ft. @A. Snow Burns |
Le nom est apposé directement sans concession sur le sticker qui orne le gobelet, presque aussitôt tendu à Snow que je regarde le vice aux lèvres se le procurer. Allez courage, que la force soit avec toi, ce n’est qu’un…. mauvais moment à passer. « Quand faut y aller… » Tiens on dirait qu’il a perdu de sa verve et à une lettre près, ça pouvait aussi passer. Alors j’en rigole mielleusement quand il pénètre à pas lents dans la cabine qu’elle lui a attribuée lorsqu’elle se retourne, me tendant celui que je n’avais vu venir, dans mon dos insidieusement préparé. « Le vôtre. Cabine de droite. » Maintenant ? Est-il encore possible de faire machine arrière pendant que le beatnik à l’intérieur se la tricote ? Non ? Dommage. Alors ma main s’empare de ce réceptacle sans mot dire, accepte bon gré mal gré de pénétrer à l’intérieur de l’antichambre des plaisirs. C’est froid, c’est austère et j’ai peine à m’imaginer la déballer quand je la sais au-dehors en train de patienter. Ces choses-là, même si je ne suis pas du genre pudique, ça reste de l’ordre du privé. Alors le bocal est déposé à coté de l’une des revues à la couverture affriolante pour en feuilleter quelques pages rapidement et reluquer les photos de mannequins dénudés mais rien n’y fait, l’envie ne vient pas. Et dire que ça devait être rapidement torché…. Alors si le mode automatique ne veut pas se lancer, il reste toujours le mode manuel, un intemporel.
La main dans ma poche j’envisage une seconde de passer discrètement à l’action quand mes doigts vont épouser les courbes d’un tout autre relief oblong : mon téléphone. A peine sorti qu’il est usé pour texter celui qui se trouve juste à côté, espérant ne pas le déranger, qu’il éprouve lui aussi tout autant de difficultés, juste par fierté. Premier sms envoyé [ T’es bien silencieux ] parce qu’un calme pareil ne lui ressemble guère d’ordinaire, mon doigt s’en vient sur le sacrale de mes dossiers archivés : une photo de Joey prise durant son sommeil sans qu’elle n’en sache rien.
@Dutch B. Cooper - 11/2020 |
@Dutch B. Cooper - 11/2020 |
ft. @A. Snow Burns |
« C’est que je m’en sers plus souvent. » Mais tu fais ce que tu veux lorsque tu te retrouves seul la nuit au milieu des ossements… « Alors pour les plaisirs solitaires, contrairement à lui, je manque d’entrainement. » Merde, bien joué et je m’incline devant la subtilité, le regard rivé sur celui qui vient de me cataloguer pervers à la vie morne et non épanouie, de ceux qui préfère se la donner devant un écran pixélisé. Les yeux se perdent dans le vide laissé sur ces murs oubliés, sourire tamisé par cette irrépressible envie de lui en coller un gentil, de pain, quand sa paume vient fébrilement sur mon épaule me rappeler que nous sommes frères quoiqu’il puisse arriver. « Vous avez encore besoin de nos services ? » Oui parce que j’ai encore besoin de me la tirer voyez-vous, fort peu habitué d’après certains à toutes ces effluves féminines qui m’excitent et me rendent fou. « Non, tout est bon. S’il y a un problème, nous avons vos coordonnées. » Ça y’est, c’est terminé, pari gagné et je suis soudainement pressé de rentrer, surtout après qu’il ait exposé mon manque de sociabilité, incapable de me tenir à chaque fois que j’en éprouve le primaire besoin.
Alors nous prenons le chemin de la sortie sous la présence de la vieille qu’il a quelques minutes plus tôt tenté de séduire. « Aurevoir. » Une marque de politesse qu’elle ne relèvera même pas, toujours affaissée sur ses dossiers qu’elle compile, la morue, avec le peu de dextérité qui lui est indue. Quelques secondes se sont écoulées avant de me retourner pour entonner clairement sous le regard amusé de l’infirmière parvenue jusqu’au guichet pour prendre en compte les nouveaux donneurs. « Non, ADIEUX » et lui faire élégamment un bras d’honneur, qu’elle n’apercevra pas non plus, ne m’accordant pas une seule seconde de son temps. Et mon faux frère à mes côtés, à peine le pied au dehors que l'idée de me retrouver avachi devant la télé me réjouit déjà, solaires de nouveau sur le nez. De nouveau assis dans ma berline, un dernier coup d’œil est balancé à l'édifice qui un jour, ou pas, verra naitre ma progéniture non reconnue avant d'annoncer, l'attention portée sur l'asphalte, « J'ai besoin de Kleenex » et d'embrayer.
@Dutch B. Cooper - 11/2020 |
ft. @A. Snow Burns |
Non, non, il n’y a rien là-dedans qui pourrait effacer les traces d’un besoin pressant. Et bien que sa main s’y aventure aveuglément, il s’arrête, son geste suspendu dans le temps pour en extraire délicatement une arme qu’il m’étonne de voir là. « Je me demandais où je l’avais mise… » parce que j’ai cette foutue tendance à en laisser trainer un peu partout depuis quelques temps. Plus j’en ai, plus elles disparaissent de mes souvenirs, laissées à droite et à gauche ce qui pourrait devenir à force très emmerdant. « Tu vois, c’est pas normal ça. » La normalité... « Ça dépend pour qui. » Tout n’est qu’une question de point de vue… Est-ce qu’un gars normal se l’astiquerait entre quatre murs en pleine journée pour donner le fruit de ses efforts de main à la main à une parfaite inconnue ? « J’ai foutu mes empreintes dessus. » D’où l’importance du sopalin qui servira aussi à les effacer si c’est ce que tu crains. Pourtant celle-ci, n’a jamais été utilisée, n’a jamais fait verser le sang, pas d’après ce que je sais. Boite à gant qui se referme sur l’arme comme si de rien n’était et le voilà qu’il me propose de la malbouffe pour récupérer des efforts donnés. Mcdo, pourquoi pas, c’est une idée mais à ma montre il est temps de rentrer parce que le téléchargement a du depuis longtemps se terminer et j’ai hâte d’aller décapiter, étrangler et piller. Cela dit, on peut toujours s’arrêter au drive en passant à côté. Perdre cinq minutes de mon temps de jeu, c’est toujours mieux que de faire à l'intérieur la queue.
Alors même si cette ville n’a plus de secret pour moi, je lui laisse le plaisir de me guider au travers des avenues parce qu’après m’être purgé, faut l’avouer je suis un peu vidé, crevé. Alors une attention en plus portée sur la route n’est pas de refus, surtout qu’à cette heure ils sont nombreux les cyclistes et motards qui vous prennent toujours au dépourvu. Manquerait plus qu’une éraflure vienne se greffer à la carrosserie de cette beauté, un petit détail qui pourrait sévèrement entacher ma journée. Le fastfood en vue, il ne reste plus qu’à s’engager dans la bretelle pour s’y attarder derrière une vieille Bentley refaite des roues jusqu’au toit, crachant ses poumons dans un nuage de particules nauséeuses. Un bras passé dans le dossier du siège passager pour m’appuyer, je me suis retourné. Hélas, pas le temps de reculer un peu pour se préserver des vapeurs nocives de ses renvois. « Non » on ne peut pas, parce qu’on nous a pris en chasse : une Chevrolet ayant eu elle aussi une envie de gras.
Non, je veux mon Royal Bacon :finger:
#citation
@Dutch B. Cooper - 11/2020 |
ft. @A. Snow Burns |
Ça y’est, le beatnik percute enfin face à la situation que je n’ai besoin de lui expliquer. « Parce que tu comptais faire demi-tour ? » Voilà pourquoi je suis toujours derrière le volant et toi qui patiente toujours sur le siège passager. D’un mouvement de tête blasé, il doit bien le voir s’incruster sur mes traits ce semblant de contrariété lorsque je me pose cette éternelle question le concernant : quand est-ce qu’il se décidera à acheter quelque chose de plus commode que sa foutue cylindrée. Ce n’est pas que trainer son cul me dérange mais parfois… j’ai le poing qui me démange. « Façon, t’sais, » Et je la crains la chute de sa bêtise parce que je le sais capable du meilleur comme du pire. « Je t’apprends rien en te disant que tes organes sont déjà défaillants. » Les paupières fermées, je les ai digérées ses paroles avant de nerveusement en sourire parce que tout compte fait, malgré ce qu’on puisse en dire, il y a une part de vérité dans sa connerie que j’ai depuis longtemps acceptée. Les doigts incrémentant les secondes contre le volant, mon regard s’est exilé vers les bornes et affichages placardés sous vitres, étalage visuel des menus divers et variés, pour lui préciser : « Un seul. Un seul » pour le moment et c’est amplement suffisant pour me pourrir l’existence.
La file se fait de plus en plus longue dans le rétro comparé à ce que nous gagnons de terrain, tétant le carbone au cul de l’antiquité qui n’a toujours pas d’un pouce bougé. « Allez putain », parole qui ne nous fera avancer en rien, juste à pouvoir me défouler, une satisfaction personnelle soulignée de ma paume qui vient frapper le cuir tanné sur lequel elle était apposée. Et comme si une puissante divinité m’avait entendu râler, la Bentley démarre enfin pour se trainer sur quelques mètres avant de se figer à nouveau, nous laissant devant la borne d’où une voix s’élève au travers de grésillements. « Bonjour. Je vous écoute. »
@Dutch B. Cooper - 11/2020 |
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