@Ethan C. Maxwell & @Jeremiah H.-Williams
(19.01.2020)

Mes nuits à la maison sont plus agitées que je ne le voudrais. Je ne sais pas si le problème vient du changement de lieu et d’un temps d’adaptation nécessaire, ou de mon cerveau qui refuse de se mettre sur pause afin de m’accorder un peu de répit, mais je parviens difficilement à fermer l’oeil dernièrement. La pré-saison apporte son lot de travail, plus difficile à gérer d’ici que de Londres en compagnie du reste de l’équipe, le petite a été malade et je ne suis toujours pas parvenu à trouver la force - ou l’envie - de renouer avec ma meilleure amie. Bref les conditions ne sont en rien optimales et je suis bien trop souvent à crans, y compris ce matin, à quelques heures de l’acquisition officielle de mon nouveau domicile. Si les travaux dans la maison ont commencé depuis trois semaines déjà, d’un commun accord avec le précédent propriétaire, la vente officielle n’est elle signée que aujourd’hui avec un cabinet local. L’idée de faire venir tout droit de Londres l’avocat de la famille m’a rapidement effleuré l’esprit, avant de conclure que ce n’était pas nécessaire pour une simple vente. Conseillé par une amie, je m’annonce donc à la réception et patiente, jusqu’à ce qu’on me signale que monsieur Maxwell est prêt à me recevoir. Bien que commun, ce nom me fait pourtant réagir, pour la bonne raison qu’il s’agissait du nom de notre avocat il y a de ça plusieurs années, avant que ce dernier décède. Les coïncidences ! Des coïncidences qui n’en sont pas réellement, puisque je découvre le fils de ce dernier, que je qualifiais d’ami à l’époque, alors que je pénètre dans son bureau. « Ethan Maxwell. » J’énonce son nom avec un sourire, peinant un peu à croire au fait qu’il se trouve devant moi, avant de lui tendre la main comme je l’aurais fait avec un inconnu. « Je ne m’attendais pas à te revoir. » Je dis d’un air détaché, ne souhaitant pas lancer les hostilités. J’aimerais pouvoir dire que je suis heureux de le retrouver - après quoi ? sept, huit ans ? Plus peut-être ? - mais il n’en est rien. Je n’oublie pas les années d’amitié, pas plus que je n’oublie son comportement les dernières semaines avant son départ pour les Etats-Unis. Ma relation avec Bethany n’était pas faite pour durer, je ne pense même pas avoir eut des sentiments pour la jeune femme, mais j’attendais mieux de la part d’Ethan que de se glisser dans les draps de celle qui partageait ma vie à l’époque. Niveau loyauté, on repassera, ce qui me fait d’ailleurs questionner ses qualités d’avocat. J’ai fait l’erreur une fois de lui faire confiance, je ne la ferai pas une deuxième, même si je fais partie des personnes qui pensent sincèrement que les gens peuvent commettre des erreurs sans que ça ne fasse d’eux quelqu’un de mauvais. On peut changer.

Pour une grande ville, Boston est beaucoup trop petit à mon gout. Le nombre de personnes de mon passé qui resurgissent dans ma vie sans y être annoncé est assez impressionnant et je ne peux que me dire qu'il doit y avoir un grand maître, la haut, qui se charge de nous déplacer comme des pions. Je ne suis pourtant pas croyant, mais les probabilités sont si faibles... Est-ce que Bethany est la suivante sur la liste ? Pour ce que j'en sais, elle pourrait tout aussi bien être être mariée à mon (ex) ami ici présent, n'ayant pas cherché à entrer en contact avec l'un ou l'autre après leur petite aventure. Mes lèvres s'étirent malgré-moi dans un sourire, qui s'efface face à l'enthousiasme de l'avocat, qui ne semble éprouver aucun remord. Je ne m'attendais pas à de plates excuses d'entrée de jeu - ni même plus tard, pour être tout-à-fait honnête, mais il est peut-être un peu trop heureux de me voir dans son bureau vu les circonstances. Notre amitié n'est qu'un vieux souvenir, une leçon tirée de toujours se méfier de tout et tout le monde, même des personnes à qui l'on pense pouvoir accorder sa confiance aveuglement. « Je m'installe ici, oui. » Je réponds de manière factuelle, sans entrer dans les détails. Ça me ferait pourtant plaisir de raconter à un vieux pote les péripéties de ces derniers mois, mon nouveau rôle de père et l'achat de la maison qu'il s'apprête à me faire signer, mais je suis un peu trop rancunier pour avoir envie de renouer. Peut-être avec le temps, mais là je suis pris de court, avec un tas de sentiments plutôt négatifs qui refont surface. Je m'installe sur la chaise qu'il me désigne et frotte les paumes de mains sur le pantalon de costume que je porte, observant du coin de l'oeil Ethan qui nous prépare des cafés. « Combien, tu penses ? » Un quart de seconde, j'ai hésité à le vouvoyer pour instaurer une relation qui ne dépasse celle avocat-client mais ce serait ridicule, plus encore après l'avoir tutoyé deux secondes plus tôt. « J'ai commencé les travaux dans la maison, d'un commun accord avec l'ancien propriétaire, donc c'est dans mon intérêt qu'il signe. » J'explique, un peu déçu que le premier avocat à qui j'ai eut à faire n'aie pas mentionné ce problème. On a déjà un accord et si je peux mentionné le problème, je vais devoir prendre toutes les précautions pour ne pas que l'acte me passe sous les yeux. Malgré l'emménagement récent, j'y tiens déjà à cette maison, tout autant que ma fille qui était émerveillée en découvrant sa chambre. « Café au lait, sans sucre. » Dis-je pour vérifier qu'il n'a pas fait erreur, alors que je récupère la tasse et lui adresse un signe de tête pour le remercier. Je m'humecte les lèvres, chercher quelque chose à dire et fini par garder le silence, car tout ce qui me vient concerne son parcours auquel je refuse de m'intéresser, par principe.