d’affection de ma part? Tout comme moi je ne m’attendais pas du tout à ce que tu me promets de ne plus jamais m’abandonner. Est-ce qu’on s’est promis quelque chose? Je suis perdu et tendu à mon tour. Et encore plus lorsque tu encercles mon cou de tes bras. Comment dois-je prendre ce geste? Suis-je réellement prêt à ces marques de tendresse? J’étais à l’aise lorsque c’était moi qui menait le bal, beaucoup moins depuis que tu as pris les devants… Tout d’un coup, je ne me sens plus aussi confiant que tout à l’heure. Tout d’un coup je me demande si j’ai bien fait de te dire ces quelques mots. Prends-tu trop tes aises? Je recommence à me sentir comme il y a sept ans. « Ben... » dis-je dans un petit souffle étouffé, apeuré. Ton surnom qui ne doit absolument rien te dire, ce qui est normal, puisqu’il pourrait passé pour un encouragement, alors que la peur commence à s’emparer de tout mon être.
Ta tête dans mon cou est quelque chose d’un petit peu trop intime pour moi, malgré le fait que je frissonne. Encore une fois, ma tête dit le contraire de mon coeur. Je me trahis dans mes agissements. Tes lèvres contre le collet de ma veste je fait ouvrir les yeux que j’avais fermés au préalable et je bloque. Pire, lorsque c’est ton nez qui frotte dans mon cou. « Eben… s’il te plaît. » S’il te plaît quoi? Arrête, continue? Qu’est-ce que je veux à la fin? Je me fais violence… « Soyons amis.! » dis-je toujours aussi crispé. Je ne suis pas prêt à tout ça et sans doute que je ne serai jamais prêt. Je te dirai certainement que j’ai besoin que toi sois encore mon petit secret et si cela arrive, il y a des possibilités que tu prennes peur de nouveau en croyant un retour en arrière. C’est ce que je t’avais dit avant, non? « Eben.. » dis-je de nouveau, te gardant contre moi. « Sois mon ami, mais aide moi. » M’aider? À quoi? Je ne le sais pas moi-même. À t’aimer? À t’oublier? « J’ai besoin de temps. Besoin de comprendre ce qui se passe. Ce que je ressens. » Je repousse ta tête de mon cou, mais te garde à proximité de moi. Je ne veux pas que tu t’éloignes, puisque je suis en train de me perdre et crois-moi j’ai besoin de toi. Je me perds au point où mon regard fait la navette entre tes lèvres si désirable et tes yeux. « Soyons amis » répétais-je.  Ce manège dure quelques secondes alors que je te supplie du regard. Un regard qui voudrait dire, même si tu ne comprends pas, que si j’ai des paroles ou des gestes qui pourraient t’offenser, de ne pas partir. De rester et de m’aider. Et mes lèvres franchissent enfin le capte, s’écrasant contre les tiennes murmurants contre elles : « Ça doit rester entre nous… Je suis désolé, m'en veut pas, j'aurais pas du. » Le vois-tu que je suis en train de paniquer ? Mes lèvres sont à peine entré en contact avec les tiennes que je m'éloigne déjà...

Ton corps se raidit, mon surnom résonne de ta gorge jusqu'à mes oreilles mais tes bras ne semblent pas vouloir me lâcher. Je sens ta gêne, et je ravale mes lèvres alors que tu ne suggères quelque chose qui me fait écarquiller les yeux de surprise. Être amis ? Je le désire aussi. Je ne peux m'empêcher de pouffer un peu, surement à cause de la gêne, mais bien vite, j'assassine cette réaction, te faisant comprendre que ceci n'est que sur le coup de l'émotion, que je ne me moque pas de toi. ❝ Okay... ❞ réponds-je alors que tu déloges ma tête de ton cou sans tout en gardant cette proximité, cette enlacement qui nous unit à cet instant. Mes yeux dans les tiens, du moins, quand j'y arrive, je te rassure du mieux possible, d'une voix douce et assurée. ❝ Je comprends, ne t'en fais pas. Je pense qu'on a besoin de digérer tout ça, tous les deux. ❞

Je me sens si léger à présent, comme si quelque chose s'était débloqué et c'est le cas. Merci Mahé. Tu sembles épris d'un bug dans ta matrice, soudainement. Bloqué dans un virus réseau, tes yeux s'éparpillent sur mon visage, et je n'ose répondre ou bouger. Je t'ai déjà dit que j'étais d'accord, tu m'as déjà dit que tu voulais que nous soyons amis. Es-tu en train de perdre tous tes moyens ? Je continue à ne rien faire mis à part te regarder. Je ne veux en aucun cas te brusquer, te mettre à mal. Puis tout bascule quand tu m'embrasses. C'est fort, c'est électrique, tu fais virevolter les cellules de mon coeur, et d'un coup, j'ai juste envie de sombrer dans ce cadeau. Les mots s'échappent de ta bouche encore plaqué sur la mienne alors que nos lèvres s'animent les unes contre les autres, et ton émotion change à mesure que tu oses. Enfin, le repos, tu me lâches et commences à t'éloigner. Ça, je ne peux pas. ❝ Hé ❞ m'exclame-je un peu surpris, en te rejoignant bien vite, te faisant face. ❝ Ça reste entre nous, Mahé. C'est sur le coup de l'émotion, on en tient pas rigueur. ❞ Je reste là, ma main serrant ton bras fermement sans être fort, mes yeux se plantant dans les tiens, d'un regard décidé. ❝ Permets-moi de te rendre la pareille, une dernière fois. ❞ Ma seconde main se pose sur ton torse et ma première vient la rejoindre à côté, alors que je me penche pour déposer mes lèvres sur les tiennes. Un baiser délicat que je dépose, doux, rassurant. Un qui veut dire que tout va bien se passer, que c'est fini, tu n'as pas à t'inquiéter, relax. Et à cet instant, je m'isole dans le feu de cette petite fougue, de cet élan de courage qui me prend pour oser quelque chose que je ne me serai pas vu faire à la vue de mon attitude à ton égard dernièrement. Mais je ne peux pas rester sur ta bouche longtemps, je ne veux pas te faire fuir, te brusquer, te mettre à mal. Je me retire alors après avoir goûté une énième fois au parfum de ta chair, retirant mes mains par la même occasion. Mes yeux se perdent sur le côté alors que le silence s'installe, silence que je comble bien vite en te regardant de nouveau, sourire amical en coin de la bouche. ❝ Maintenant que c'est sorti de notre système, soyons à nouveau amis... Même si ça prend du temps, même si c'est étrange au début, je reste là. Je te le promets. ❞ Ma voix peut être déterminée, mon ton rassurant, mon coeur me crie que la souffrance sera au rendez-vous. Vaudra-t'elle la peine ? Ou plutôt en vaux-tu la peine ? Peut-être suis-je inconscient de vouloir être de nouveau proche de toi. Sommes-nous idiots ? Oui, ensemble, nous le sommes.

Le monde extérieur se fait de nouveau entendre, la bulle éclate. Et bien vite, nous sortons par là où nous sommes entrés. ❝ Merci pour ce soir, rentre bien et... À bientôt ❞ finis-je dans un petit ricanement avant de reprendre une mine plus sérieuse. Par gêne, je te sers la main et repars dans la direction opposée, me retournant une dernière fois comme pour m'assurer que je ne viens pas de rêver. Demain est un autre jour, Mahé. Demain marque le recommencement de notre complicité légendaire. Je ne peux dire ce que le futur nous réserve mais je sais que l'avenir est vaste et surprenant. Et pour une fois, je suis prêt à lâcher la corde et à plonger.

alternative au dernier paragraphe si le rp continuait

ps: