le pied tapait nerveusement contre le sol, sous la table. le corps se retournait chaque fois que la porte s'ouvrait, guettant (im)patiemment l'arrivée du s o l e i l. peut-être aurait-il été plus simple de faire face à l'entrée pour en surveiller les allées et venues régulières, mais il préférait tourner le dos, craignant d'être ébloui par les rayons de l'astre qui avaient déserté son ciel lors de leurs jeunes années. l'amie avec qui il partageait rires et soupirs - ici-même, dans ce café qu'ils fréquentaient presque tous les jours, cahiers ouverts, à plat sur la table, révisant ensemble leurs cours. les doigts pianotent sur la table nerveusement au même rythme que le pied contre le sol. le bruit agace les voisins, qui lui jettent des coups d'oeil réguliers, exprimant leur mécontentement dans les longs soupirs poussés, en soutenant son regard qu'il détourne aussitôt pour le porter sur la porte. et sa fine silhouette se dessine finalement dans l'encadrement, le ding distinctif annonçant son arrivée tant attendue depuis deux jours, et il ne résiste pas à l'envie de se relever d'un bond, yujin. le sourire s'élargit, les lippes s'étirent et déforment le visage. la table pour quatre réservée à son nom, alors qu'ils ne sont que deux; les places libres sont occupées par le souvenir respectif des gamins obsédés par les problèmes de mathématiques à résoudre ou par les fascinants textes d'histoire. il résiste autant qu'il peut pour ne pas lui sauter dans les bras, à jo hee. tactile, expressif, il démontre généralement son affection comme il la ressent au plus profond de ses tripes: violemment, et de la manière la plus authentique qui soit. elle a tellement changé, et pourtant pas du tout. il sent renaître et s'affirmer l'enfant en lui en la voyant, tout sourire. jo hee.

@Jo Hee Seo

les bras entourent, serrent le corps frêle de cette petite fille devenue grande, de cette fille devenue femme. les sourires se rencontrent et les opales s'accrochent à leurs (presque) jumelles. le myocarde s'emballe, de cette insouciance juvénile, d'une fébrilité palpable, de l'ivresse des retrouvailles qui annoncent le début d'une ère nouvelle;; les vraies amitiés ne meurent jamais, ce n'est qu'au printemps que la fleur renaît, et sous le soleil, le bourgeon éclos, les pétales s'ouvrent sur un sourire qui rappelle les rires cristallins de ces enfants jamais complètement disparus, mais peut-être longtemps oubliés. et il relâche le soleil, yujin. il ne faudrait pas se brûler avant même d'avoir pu se laisser éblouir. ils se toisent, les enfants perdus. il juxtapose les souvenirs à la réalité, le passé au présent, se rattache à ce qu'elle a laissé derrière elle, l'enfant-soleil, compare l'avant et l'après, l'hier et l'aujourd'hui et est étourdi devant tant de beauté. qui eut cru qu'un jour, yujin retrouverait les anges d'une vie dont le sens lui échappait encore ? elle était bien réelle, jo hee. comme l'avait été soojin lors de leur précédente rencontre. heureux, d'un bonheur incommensurable, comblé d'une joie difficile à décrire. est-ce qu'une telle réaction n'est-elle pas démesurée ? il se rend compte de la scène qu'ils offrent aux quelques spectateurs attablés autour d'eux, alors sans la quitter des yeux, il s'assoit et l'invite à faire de même. on ne dirait pas que c'est toi.. et pourtant, c'est bien toi ? ce besoin d'être rassuré, de se faire confirmer la réalité d'un rêve qui s'étend, qui ne cessera de prendre de l'expansion, jusqu'à ce que la prochaine bulle n'éclate. tu as soif? tu veux boire quelque chose? te souviens-tu du temps que l'on passait ici, autrefois? tu as tellement changé, jo hee. tu es une femme, maintenant. tu as peut-être faim? tu veux manger un morceau ? il enchaîne les mots à une vitesse impressionnante, sautant du coq à l'âne, s'emportant dans une folie euphorique qui ne le surprend pas tellement, en vue des émotions qui le soulèvent maintenant. heureux de retrouver une amie, qu'il n'aurait jamais cru revoir un jour.

@Jo Hee Seo