J'ai tenté d'ignorer la faiblesse. Comme à mon habitude, je l'ai masqué par l'acier, la vitesse des journées. J'ai oublié le tourment dans d'autres corps, comme j'en ai l'habitude. Je n'ai toujours été qu'un poison un peu trop empli de vices. Je dédie ma nuit à mes errances familières, celle qui accueille mes tourments, celle qui révèle mes plus sombres pensées. Je laisse mes doigts errer sur l'ivoire des touches mais je continue mon chemin, je ne me révélerai pas au public ce soir, je préfère me terrer dans l'ombre. C'est différent quand je te vois Stella. Trop longtemps que ta silhouette n'est pas venue me hanter. Je doute que le tourment est venu t'assaillir à nouveau et je n'en ignore que trop la cause. Sans doute pour cette raison, que je ne prends pas garde au velours de mes pas qui me mène droit à toi. Davantage lorque j'insinue ma main autour de ta taille, et je comprends sans doute un peu trop tard que quelque chose ne va pas quand tes orbes se lèvent aux miens. De la douceur habituelle, du jeu qui se délie entre nous, je ne vois que des armes, des dagues prêtes à me damner en enfer. “Tu n'es pas heureuse de me revoir?” que je provoque un mince sourire aux lèvres. La vérité, c'est que je m'incline mon Astre. Pour mon inconstance, ma faiblesse. Parce que je n'ai été qu'un poison pour lequel tu as entrouvert les lèvres et auquel, tu t'apprêtes sans doute à renoncer.

Le sourire qui scintillait parmi les corps et les coeurs, tes cheveux relevés qui dévoilaient ta nuque dessinée. La robe se posait sur tes courbes aguicheuses, tes talons qui brillaient, cherchant à t'accompagner jusqu'en haut du sommet. Tu buvais une coupe, dansais parmi la foule, attirant un homme sûrement trop charmé par ton spectacle. Et tu partais, tu le laissais, pas intéressée par l'idée de l'avoir déjà séduit par tes courbes élancées. Entourée par tes copines, tu souriais, tu rigolais. Ton rire cristallin qui couvrait les frasques d'une jeunesse dorée, accumulant trop de billets pour rester dans la réalité. Les excès s'emparaient et s'imprégnaient dans les murs, on pouvait déceler dans les battements de vos coeurs l'arythmie, vous n'étiez pas si différents des pauvres finalement. Le chiffre de vos besoins délurés étaient simplement plus élevé, besoin incessant de cracher de l'argent, s'imaginant que ça faisait de vous quelqu'un de différent, de plus important. L'ivresse et la défonce, la luxure et la musique, finalement vous n'étiez que des êtres qui cherchaient à oublier ce qui pouvait bien se passer ici bas. Tes pas félins sur le marbre de l'appartement, tu sentais pourtant une main s'immiscer sur ta taille. T'étais certaine de reconnaître son odeur, tu te retournais vers l'homme qui jouait de l'intrusion. Tes yeux dans les siens, regard océanique, la tempête ne tarderait pas à battre son plein. Ta main venait ôter la sienne de ton corps, geste trop pressé, trop assuré. Et lui, lui tu l'avais bien remarqué plus tôt dans la soirée, pourtant tout aussi rapidement ignoré. L'étoile ne voulait plus jouer, l'étoile s'était faite remplacer. Le regard indifférent, t'amenais ta coupe de champagne à tes lèvres. Tu jugeais son visage, tu jaugeais son rictus, tu tirais une cigarette que tu t'empressais d'allumer. Silencieuse, la flamme était venue naître entre vous. C'était une mise en garde, ta façon à toi de l'éloigner. Un pas de plus et t'étais prête à l'immoler. "Ça se voit, n'est-ce pas ?". Nicotine à tes lippes, tu soufflais la fumée sur sa gueule de mec déstabilisé. "C'était bien Hawaï ? Tu n'as pas l'air d'avoir profité du soleil, t'es encore pâle". Le regard en coin, les yeux plissés, ta peau hâlée, t'étais prête à le damner sans précédent, reine des enfers.

Je comprends rapidement le froid qui anime tes célestes. Comment l'eau a pu être remplacée par la glace. Et tu es toujours aussi belle Stella. J'aurais pu ployer le genou là sous ton incandescence. Courber la nuque, abjurer le pardon, admettre le doute. Le battant se déploie dans mon acier, ranime le coeur, envoie le sang aux tempes, je suis déstabilisé oui. Mais rien ne transparaît. Tu sais Stella, on m'a élévé pour dissimuler mes émotions aux mondes. Il est vrai que je suis retombé dans ses bras, et il n'y avait rien de bon à ça. Mais j'ai jamais été doué pour le bien. Je pensais que tu savais quelque part la noirceur des bras au sein desquels tu t'es réfugiée. Je pourrai jamais te souffler ce que mon coeur murmure. C'est la faiblesse, et elle ne fait pas partie de mon monde. Je regarde simplement danser la flamme entre nous. Muette mise en garde. Alors qu'un rictus vient peindre la détresse en sarcasme. Je le sais que tu pourras pas me pardonner et je me soulage que tu t'éloignes finalement. Je t'abîmerai mon Astre. “ Tu es jalouse?” Je te provoque, j'attise le feu à tes phalanges. Mais admets-le ça te fait quelque chose Stella. Je crèverai là par les flammes pour que tu l'admettes. Mais tu t'envoles, tu déploies la distance entre toi et le Reste du monde. J'étais le roi avec toi avant sur les sommets, je suis retourné aux bas mondes pour que tu puisses mieux t'éloigner. Je déploie ce fil entre nous, je tire, j'accroche, dans l'espoir d'un mouvement, d'un reproche formulé. Je me repose sur sa simple existence, comme un enfant trop capricieux. Trop passionné pour te laisser partir encore un peu.

Il n'y avait pas eu de promesses, simplement de la tendresse pour un coeur un peu maltraité durant ces dernières années. Fallait dire que toi t'étais la première à t'éloigner dès que tu sentais les sentiments s'immiscer, mais cette fois-ci, tu te complaisais à ces rencontres nocturnes. On ne pouvait pas parler d'amour, dans l'fond tu ne savais pas ce que c'était Stella. C'était simplement un hasard, des sourires, des caresses, des rires, des mots et puis des maux. Un jeu. C'était toi qui l'avait lancé, et toi qui aimait d'ordinaire tout contrôler, tu t'étais fait duper. T'avais pas mal Stella, c'était simplement ton ego et ta fierté qui se sentaient toucher. Alors finalement, on pouvait s'interroger sur le fait que ce n'était pas toi directement. Simplement deux entités qui cachaient ta personnalité. Tu repensais à cette nuit-là, échouée dans ses bras, pores contre coeurs, désirs assouvis, jouissance limpide. Nicotine entre tes lèvres, tu tirais sur ta cigarette comme pour réchauffer vos enfers. Vous vous étiez plongés dans un je ne sais quoi qui, sans le moindre doute, ne vous ressemblait pas. A quoi t'avais pensé, Stella ? Qu'avais-tu espéré, au fond de toi ? La tête qui volait en éclat, ta constellation ne comprenait pas une étoile de plus. Il était simplement un trou noir, un moment d'égard. "Ça te plairait que je le sois, je le vois, mais je ne t'accordes pas assez d'importance". Parce que tu l'savais toi, qu'il aimait ça. Dominer, s'emparer. Sa réputation le précédait, tu t'étais simplement laissé envoûter. Plus jamais. "Regarde-moi, ai-je l'air de penser à toi ?". Indifférence, gorgée de champagne, bouffée de nicotine. L'attitude comme par le passé, comme ces soirées à se toiser sous les étoiles italiennes.

La colère te rend belle Stella. Je mérite ce que je sème, mais je ne peux empêcher de revenir me confronter au problème. Que tu représentes, que je représente. Nouveau patronyme pour ma tête et pour tes yeux désormais trop limpides. J'ai couru me réfugier dans les bras d'une autre. On a joué, comme ces enfants un peu trop innocents. J'ai oublié l'acier qui borde mon sang au profit de tes yeux. Mais je suis bien plus tortueux que tu ne le penses Stella. Bien plus déchiré également. Je reviens hanter tes phalanges graciles, j'en espère le feu plutôt que l'indifférence. Je viens abattre la morsure là sur l'exsangue, je suis si égoïste que je m'obstine à laisser ma trace. Mais tu sais toi mon Astre. Comment effacer mon orgueil d'un volute de fumée. Comment faire naître le silence des notes dont je nous ai bercés. Sincères et modestes, j'ai préféré les orner de mensonge, tout détruire de mes mains un peu trop volontaires, un peu trop obstinée. Je t'ai perdu mais je me raccroche à nos fuites. Je tire ce fil là, que tu as rompu ma Fée. Sortilège désenchantée. “Pas vraiment non.” que je te rétorque de ce mince sourire qui vient ourler mes lèvres. Je vois le feu, je vois le sang. Dans ton eau le tourment et la haine qui ont remplacé la douceur, la candeur. Je veux que tu m'écorches, pour ne pas que tu m'oublies. Je préfère être un démon plutôt qu'un fantôme. J'arrache ta clope de tes lèvres fines et pulpeuses, je m'accapare nos restes. Je pose le cyan de mes orbes sur tes courbes distantes. “Mais tu ne penses pas à d'autres.” Je provoque, je heurte. J'inspire le poison entre nous. Je nous consume plutôt que laisser la terre recouvrir ce que nous fûmes.