Charlotte a vu le jour à New-York au sein d’une famille ultra-conservatrice. Née en tant qu’homme, dès qu’elle a eu l’âge de créer sa propre identité, son propre arbitre, elle a ressenti le malaise qui régnait entre sa personnalité et les autres enfants « du même sexe ». C’est un sentiment profond, douloureux et culpabilisant. Telle une réaction allergique qui prenait de l’ampleur, Charlotte ne se sentait plus bien. Ces sentiments étaient nés de l’incompréhension parentale de son intérêt pour ce qui devrait être « pour les filles » dans ce monde ignorant. Cet enfant est sûrement possédé par un démon. Influencé par une personne mauvaise dans son environnement. Il faut sévir, il faut lui faire comprendre qu’elle n’est pas une fille. Mais un garçon. Qu’elle doit porter du bleu et jouer au football. Elle ne peut mettre les mains dans la boue pour prendre des fleurs,  qu’elle n’a pas le droit à des bijoux fantaisies, qu’elle ne peut pas porter des jolies robes comme les filles. Non, elle doit respecter un code même si ça ne lui convient pas.

Ils ont commencés par voir un exorciseur. Est-ce l’enfant du démon ? En tout cas, la douleur est si forte que Dieu n’a pas pu sauver l’âme si pure qu’était Charlotte. Elle s’est morfond dans un coin, cachée sous un voile qui n’était plus le sien : Nicolas. Ce prénom qui résonne faux dans la tête de cet enfant est ce qui lui évite les coups et la douleur insoutenable. Charlotte se demande alors… pourquoi ils font ça ? Est-ce pour oublier ce corps qui n’est pas le sien ? Mais l’enfant n’a pas oublié ce qu’il est. Une fille. Un genre, apparemment. Celui auquel on apparente aux longs cheveux, aux cils maquillés, aux courbes qui grandissent lorsque l’adolescence continue de montrer son nez. Pas ce qui s’apparente à ce parasite qui grandit au niveau de cuisses. Ce n’est pas à elle.

La douleur semble si lointaine qu’elle ne surpasse plus celle du malaise que Charlotte ressent chaque jour. Lorsqu’elle regarde les autres filles, essayant de se rappeler les couleurs des rouges à lèvres. Elles sont belles, magnifiques. Je les envie. Je veux être comme elle. Je veux être « moi ». Mais dans la vie, malgré tous les choix possibles, nous faisons tous parfois les mauvais. Un voleur sévit au Collège new-yorkais sans être appréhender. Chaque fille voit son vestiaire fouillée par la police sans jamais comprendre la dure réalité. Mais la personne qui finit par la découvrir est le père de Charlotte. Dans un doute issu des souvenirs du passé, il retrouve dans le placard de son fils tous les secrets accumulés et cachés depuis des années.

Alors la douleur revient.

Institut Militaire du Nouveau Mexique. Ça pourrait sonner comme une nouvelle vocation si Charlotte n’était pas qu’un simple élève du secondaire. C’est là que la figure paternel envoya ce qu’il disait être « son fils » afin qu’il retrouve le bon chemin. Dans un monde purement masculin où le traitement par les autres élèves serait sûrement pire que celui que réserve son père, Charlotte s’aligna. A contrecœur. En souffrance. Telle une cocotte-minute, elle acceptait encore d’être une personne différente de ce qu’elle était. Ça ne l’a pas empêché de vivre une autre liberté auprès de cette nouvelle famille bien qu’elle ne se sentait pas entière à leur côté.

Puis la majorité salvatrice.

C’est terminé. Les lois ne protègent plus la famille Sherwood dans le choix de la vie que doit mener Charlotte. La dernière image du paternel qui est dans l’esprit de Charlotte, à présent, est celle d’un père dont le visage est plein de crème ; provenant du gâteau d’anniversaire. Les affaires volent, se cassent. Devant toute la famille, tu te présentes à nouveau : Charlotte Sherwood.

Libérée.

Plus aucun mensonge, plus de faux semblant. Être soi-même. Charlotte avait déjà tout planifié pour réussir cette sortie magistrale. Elle avait économisé assez d’argent pour répondre à ces besoins. Ce n’est pas seulement les besoins primaires : boire, manger, dormir. Mais le besoin d’être soi-même. Elle avait tout préparé : argent, contacts… Tout était plus qu’à se lancer pour devenir celle que tu es vraiment à présent. Cette nouvelle aventure n’était pas aussi merveilleuse et agréable que celle passée. Mais au moins, Charlotte pouvait se battre pour ce qu’elle est, comme elle est. Installée dans un petit motel aux abords de l’hôpital spécialisé quand ce n’est pas à l’intérieur même, son corps s’est transformé petit à petit que les mois défilaient. Elle ne suivait même plus le compte des mois qui ont défilés jusqu’à ce qu’elle se rende compte … que ce n’était plus nécessaire.

Une seule trace de son ancienne vie subsiste encore à ce jour : sa voix. Bien que son traitement l’ait clairement adoucis, elle reste pas moins plutôt masculine. Ce qui dénote clairement avec son physique plus que féminin. Mais elle ne peut rien y faire, c’est trop risqué de tenter une opération au risque de perdre sa voix définitivement. La jeune femme décide de prendre des cours d’orthophonie en ligne, bien moins cher, pour habituer sa voix à emprunter des tons féminins, plus proche de ce qu’elle est.

Charlotte peut, à présent, voguer librement face à une vie pleine de rêves et d’ambitions. A vingt-et-un ans, bien qu’elle n’ait aucun diplôme, ni compétence professionnelle, Charlotte décide de chercher du travail dans un monde où le chômage est la première chose que l’on vit quand on a rien de tout cela. Elle n’allait pas tarder à faire face aux difficultés si elle ne trouvait pas de travail pour se payer ce dont elle a besoin pour vivre. Entre New-York et Boston, la jeune femme au volant de sa voiture a vogué de ville en ville, enchainant les petits boulots alimentaires dans le but de ne pas toucher à l’argent qu’elle met de côté.
Elle a avancé dans chaque combat, pensant atteindre la perfection à chaque fois. Mais à nouveau, elle se confronte à un autre dilemme de sa vie : Qu’est-ce que j’ai envie de devenir ? Encore et toujours, Charlotte essaie de trouver sa place dans ce monde…