Je n’en reviens toujours pas, ma petite princesse est enfin fiancée ! Papa s’était exclamé avant de me souhaiter une bonne fin de journée et de raccrocher, me laissant sans voix pendant cinq bonnes minutes. J’ignore encore ce qui lui est passé par la tête quand il a pris cette décision avec le père de mon faux petit ami. Est-ce parce que nous avons tellement bien joué le jeu pour les médias que notre entourage proche s’est également mis à croire que lui et moi, nous étions réellement ensemble ? J’aurais peut-être dû poursuivre des études dans le théâtre et essayer de devenir actrice, puisque j’ai l’air d’être douée dans ce domaine. En tout cas, cette histoire m’a véritablement mise en rogne. Ça m’avait déjà agacée de devoir prétendre être en couple parce que la presse s’était amusée à dire que j’avais finalement réussi à me caser avec quelqu’un et que ça avait rendu Papa heureux dans un sens ; mais me retrouvée coincée comme ça ? Il ne me manque plus que la bague au doigt. Ah mais, suis-je bête. Je vais certainement la récupérer dans ma boîte aux lettres d’ici quelques jours.

Quoiqu’il en soit, après cette annonce inattendue, j’avais descendu une de mes meilleures bouteilles de vin en peu de temps, et je m’en voulais un peu. Parce que j’avais prévu de, et voulu, la déguster en compagnie d’Alizée, mais la colère avait été plus forte. Une fois la dernière goutte avalée, j’avais mis mon dressing sens dessus sens dessous pour mettre la main sur l’une de mes robes préférées, robe mettant plus qu’en valeur ma poitrine et qui en avait déjà fait tomber plus d’un à mes pieds. Un passage dans la salle de bain pour me pomponner : un trait d’eyeliner et un rouge à lèvres d’un rouge assez foncé pour me donner une allure de femme fatale, et le tour était joué. Direction le Badgirlz, que j’apprécie particulièrement. Mon côté de fille dévergondée, comme l’aurait écrit la presse, qui ressort, très probablement. Là-bas, je commande quelques verres de vin, entrecoupés de deux ou trois cocktails, de discussions et de rapprochements alléchants avec des inconnus. Là, c’est la séductrice en moi qui s’éveille. Ma voix se transforme, je me fais plus tactile, j’emmerde la notion d’espace personnel. Ils veulent m’enfermer dans une relation ? M’attacher à quelqu’un ? Que dalle. Et je vais le prouver à qui veut bien le voir ce soir. Alors que je saisis un nouveau cocktail – que je regretterai bientôt, ou en toute fin de soirée si j’ai de la chance –, mon bras heurte celui de quelqu’un d’autre. Je ne sais par quel miracle j’arrive à ne pas renverser mon verre, mais je me tourne vers cette personne, prête à la pourrir, quand mes yeux se posent sur Alba. Délicieuse Alba, rencontrée grâce à Alizée étant donné que toutes deux sont colocataires. La colère redescend, ainsi que les mots piquants qui s’apprêtaient à s’échapper, et je lui souris.
« Alba, quel plaisir de te voir ici ! Je ne m’y attendais pas du tout. Tu viens juste de refaire ma soirée. »
Après tout, cette femme, c’est une beauté. Si vous pensez qu’elle ne peut pas refaire votre soirée rien que par sa présence, alors vous êtes de grands idiots.

Elle est intéressante et attirante. Elle est belle, Alba. Puis il faut dire que ce soir, avec la robe qu’elle porte et les talons qui l’accompagnent, elle est divine. Très honnêtement, je ne devrais pas me faire ce genre de réflexion en la voyant. Pas du tout. Je n’en ai pas le droit. Sauf que… c’est plus fort que moi. Je ne saurai l’expliquer ; elle a ce petit truc qui fait qu’elle laisse sa présence et son empreinte quelque part au fond de vous. Allez savoir pourquoi. Mais elle m’a marquée le jour où je l’ai rencontrée, une matinée où je suis passée à la colocation sans réellement m’annoncer. Elle était craquante ce jour-là, elle l’est toujours. Et c’est un véritable danger. Parce que je ne sais pas du tout quoi faire face à mes émotions qui s’emmêlent quand son regard noisette se plonge dans le mien. Quand le ton de sa voix et le sourire qui étire ses lèvres me prouvent qu’elle aussi, elle est contente d’être tombée sur moi, ce soir. Ah. C’est très certainement l’alcool qui file dans mes veines à toute allure qui me rend euphorique, ce soir. Ainsi que la situation, bien évidemment – après une telle nouvelle, j’ai juste envie d’être auprès de quelqu’un que j’apprécie.
« Tu as raison, on ne s’ennuie jamais avec moi ! Je ris, un peu pompette, alors que son clin d’œil fait qu’un sourire illumine mon visage sans jamais le quitter. Je sirote mon cocktail une fois, avant d’acquiescer d’un signe de tête. Oui, je suis venue seule. J’avais besoin de décompresser d’un coup alors je n’ai prévenu personne. Mais ce n’est pas plus mal. Au moins, elle peut me combler par sa présence. Quoique… Et toi ? Tu es en bonne compagnie ce soir, ou tu te joins à moi ? »
On ne sait jamais. Il semble n’y avoir personne autour d’elle, mais quelqu’un pourrait très bien la rejoindre d’ici quelques minutes. Car, en la regardant bien, je dirais qu’elle vient d’arriver. Elle est beaucoup trop impeccable : pas un cheveu qui dépasse et sa peau ne paraît pas avoir encore succombé à la chaleur procurée par tous ces corps vivants qui nous entourent. Avec un peu de chance, elle est venue seule, comme moi. Deux âmes solitaires qui se retrouvent.
« M’accorderas-tu au moins une danse, ce soir ? » je lui demande, prête à prendre une nouvelle gorgée de mon verre, souriant. Même si elle est accompagnée, qu’elle abandonne cette compagnie le temps de quelques minutes, histoire que je puisse également profiter et m’enivrer de sa présence.