Lundi 15 Avril

J’ai retardé l’échéance le plus possible, me disant que j’étais dans un rêve, voire même un cauchemar mais malheureusement c’est bel et bien la réalité et je ne peux rien faire pour retourner en arrière. Maverick, t’es mon meilleur ami, celui qui veille toujours sur moi et cette fois on a tout simplement fait n’importe quoi et je le regrette. Je n’aime pas vivre avec des regrets mais cette fois, le petit être qui vit à l’intérieur de moi, je ne peux pas le garder et j’espère que tu me pardonneras. Je n’ai pas la force de garder cet enfant, j’ai un avenir tout tracé, et il n’y a pas d’enfants dans celui-ci pour le moment. On n’est pas ensemble, et tout le monde pense pourtant le contraire, mais je ne peux pas avoir un enfant avec un père qui n’est que mon meilleur ami. Pourquoi ? Je ne sais pas trop et pourtant, je suis certaine que tu pourrais faire un bon père mais je pense que t’es tout aussi paumée que moi et que ne t’as pas besoin de ça dans ta vie. Tu auras des enfants avec la personne qui te corresponds, et avec celle que tu aimeras plus que tout. Je sais que tu finiras par trouver ta moitié, j’en suis vraiment certaine et je n’attends que çà, de pouvoir jouer les tatas. Je sais, je vois loin mais j’ai toujours été comme çà et tu le sais. J’ai toujours vu loin, toujours tracé mon avenir et je ne me vois pas mariée, je ne me vois pas avec une famille non plus. J’ai mal au ventre rien que de penser à ce que je vais faire et j’ai besoin de toi, j’ai besoin de ta compagnie, que tu sois là pour moi aujourd’hui même si je n’ai pas vraiment envie de t’infliger ça. Ce sera rapide, on me l’a dit, ne t’en fais et si tu dois aller ailleurs, je ne t’en voudrais même pas. Je me dois d’être forte et de ne pas fondre en larmes, ce que je m’apprête à faire, je sais très bien que je ne suis pas la seule à le faire et que je ne serai pas la dernière mais c’est l’inconnu en face de moi. Je t’attends, je ne bouge pas du trottoir et il pourrait se mettre à pleuvoir que je resterai là, complètement figée, attendant que tu arrives enfin. Une fois que ta voiture est face à moi, je soupire et entre mécaniquement à l’intérieur de l’habitacle. Je déglutis, et je n’ai pas la force de dire quoique ce soit, ne m’en veux pas Maverick. L’idée de savoir que tu m’en veux me fait encore plus mal mais je dois être égoïste et penser à moi avant tout. Tu ne démarres pas tout de suite, et je ne te blâme pas du tout.   je suis désolée… j’ai pas la force de dire autre chose et je sais que je ne dois pas tout garder pour moi. Mes mains tremblent, cette situation est plus que désagréable.

C'est aujourd'hui que je dois t'accompagner pour que tu traces un trait sur la petite chose que j'ai installé au plus profond de tes entrailles. On peut pas appeler ça un enfant encore mais moi je te jure que je peux pas m'empêcher de voir un bébé. J'ai beau savoir que ce n'est pas la bonne solution de le garder, que tu as tout à fait raison de vouloir nous préserver, je peux pas m'empêcher de m'imaginer ce qu'il serait devenu, un bébé puis un enfant. Toi qui galère avec les couches, moi avec les biberons. On aurait sans doute fait flipper, mais on aurait assurer finalement. On aurait été une sorte de couple atypique, parce qu'on est pas ensemble, mais des meilleurs amis c'est bien aussi non ?  Moi je suis persuadée que c'est bien plus solide. Pas de divorce à prononcer, pas de larmes à verser. Mais je peux pas te faire ça Apple. Tu rencontreras un homme un jour, un mec pour lequel tu soupireras, tu remettras ton cœur entre ses mains et je l'accepterai parce que je veux le meilleur pour toi. Je peux pas être autant égoïste. Et je suis pas le genre tu vois à me poser, à avoir une vie de famille. Quelque  part au fond de moi, je le sais que je crèverai avant de voir ça. Je l'ai toujours su. J'ai les phalanges pleines de flammes, trop de tourments dans mon âme, et une cervelle bien trop perchée. On a jamais su où me ranger dans ce monde trop ordonné. Mes mains passent sur le cercle du volant, ma conduite est souple et assurée, je ne suis pas toujours fou et tu le sais. Je me gare finalement en bas de ton appartement, tu ne tardes pas à me rejoindre. Je te glisse un regard de côté lorsque tu prononces ces mots. J'embrasse tendrement ta tempe. « Allez, ce sera vite réglé. » Je maintiens l'illusion qu'on tirerait un trait, qu'on pourra reprendre le cours de nos vies. Qu'on retrouvera un semblant de normalité. Mais toi comme moi on le sait, plus rien ne sera jamais pareil et il nous faudra du temps pour oublier.

J’ai mal. Mal parce que j’ai l’impression de foirer entièrement ma vie et de faire n’importe quoi. J’ai pas envie que tu m’en veuilles de vouloir me débarrasser de tout ça, de vouloir mettre un terme à cette grossesse alors que je n’ai encore qu’un petit pois dans le ventre. Mais je ne peux pas, et il faut que tu me comprennes parce que je pourrais pas me dire que tu m’en veux et je le vivrais vraiment très mal. Je vis déjà assez mal cette nouvelle et je n’ai pas envie que çà jette un froid entre nous par la suite. Je tiens trop à toi, et tu le sais, n’est-ce pas ? Mais là, je ne sais pas comment me comporter, je ne sais pas quoi faire, et je ne sais même pas comment agir avec toi. Qu’est-ce qu’on aurait bien pu faire d’autre ? Tu nous imagines ? Vraiment avec un bébé ? Un enfant, ce n’est pas rien quand même. Deux meilleurs amis élevant un enfant alors que chacun fait sa vie de son côté ? C’est triste mais toi et moi on sait très bien que nous ne sommes pas fait pour être un couple, seulement deux meilleurs amis qui aiment se faire plaisir c’est tout. Tu n’es pas le genre à te mettre en couple et pourtant, je sais que tu finiras par trouver une femme adorable et qui te montrera qu’il y a tant de belles choses dans la vie et tu seras le premier de nous deux, parce que moi et l’amour, nous ne sommes pas du tout en communion. J’ai failli me laisser aller, j’ai failli me donner, mais j’ai très vite compris que ce n’était pas pour moi et que les hommes n’étaient que de belles ordures. Alors pourquoi se mettre en couple si on peut coucher avec des hommes, n’est-ce pas ? Tu crois que c’était une erreur de coucher ensemble ? que nous aurions dû rester de simples meilleurs amis ? Je ne regrette rien Maverick, vraiment, je ne regrette rien mais je ne sais pas ce qu’il se serait passé si on avait arrêté de coucher ensemble au bon moment. T’es là, même au pire moment et je ne te remercierai jamais assez pour ta présence. T’es toujours là pour moi, même quand je veux me débarrasser d’un petit pois. Je m’excuse une nouvelle fois et toi tu me dis que ce sera vite réglé.... mais est-ce que ce le sera vraiment ? Parce que finalement, c’est une grave décision que je prends et tu ne m’a jamais vraiment dit ce que tu voulais Mav. Tu m’as laissé choisir toute seule, acceptant simplement les décisions que je prenais. Mais toi ? Toi qu’est-ce que tu veux ? Car tu sais, et je te le jure, je ne m’en remettrais pas si tu devais m’en vouloir. Je soupire. je ne sais pas c’est vrai, je ne sais pas si ce sera vite réglé car il y a les conséquences derrière tu sais. si tu m’en veux, ce sera encore plus difficile tu es muet, je ne sais pas ce que tu penses et t’as encore la marque sur ta main d’ailleurs. Tu ne parles pas avec les mots, mais avec les gestes. J’ai la voix nouée, le cœur serré.

Je te conduis vers ta décision. Celle que je juge là nôtre, parce que tu le sais, je respecte ton choix et je pense même qu'il est le bon. Je ne fais pas attention à mes muscles sans doute un peu trop tendus, mon visage fermé, je peux même pas prendre le temps de m’appesantir sur ta tristesse parce que je m'en veux encore de t'avoir fait ça Apple. Je prête attention à la route, je m'extirpe mentalement de la situation, j'entretiens la croyance naïve que ça ira mieux après. Je tourne mon regard vers le tien lorsque tu prononces ces mots, je ne comprends pas pourquoi tu te sens si mal alors que franchement, tu devrais juste être en colère contre moi. Je ne comprends même pas pourquoi tu restes après tout ça. « Je t'en veux pas arrête. » Ma voix est sans doute un peu trop ferme, mais tu peux voir tout l'amour que je te porte dans ce regard Apple. J'aimerais que tu arrêtes de douter de moi. Je m'éprends d'autres peaux, je laisse mes pulsions commander le sang mais la loyauté que je nourris envers toi, je la juge infaillible. « Je resterai avec toi après. » Parce que je le sais, il faut une présence, quelqu'un pour veiller et je vais sans doute pas te laisser dans un moment pareil. Nous serons bientôt arrivés et bientôt on remettra ton corps entre ces murs blancs, on laissera échapper une vie pour pouvoir continuer la nôtre. On se choisit, qu'importe les lambeaux qu'on sème au cours de notre route. Qu'importe les stigmates.

Aujourd’hui, il fait beau et pourtant, j’ai l’impression que tout est gris. C’est dingue, Maverick mais là, tout est gris. Ca fait mal mais je ne vois pas d’autre alternative à tout ça et je sais que çà nous marquera à vie. on a fait une connerie, et je t’en veux, je m’en veux, et je tiens à toi quand même. Tu vois, je sais que je ne peux que t’en vouloir, mais au fond, il n’y a rien à pardonner. Faut que çà passe, et je crois que ce sera mieux si je fais mes petites affaires de mon côté un temps. tu me manques déjà, rien qu’à l’idée de me dire que j’ai envie de te sortir de ma vie pour pas souffrir. Je pourrais pas, je le sais, c’est qu’une pensée, mais j’ai l’impression qu’il le faut pour tout le monde. C’est peut-être pas la meilleure idée. Peut-être que je devrais faire ce petit voyage, tu sais, celui dont je t’ai parlé. Le Pérou… j’ai envie d’y aller, et ce sera la bonne occasion de le faire juste après les examens. Partir avant ce serait clairement du suicide mais je ne sais pas. Tout est confus dans ma tête, je n’ai plus les idées bien claires. J’ai peur que tu m’en veuilles, même si tu me dis le contraire. Démarre, sinon, j’y arriverai pas… je veux pas que tu m’en veuilles… même si tu me dis le contraire, j’ai peur, et tu sais, j’ai cette boule au ventre, c’est insupportable. tu me le promets ? j’ai l’impression d’être une gamine, mais j’ai besoin de toi, c’est horrible. Les hôpitaux, je déteste ça….

Je sens cette fissure entre nous, cette brèche qu'on a crée de nos propres mains. Mais j'en veux pas moi Apple. Je veux pas de ça entre nous. J'ai pas à t'en vouloir et quelque part, tu n'as pas à m'en vouloir non plus. Même si j'ai été inconscient, on l'a été tous les deux. Je démarre finalement et j'impose la vitesse sur la route. Je suis mesuré, respectueux. Tu m'as sans doute jamais vu conduire aussi sagement. Faut croire que finalement, je suis capable d'être mesuré. « Je te le promets. » Que je dis en te regardant tandis qu'on est arrêté à ce feu rouge. Il ne tarde pas à repasser au vert et je redémarre. Je connais malheureusement par cœur la route jusqu'à l'hôpital. « ça va bien se passer ok ? » Du mieux que ça peut dirons-nous. Je te jette un regard rapide tandis que je passe un nouveau croisement puisque le feu nous indique que c'est bon. Je vois pas tout de suite le véhicule qui ne s'est pas arrêté et qui fonce droit sur nous. Je vois pas tout de suite, je vois que ton visage effrayé. J'entends que ton cri. Je ne sens plus que ta main qui vient lacérer mon avant-bras. C'est con mais je me surprends à fermer les yeux. A être submergé par ce bruit sourd, à ne plus rien voir. Rideau.

Ça fait mal, je te jure, que çà fait vraiment mal parce que j’arrive pas à me dire que je suis enceinte et que je vais me faire avorter d’un bébé que j’attends de toi. toi, mon meilleur ami, je comprends pas comment on a pu franchir cette ligne. Je soupire, beaucoup trop fort à mon goût parce que j’ai le coeur serré et que j’ai mal au ventre comme si j’allais me mettre à vomir. Tu me promets que tu ne m’en veux pas et que tu ne m’en voudras pas mais je sais pas pourquoi, je me mets à douter de tout, et même de toi, celui en qui j’ai le plus confiance et je m’en veux. Je sais que tu ne m’en tiendras encore une fois pas rigueur mais tout de même… nous sommes en route, et l’échéance arrive bientôt à son terme. Plus on s’approche et plus je me dis que je suis terriblement conne de m’être mise dans cette situation. Je t’en veux à toi, mais je m’en veux à moi encore plus finalement. Toi t’as rien fais, enfin, un peu quand même mais j’aurais dû le savoir, et te dire que y’a un souci et qu’il faut qu’on se protège mais j’ai toujours eu une confiance aveugle en toi, et tu le sais. Tu me dis que çà va bien se passer et j’essaie de te croire mais c’est impossible car je vois cette voiture. Alors qu’on passe, que le feu est pour nous, cette voiture ne semble pas vouloir s’arrêter et je m’agrippe à toi parce que j’ai peur, j’ai peur de ce qu’il va se passer.  Mav ! je hurle ton nom et t’as le temps de rien, je le vois, et je ferme les yeux, toujours là, à te faire mal au bras plantant mes ongles dans ta peau parce que j’ai peur, et je veux pas te lâcher. Maverick, c’est de ma faute. Du bruit, puis plus rien. Un Klaxon qui ne s’arrête là de vibrer, mais ce n’est pas le notre. Qu’est-ce qu’il se passe ?

Je sens cette douleur familière venir assaillir chaque parcelle de ma peau. C'est con mais alors que la douleur me lancine, je sais que je suis vivant. Parce que les morts n'ont pas mal. Mon soulagement est fugace néanmoins car je m'inquiète immédiatement pour toi Apple. J'ouvre les yeux, alors que je me trouve contre l'airbarg. « Apple. » que je murmure d'une voix pleine de sommeil. Je sens un liquide couler le long de ma tempe. J'en reconnais le carmin. J'aurais sans doute des sutures à prévoir, je m'extirpe de la voiture car je ne te vois pas dedans. Je te vois là, au milieu du sol, alors que la foule commence à s'amasser autour de nous. Je cours. Je te jure que je cours, je fais même plus attention à la douleur qui normalement serait insupportable. Mais le pire c'est de te voir là. « Apple ! » Je crie. Je m'agenouille près de ton corps endormi. Tu ne saignes même pas, tu as l'air intacte et je ne comprends pas comment c'est possible. Je pose une main sur ton épaule, mais tu ne te réveilles pas. « Réveille-toi !! » Je hurle, on essaie de me calmer, mais j'envoie valser de mes poings. Je suis incontrôlable. Inconscient sinon pour toi. « Appelez le 911 putain !!! » J'y connais rien, je sais pas pourquoi tu te réveilles pas, mais mon instinct dit de ne pas te secouer. Je reste près de toi, je passe une main sur tes cheveux pour les remettre en arrière et je sens l'eau couler de mes joues comme un gamin. Qu'est-ce que je vais faire sans toi ? Faut que tu reviennes.