Cette petite angoisse au fond de l’estomac quand il regardait ce numéro sur ces différents bout de papier qu’il avait recollé avec du scotch. C’était un stress qui le rendait un peu fébrile, avec Jane qui dormait juste à côté. L’insomniaque qu’il était appuyé alors sur le bouton vert en espérant qu’elle décroche. Mauvaise manipulation, le voilà en train de l’appeler en Facetime et donc de faire apparaître son visage à la caméra. Trop tard pour raccrocher, il était comme un gamin une veille de rentrée des classes.

Une sonnerie, puis deux et voilà que mes yeux s'ouvraient pour finalement voir ce numéro inconnu apparaître sur mon écran. J'hésitais une seconde avant de laisser mon doigt glisser sur l'écran pour finalement décrocher. C'était toi n'est-ce pas ? Qui d'autre aurait appelé en facetime. Pas le temps de me recoiffer pour être un minimum présentable, que ton visage apparaissait sur mon ecran. « Eh.. » Gênée. J'avais cette petite boule au ventre, pas la mauvaise non, celle qui me donnait le sourire, parce que je savais que je n'allais pas être déçue. « Tu t'étais vendu comme la bête, mais t'es loin de lui ressembler. » Que je pouffais en rigolant et dans le bon sens du terme, s'il vous plaît.

Ca aurait pu paraitre simple comme ça, mais c’était l’angoisse des premiers rencards alors que c’était loin d’être le cas. C’était une amitié folle qui s’était découverte à travers des mots balancés au hasard, mais avec facilité parce que c’était naturel. Une nouvelle étape de franchi, voici la Belle qui apparaissait dans son sillage pour lui faire un compliment. Caleb rit légèrement, avec douceur. « C’est le manque de lumière qui cache les cicatrices. » Et il passait un pouce sur sa lèvre tuméfié. Le côté gauche de son visage était caché par un peu d’ombre, mettant en secret l’ecchymose sous sa paupière. « Je te dérange ? Il est tard, je sais, je… » Il ne savait pas pourquoi il avait fait ça.

Une lettre envoyée un peu par hasard, par simple besoin d’enfin mettre des mots sur ce que je pouvais ressentir et voilà qu’on passait un nouveau cap. Ton visage apparaissait enfin sur mon écran, alors que j’observais tes traits pour la première fois. Loin de ressembler à la bête que tu m’avais décrite, je t’en touchais deux mots, dès les premières secondes, pour détendre l’atmosphère. Toi aussi, t’étais stressé Cal ? « Chuut. » Peut-être que tu n’étais pas habitué à ça, mais la franchise était de rigueur entre nous. « A part que tu viens de me sortir d’un magnifique rêve, non. » Est-ce que t’entendais les nuances d’humour dans ma voix ? J’étais contente de te voir, de mettre une voix sur des mots et de rendre notre relation amicale plus réelle. « Quelque chose ne va pas ? »

C’était comme ça, maintenant ; il aurait cette personne dans sa vie, en espérant que ça ne soit pas éphémère et que les mots restent toujours là, au-dessus de leurs têtes pour ne jamais s’envoler. « Tu me le racontes ? » Il se redresse un peu laissant apparaitre son visage tuméfié. C’était juste les restes d’une mauvaise bagarre lors d’une soirée alcoolisée. Rien de bien méchant. « Non, ça va. J’arrivais pas à dormir et… j’sais pas, j’ai eu envie de t’appeler. J’aurais pas dû ? J’te dérange ? T’es occupé ? » Le stress qui parle. Chut, calme toi Caleb, calme toi.

Moi aussi, j’espérais que ça ne soit pas qu’une amitié de passage, je m’étais bien trop confiée à toi pour ça et probablement que je passerais encore des heures à t’écrire ou te parler par le biais du téléphone. Tu me faisais du bien, non pas seulement parce que j’osais te dire mes plus sombres moments, mais parce que t’arrivais à apaiser mes maux. Je te taquinais, tentant alors d’effacer cette petite gène présente entre nous. « Moi qui vole de nuage en nuage, rien de bien passionnant. » C’était l’un des rares moments où j’arrivais à me sentir bien. Un sourire alors que tu te redressais, tandis qu’à l’inverse, je calais mon téléphone contre l’oreiller vide et que je m’installais sur le côté. « Si t’as bien fait, je ne m’y attendais juste pas, je pensais que t’allais mettre plus de temps pour me contacter. » T’avais l’air tendu, et j’espérais qu’à force tu serais aussi à l’aise avec moi que tu l’étais à l’écrit. « J’imagine que t’as passé la journée à avancer la salle ? » Que je te demande curieuse.

Un petit rire qui s’échappe des lèvres de Caleb et le voilà un peu plus détendu quand elle lui raconte son rêve un peu farfelu. « Désolé de briser tes rêves angéliques ! » Il s’installe un peu plus confortablement dans le lit, en passant un bras derrière sa tête, un coup d’œil vers le petit écran qui rend une image de l’enfant parfaite en train de dormir. « Je pensais aussi que je mettrais plus de temps mais… j’sais pas. J’en ai eu envie. » Plus que besoin même. Elle avait ces traits fins qui rappelaient ceux des princesses dans les contes de fée qu’il lisait à Jane, ça lui donnait ce côté royal que l’autre trou du cou Abelard avait, étrangement. « Exactement ! Alexis est passé pour me donner de l’argent. Je ne sais pas pourquoi elle fait ça, peut-être une manière pour elle de se racheter mais… j’en veux pas. » Alexis. Lex. Sa démone. Sa Nemesis. La femme qui lui brise l’aorte, les poumons, le cerveau.

Ton rire, réchauffait un peu cette nuit glaciale. Hormis mon rêve qui pour une fois était plutôt agréable, un voile teinté de noir, camouflait toujours ma vision trouble, quand je tentais de voir plus loin. « T’es tout pardonné. » Souriant face à la caméra, alors que je m’installais plus confortablement dans mon lit. « Je suis contente, que t’ais appelé. » De pouvoir enfin te voir, même si tes lettres me manqueraient, tout semblait plus réel. T’étais là, pour de vrai et j’avais besoin de ressentir que nos échanges étaient sincères. Tu commençais finalement à te livrer à moi, mais cette fois-ci, j’arrivais à percevoir tes sentiments, à travers le timbre de ta voix, la colère et l’amertume titillant ton palpitant, quand tu prononçais son nom. « Je comprends, mais n'est-ce pas aussi une manière de te montrer qu’elle te soutiens dans ton projet ? J’imagine qu’elle se doutait que tu refuserais ce don. » T’étais entier, et tu ne faisais pas semblant, donc si moi, j’avais réussi à le percevoir, elle qui te connaissait plus que bien, l’avais sûrement envisagé.

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