Je ne suis pas comme la plupart des étudiants ici à Harvard. Je ne suis pas extravagante, je ne cherche pas l’attention, je désire simplement le respect. Je n’ai pas non plus une histoire à faire pleurer, ou je ne roule pas sur l’or, cependant, je suis fière de qui je suis. Probablement que je changerais quelques éléments, mais finalement, qu’est-ce que ça nous donne de nous demander sans cesse et si, et si ? Autant profiter d’aujourd’hui, pendant qu’il est encore à notre accès. Bref, je suppose que vous désirez que je vous parle de moi. Je n’aime pas vraiment ça, je suis plutôt la personne qui écoute, qui conseiller, mais si je suis obligée… Donc commençons par la base, je m’appelle Ruby Pearl Prescott, je suis née le 21 juin 1993 à Monroe en Louisiane. J’étais leur première petite fille, mais deuxième de la famille puisqu’il avait déjà un petit garçon, Matthew, de 2 ans mon aînés. Pour moi l’enfance c’est le trou noir où l’on été précipité par ses parents et d’où l’on doit se sortir sans aucune aide. Toutefois, la plupart des gens n’arrivent pas à sortir de ce trou qu’est l’enfance, toute leur vie ils y sont, n’en sortent pas. C’est là qu’on a été bombardé de connaissance, qu’on nous a dit quoi faire, qui nous a mené à devenir la personne que nous sommes aujourd’hui. On ne choisit pas vraiment dans le fond, on prend l’héritage que nous donnes mes parents, et les miens étant très religieux, je n’ai eu d’autres choix que de m’y mettre également. Personnellement, je n’ai pas encore réussi à me sortir de ça. Je ne crois pas que je serais une meilleure personne si je n’avais pas eu cette éducation aussi stricte, mais simplement une personne différente. C’est certain que si j’avais eu le choix, je n’aurais pas choisi cette vie, bien que je ne sois pas une mauvaise personne ou quoi que ce soit. J’aurais simplement apprécié plus de liberté puisque nous n’avions le droit à rien. Pas de jeux vidéos, de télévision, de sortis entre amis. J’ai eu une éducation stricte et religieuse qui ne me le permettait pas. Heureusement, j’avais quelqu’un sur qui m’appuyé, qui me comprenait, mon frère. Celui-ci tait peut-être plus vieux que moi, je ne le voyais pas comme un grand frère, un protecteur, mais plutôt comme un jumeau. Matty et moi, on se ressemblait vraiment. Peut-être qu’avec la manière dont nous avons été élevés, nous n’avons pas eu le choix, mais bref, c’est ce qui arriva. On devait se divertir ensemble, c’est-à-dire s’inventer des jeux, des histoires. On découvrit en même temps la musique. Une échappatoire carrément pour nous. Étonnement, nos parents nous laissèrent en faire. De toute façon, je ne m’étais pas mise à la guitare électrice ou aux drums, mais simplement au piano qui donnait un son ‘’angélique’’. Je m’en fichais bien moi du son que cet instrument donnait, je n’avais que 7 ans et cela me permettait de m’échapper, un des rares endroits où je n’ai pas de règles à suivre, de chemins déjà tracés. À travers ça bien sûr, je continuais mes études religieuses. J’ai toujours eu une extrême facilité à apprendre des choses, et même si j’ai toujours trouvé ça trop, il y a une certaine logique derrière la religion. C’est bien dans le fond de croire en Dieu, après tout, qu’est-ce qu’on a à perdre ? Tout simplement rien. Toutefois, si on fait le choix de vivre sans Lui, on se prive de quelque chose qu’on pourrait avoir dans le futur, pour toujours. J’aurais pu prendre tout ce qu’on m’apprenait, la bible et tout, de loin. Me dire que je n’en avais pas besoin, que j’avais simplement avoir l’air d’y croire pour que mes parents ne se plaignent pas, mais tant qu’à le faire, tant qu’à l’étudier, autant le faire sérieusement. Bien sûr, à cause de ça, je n’ai jamais eu beaucoup d’amies. Enfin, je ne pouvais pas sortir et faire n’importe quoi, donc ça me privait beaucoup de ça. Je devais donc me contenter de mon frère et la musique. Rentrant dans l’adolescence, j’ai pensé me rebeller, ou au moins sortir un peu de cette cage. Toutefois, je ne voulais pas décevoir mes parents. C’était peut-être stupide, j’aurais dû, mais je restai celle qu’ils voulaient que je sois, la petite Ruby hyper sage. Donc bien sûr, l’alcool, la drogue, le sexe, les fêtes ne m’étaient pas accessibles. Je ne crois pas que ça m’a vraiment manqué, enfin on peut vivre sans, on peut survivre sans. De toute façon, on sait tous qu’on peut développer des addictions à ce genre de choses et je refuse tout simplement d’être contrôler par quelque chose. J’avais toujours mon frère qui continuait de jouer l’enfant modèle avec moi. Toutefois, cela changea radicalement un jour, alors qu’il avait 16 ans. Disons que ce n’était pas le genre de truc que je m’attendais à ce qu’il arrive en rentrant d’une leçon de piano. J’étais toujours très heureuse, souriante et je marchais sur des nuages quand je revenais de là. Ça me faisait du bien, après avoir étudié fort et sérieusement. Ce soir-là, Matty nous a dit qu’il était gay. Vous comprendrez que dans ma famille qui était très religieuse, l’homosexualité est vue d’un très mauvais œil. Je ne comprenais pas, j’avais alors 14 ans, et je ne comprenais pas pourquoi mon frère me faisait ça, nous faisait pas. N’avait-t-on pas grandi tous les deux en se faisant dire que c’était mal ? Moi je pleurais, ma mère également et mon père l’a mis à la porte. Je venais de perdre en une soirée mon grand frère, mon jumeau, mon confident, mon meilleur ami, mon partenaire de musique. Je venais donc de perdre tout simplement et je lui en voulais de me faire ça. J’ai pensé pendant un instant le suivre, mais je ne pouvais pas faire ça. J’avais un avenir devant moi et je ne pouvais pas tout gâcher à cause d’une connerie de mon frère. J’aurais aimé qu’il change d’avis, qu’il dise qu’il allait changer. J’étais certaine que mes parents l’accepteraient à nouveau s’ils disaient ça, mais il est parti, sans se retourner, me laissant comme si je n’étais rien, comme si je ne comptais pas pour lui alors que j’avais été la seule personne vraiment présente pour lui. D’ailleurs, j’étais blessée qu’il ne m’en ait jamais parlé, ou même glissé un mot. Il ne venait sûrement pas de le découvrir aujourd’hui, enfin. Je me retrouvai donc seule au monde à partir de cet instant et je me concentrai encore plus sur la musique, décidant même que ce serait le domaine dans lequel j’étudierais plus tard. Je n’avais que ça à faire, étudier et pratiquer, n’ayant même pas gardé contacte avec celui-ci. Puis, l’an passé, vint le temps de s’inscrire à l’université. Puisque j’étais à présent ‘’leur seul enfant’’, je devais les rendre fiers et je ne pouvais pas étudier qu’en musique. Je choisis donc l’histoire de l’art à Yale. Bien sûr, ceux-ci auraient aimé que je ne m’éloigne pas autant, mais j’en avais vraiment besoin rendu à cet âge. Je déménageai donc dans le Connecticut, mettant tout mon temps dans les études. C’est certain que j’ai appris à être plus sociale, mais je n’ai pas vraiment changé. Je ne devins cependant pas comme la majorité des étudiants à l’université, c’est-à-dire de vrais fêtards. Certes, j’aimais toutefois cette nouvelle vie, loin de mes parents, qui me permettait bien sûr plus de liberté. Je leur en voulais toujours d’avoir mis à la porte mon frère, mais je lui en voulais à lui aussi de ne pas avoir écouté les règles, il me semble que celle qu’il a contré était l’une des plus importantes. Il l’a fait exprès, c’est certain. Bref, il y a un mois, je devais faire une recherche sur un homme célèbre. Le genre de travail de recherche long et pénible qui demande beaucoup de temps sur Internet quoi. Quand j’y suis, je finis toujours par me perdre à dix mille lieux du départ, mais au moins, j’apprends plein de choses et ce fut le cas cette journée. Cet homme avait étudié à Harvard et je me mis à regarder l’université, la comparant avec la mienne. Je découvris un système de confrérie là-bas, que je m’intéressai pour je ne sais quelle raison et je finis par tomber sur un blog qui donnais tous les nouveaux des confréries. Je les regardai tous, sans vraiment regarder mais mes yeux s’arrêtèrent sur un nom précis, Matty Jon Prescott. À moins que quelqu’un d’autre porte ce nom, c’était bien mon frère. J’avais pourtant essayé de le retrouver auparavant, mais je n’ai jamais eu de nouvelles, donc je n’avais pas réussi. Je l’avais retrouvé et même si je lui en voulais terriblement d’être parti comme ça, il fallait que je le voie, que je le retrouve. Je demandai donc de changer mon dossier d’université. Heureusement, puisque je passais tout mon temps à étudier, j’avais de bonnes notes et le transfert se fit très facilement. Je ne sais plus quelle raison j’ai donné à mes parents pour qu’ils acceptent le changement, sûrement que le programme était meilleur là-bas, plus reconnu, mais ce qui était certain, c’est que c’était faux. Je ne pouvais pas leur dire que j’avais retrouvé Matty, que je voulais voir. Ceux-ci m’en auraient sûrement empêché, ils n’auraient pas voulu perdre leur dernier enfant, comme ils disaient si souvent. Je détestais d’ailleurs quand ils parlaient de la sorte, comme si mon frère était mort. Donc, tout le déménagement se fit rapidement et me voilà à Harvard, installé, commençant de nouveaux cours. Ils ressemblent bien entendu à ce que j’avais à Yale, avec quelques différences. Toutefois, je ne suis plus certaine de vouloir retrouver mon frère. Dans le fond, ça fait si longtemps qu’il est parti, il n’est peut-être plus le même. Il a sûrement complètement changé, et ça me ferait tellement mal de le voir d’une façon encore pire que la dernière fois. Ce qui nous rapprochait à l’époque était notre ressemblance, après tout. Si nous n’avons plus ça, il n’y a plus rien. Je suis donc ici, à Harvard, comme si j’étais une simple étudiante, et j’attends toujours de voir si je vais avoir le courage d’aller le voir. Il m’en veut sûrement lui également, enfin je n’aurais pas pu faire grand-chose pour lui non plus. J’ai toujours été cet enfant qui écoute les règles, je ne pouvais pas commencer à me rebeller aussi radicalement. Je me fais donc quasiment invisible ici, me plongeant simplement dans mes études et dans ma passion, le piano.