Un coup de feu retentit dans tout le manoir des Warhol. Tu te réveillas en sursaut, le souffle court. Tes yeux mirent quelques secondes avant de s'adapter à la pénombre de ta chambre. À tes pieds, tes doudous te regardaient silencieusement, d'un air rassurant. ━  Je reviens, je vais juste vérifier si tout va bien, leur chuchotas-tu d'une voix naïve.
Tu descendis doucement de ton lit, enfilas tes pantoufles roses bonbon et rejoignis à pas de loup ta porte de chambre. Tremblant, ta main s'avança vers la poignée mais s'interrompit lorsqu'un nouveau coup de feu retentit. Tu pris ton courage à deux mains et saisis la poignée, ouvrant la porte.
L'immense couloir à la tapisserie ancienne était lui aussi dans le noir le plus obscur. De toutes les portes, tu pouvais voir tes quatre frères et sœurs. Vous vous échangiez des regards intrigués, ne sachant quoi faire.
Des bruits de pas dans l'escalier. Quelqu'un arrivait. Tu fus soulagée de découvrir votre nounou, Judith. Elle était paniquée. Ses yeux étaient exorbités et du sang était étalé sur son tablier anciennement blanc. ━  Vous cinq, vous venez tous avec moi, ordonna-t-elle d'une voix paniquée. Voyant que l'on restait tous figé, elle se mit à crier. ━  Maintenant ! Hurla-t-elle. Tu sursautas, surpris d'une telle colère. Tu finis par la rejoindre au milieu du couloir, tout comme tes frères et tes sœurs.
Judith vous fit signe de la suivre. Elle descendit les escaliers quatre à quatre. Tu fermais la marche. Tu ne comprenais pas ce qu'il se passait. Absolument pas. Une fois dans la majestueuse entrée du manoir, Judith se stoppa net. Tu déboulas derrière elle, talonnée par les quatre autres gamins. Face à vous se tenait un homme, armé d'un pistolet. Il le braqua sur Judith, qui resta immobile, la tête fièrement levée. Ses poings étaient tellement serrés contre sa paume que du sang en coulait. ━ Courrez. TOUT DE SUITE, hurla-t-elle. Tu reculas, apeurée.
Tes frères décampèrent, suivis par tes deux sœurs. Tu les rattrapas rapidement. Un nouveau coup de feu, cette fois-ci plus proche. Un bruit sourd contre le vieux parquet. Judith, sans aucun doute. Des larmes glacées coulaient le long de tes joues tandis que tu traversais en hâte le salon.
━  Dans la cave, on sera en sécurité, suggéra Amiral. Tu hochas d'un signe de la tête. ━  Où est papa ? Et maman ? se plaignit Pearl. Taystee la serra contre elle, lui murmurant des paroles rassurantes. Près de toi, Gustave enroula ses doigts contre les tiens. Tu lui souris faiblement.
Amiral ouvrit la porte de la cave, vous laissant passer devant lui. Tu descendis en tête les escaliers, talonnée de près par Gustave. Il faisait sombre. Beaucoup trop sombre. Une fois que l'aîné ferma la porte, vous n'arriviez plus rien à voir.
Tu les attendis en bas de l'escalier et tu leur proposas de tous se prendre la main. ━  On sera introuvable si l'on se met dans le placard à balais, suggéras Taystee. Amiral vous fit signe de le suivre à taton jusqu'au fameux placard. C'était un endroit que tu détestais par dessus tout. C'était là où ton père te punissait à chaque fois que tu faisais une bêtise. Mais là, tu n'allais pas avoir peur. Tu étais avec tes deux frères et deux sœurs. Tu n'avais rien à craindre.
Gustave ferma délicatement la porte du placard à balais. Vous étiez serrés. Plus que serrés même. ━  Qui sont ces gens ? demandas Pearl d'un souffle. ━  Des ennemis de papa et maman, sans aucun doute, déclaras Amiral d'une voix assurée. Ils sont venus s'en prendre à nous pendant que nos parents sont absents. Quelle bande de …
Il se stoppa net lorsque la porte de la cave s'ouvrit. De la lumière l'éclaira de toute part. Plus personne ne parlait dans ce placard. Ni même respirait. Quelqu'un descendait les escaliers. Tu fermas les paupières, priant pour qu'il ne vous trouve pas. ━  Les bébés tueurs, où êtes-vous ? murmuras-tu une voix masculine, particulièrement rauque et pâteuse. ━  Oh, vous voulez jouer à cache-cache ? Très bien.
Un coup de feu. Tout le monde sursauta dans le placard. Des bruits de pas. Un nouveau coup de feu. Cette fois-ci, Pearl émit un petit cri, rapidement étouffé par la main moite de Taystee. ━  Ah, je savais que les coups de feu allaient vous faire chouiner, ricanas-tu en s'avançant vers le placard à balais. Sa lampe torche était braquée sur la porte. Il l'ouvrit d'un seul coup. Pearl hurla. Taystee hurla. Gustave se blottit contre toi. Tu ne bougeas pas. Amiral s'avança courageusement en direction de l'homme. ━  Qu'est-ce que tu crois que tu vas faire avec ce bâton ? pouffa le brun. Amiral ne ralentit pas et sauta sur l'agresseur, qui l'assomma d'un coup de pistolet dans la nuque. Sonné, l'aîné s'écroula par terre. ━  Un de moins, qui est le suivant ? Il braqua son flingue sur vous, vous forçant à sortir. ━  Allez, on sort, et que ça saute. Personne ne bougea. Il plaqua son pistolet sur la tempe d'Amiral, qui ne bougeait toujours pas. ━  ON SORT OU JE LE BUTTE ! MAINTENANT ! hurla-t-il si fort que vous êtes tous sortis d'un seul coup.
Tu restas derrière ton frère et tes sœurs, qui sanglotaient tous en cœur. Tu repéras une grande barre de fer métallique, à quelques centimètres de toi. Tu te décalas lentement, mais non. Il t'avait vu. ━  Eh la blondinette, tu crois que j'te vois pas ? Avance, et que ça saute !
Tu attrapas discrètement la barre, la cachas derrière toi et t'avanças docilement. Un léger rictus se dessina sur tes lèvres. ━  Pourquoi tu rigoles, hein ? Ça te fait rire ? Vous allez tous crever et toi, tu rigoles. Quelle insolente tu n'as pas eu assez de claques dans ton enfance toi. J'vais te donner ta première. Il s'avança dangereusement de toi, le regard menaçant. Il leva sa main et toi, tu poussas un hurlement, enfonçant brutalement la barre métallique en plein ventre de l'homme.
Un grand silence s'en suivit. L'agresseur s'écroula au sol, formant rapidement une marre de sang. Tu ne bougeais pas, le regard braqué sur l'homme que tu venais de tuer.
Pearl fondit de nouveau en larmes. Taystee décida de la monter à l'étage. Gustave s'approcha d'Amiral, réussissant à la réveiller.
La mâchoire serrée, les lèvres tremblantes, tu essuyas ton visage couvert de sang d'un revers de la main. Tu traversas la marre de sang sans daigner le moindre coup d'œil et remontas à l'étage. Tu te rendis dans le hall, où la nourrice Judith était étalée par terre dans une autre marre de sang. Tu saisis le téléphone fixe et composas le numéro de portable de ton père. ━  Oui papa. On a eu un petit problème à la maison. Non, tout le monde va bien. Sauf Judith. D'accord, à tout de suite.
Tu raccrochas et t'installas sur les marches, ton regard figé sur la porte d'entrée tandis que les larmes de Pearl berçaient tes oreilles et que la marre de sang de ta nounou ne cessait d'accroître.