efrain & jonah

first time

La journée avait été fraîche, le vent n'avait pas arrêté de siffler et de souffler ses frasques les plus violentes. Jonah avait cru s'envoler plus d'une fois, cependant les cours de danse avait au moins eu la chance de le réchauffer. Ça n'avait pas été de tout repos, il avait couru partout ; entre programme intensif, préparatoire de la compétition annuel de son pays natal et cette fameuse réunification d'étranger tous passionné par la même chose. Il n'avait pas eu le moindre moment de répit, si ce n'est lorsqu'il avait enfin pu quitter le campus pour se rendre chez lui et s'abandonner sous l'eau chaude d'une bonne douche avant d'aller se préparer pour ce film qu'il avait déjà vu une bonne dizaine de fois mais qu'il rêvait de voir à nouveau, en compagnie d'Efrain cette fois-ci. Ça tombait d'ailleurs plutôt bien puisqu'il avait prit l'habitude de prendre racine dans son canapé et ce, depuis des mois désormais. Fini les soirées, fini les sorties entre amis, l'alcool, la drogue et toutes ces choses qui l'avait longtemps construit, à présent c'était dessins animés, jus d'orange à outrance et petit rituel du soir bien synchronisé alors autant dire qu'en effet, ce programme s'avérait bel et bien peu commun à ses petites habitudes. Malgré ça, l'idée lui plaisait beaucoup. Alors certes, ils seraient tous les deux exposés aux yeux des autres, mais à vrai dire, pour le coup il s'en fichait pas mal. Ça l'agaçait plus qu'autre chose de toujours devoir faire attention aux gestes à avoir en public, une part de lui commençait à se lasser de ses faux semblants, davantage après l'appel de son père qui lui demandait sans arrêt s'il comptait se marier, si c'était pour bientôt. Comme si ça avait été un jour dans ses projets, quels projets même, diriez-vous. Quoi qu'il en soit, c'est une fois prêt qu'il rédigeait un message à Efrain pour lui dire de le rejoindre devant le parc où la projection aurait lieu. Jonah attrapait son sac à dos à la volée et filait rapidement attraper le denier bus qui le déposerait près de l'entrée, n'ayant ni la force, ni l'envie de marcher jusque là. Sur place, il patientait sagement devant l'entrée, voyant grand nombre de personne passer la barrière, dont pas mal qu'il connaissait et qu'il saluait d'un sourire crispé. C'était une première, mais il fallait au moins ça alors il ravalait ses angoisses les plus profondes et glissait ses mains dans ses poches pour jouer nerveusement avec ses bagues sans être trahi par son comportement qui soulignait un manque cruel de confiance en lui, comme en autrui. Il était prêt ; prêt pour cette nouvelle première fois.

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« Putain, fais chier, merde ! » Je m’énerve et affronte mon propre reflet dans le miroir. J’ai la haine, incapable de trouver les bons vêtements à me mettre sur le dos, la bonne attitude à adopter pour ce soir. Les minutes défilent et je reçois déjà un SMS de Jonah qui m’invite à le rejoindre devant l’entrée du parc, ou il m’attendra. Je suis tellement en retard. C’est pourtant simple non ? Un film diffusé en plein air, à cette période de l’année, ça exige d’avoir un manteau confortable, un plaid à étaler à même le sol pour être bien et un second plaid – ou une couverture – à avoir sous la main pour anticiper en cas de fraicheur extrême. Je retourne une énième fois mon dressing et arrache d’un ceintre une chemise blanche qui, et je le sais, pourrait être le pire choix au monde puisqu’elle pourrait aisément être tâchée par l’herbe au bout de deux minutes. Tant pis, ce soir je vis dangereusement et puis c’est tout. J’attrape un jean noir que j’enfile très rapidement avec une paire de baskets, me parfume, retouche rapidement mes cheveux, attrape mes clés de voiture et fonce jusqu’au point de rendez-vous. Je me sens déjà mal, très mal d’être aussi en retard. Le pauvre doit m’attendre dans le froid depuis au moins une dizaine de minutes, tout ça parce que je n’ai pas été foutu de me décider entre quelques maudits vêtements. Je me gare, un peu à l’arrache je veux bien l’admettre, et presse le pas pour atteindre l’entrée du parc. J’arrive dans deux minutes, don’t kill me ! Un petit smiley attristé en plus pour l’amadouer alors que je le cherche du regard. C’est dingue le monde qu’il y a ce soir, je n’aurais jamais cru qu’une séance d’un film sorti il y a un bon moment puisse attirer autant. Mes yeux vont et viennent d’un inconnu à l’autre jusqu’à ce que mon regard soit happé par lui, il est là et mon cœur s’emballe. C’est bien lui, il n’y a que lui pour me faire ressentir de telles choses sans même me regarder. « Hello handsome, excuse-moi pour le retard… J’étais retenu en otage par… Ma salle de bain ! » J’admets en grimaçant. Je ne sais même pas comment lui dire bonjour, j’hésite et m’aventure à l’embrasser sur la joue, anormalement timide. « Je nous ai apporté des couvertures au cas où, des bonbons et à boire aussi ! » J’ai clairement embarqué ma baraque avec moi mais bon, vous savez ce que l’on dit… On n’est jamais trop prudents.

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Jonah n'avait jamais été véritablement doté d'une patience d'ange, bien au contraire, surtout lorsque l'anxiété le poussait à se poser un amas de questions, toutes plus complexes les unes que les autres. Est-ce que c'était réellement une bonne idée, est-ce qu'il ne devrait pas s'en aller, est-ce que Efrain viendrait vraiment, est-ce qu'on allait le regarder bizarrement, est-ce qu'il pourrait faire taire cette voix qui lui soufflait combien cette petite soirée s'annonçait tumultueuse. Ce fut une chance de sentir son téléphone vibrer dans sa poche, il chassait ses pensées dérangeantes pour l'extirper de son pantalon et observait le message qui s'affichait sur l'écran. Un sourire idiot prenait vie sur la courbe de ses lèvres, soulignant à quel point ces questions n'étaient qu'éphémères, qu'il ne suffisait que de sa présence pour atténuer ses angoisses les plus profondes. Il le verrouillait et le rangeait, prenant son mal en patience en se disant qu'il ne tarderait plus, qu'il serait bientôt là et que tout se passerait très bien. Ce n'est qu'en le voyant arriver vers lui que son coeur se sentait déjà plus léger, comme un si un poids venait de lui être retiré des épaules. Jonah abaissait son masque sur son menton, laissant alors une pleine visibilité sur ce sourire béat qui vivait sur ses lèvres ; c'était automatique, Efrain apparaissait dans son champ de vision et il avait tout de suite l'air d'un imbécile heureux. Il profitait pleinement de ce baiser déposé sur sa joue, bien qu'il aurait désiré plus – il y avait toujours beaucoup trop de monde autour. « Je ferais une leçon de morale à ta salle de bain la prochaine fois que je la verrais », déclarait-il avant de le détailler du regard un instant ; « mais ça valait le coup d'attendre », lâchait-il avant de se mordre la lèvre inférieure, ce qui prouvait à quel point Efrain avait toujours un effet particulier sur sa personne. Jonah venait doucement tirer sur la manche de son camarade pour l'entraîner avec lui dans le parc, laissant émaner un léger ricanement - « je crois qu'on a ce qu'il nous faut pour les cinq prochaines années alors, parce que j'ai pris mal de trucs aussi », comme quoi, ils se ressemblaient encore un peu, malgré tout ce qui avait pu se passer. « Je te préviens, c'est un de mes films préférés alors si par malheur la personne devant nous me tape sur les nerfs, je risque fort de lui en mettre une », annonçait l'étudiant avant qu'ils n'arrivent sur les lieux même de la projection. « Tu préfères qu'on se mette où ? », demandait-il, les yeux posés sur Efrain.

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J’ai horreur de cela, être en retard. C’est quelque chose qui me donne envie de frapper les autres en temps normal, parce qu’il n’y a rien de plus désagréable que d’attendre comme un bouffon. Vous vous rendez compte du temps que l’on perd chaque jour à patienter ? Imaginez-vous ce que l’on pourrait faire de toutes ces minutes grapillées par ici et par là ? Je sais, le genre de réflexions philosophiques à deux balles qui n’apporteront que des problèmes sans aucune véritable réponse. Je presse le pas, je donne tout pour ne pas faire attendre Jonah trop longtemps car je sais qu’il est comme moi, ô que oui, il m’attend peut-être déjà avec un sabre, une hache, une tronçonneuse, un couteau de cuisine ou… Tenez, peut-être même avec un économe pour que le plaisir de me réduire en miettes soit encore plus long. Je ne ralentis pas la cadence une seule seconde et m’élance à corps perdu jusqu’à ce point de rendez-vous fixé quelques heures plus tôt par le bel asiatique. Je débarque au milieu d’une foule qui se presse déjà à l’intérieur du parc pour se dégoter une bonne place et me lance dans un exercice casse-gueule d’analyse express de tous les visages que je croise. Je pourrais reconnaitre son parfum parmi des milliers dans l’obscurité, me fier au moindre mouvement pour retrouver sa silhouette mélangée à des dizaines d’autres mais là, privé d’une partie de mes capacités, je peine à le retrouver et dégaine mon téléphone. Pas le temps de tapoter sur cet écran tactile, mes yeux sont attirés par un masque qui se baisse… Mes yeux, ou ma poitrine qui se soulève alors que mes sens s’attèlent à résoudre le mystère avant même que mon esprit se soit réveillé. Il est là, droit devant. Mes lèvres s’écarquillent, elles remontent jusqu’à mes oreilles. Je suis tellement heureux qu’il soit là. Premier réflexe après un furtif baiser sur le visage, m’excuser pour l’attente odieuse qui lui a été imposée. « N’hésite surtout pas, cette biatch a trop pris la confiance. Elle ne veut plus rien entendre depuis quelques temps. D’ici peu de temps, j’suis sûr qu’elle va tenter de m’électrocuter pendant que je suis sous la douche ou quelque chose d’encore plus sadique !!! Je crains pour ma vie ! » Comment forcer le trait et partir très loin alors qu’il ne s’agissait au départ que d’une excuse. Il me complimente et je sens mes joues légèrement se colorées. Pas tant parce que je suis gêné, la gêne ça ne me connait pas, mais plutôt parce que je suis… Comblé et heureux de l’entendre dire cela. Son avis compte tellement, plus que celui de n’importe qui d’autre à ce jour. Il me traine à l’intérieur du parc et j’en profite pour faire le bilan de ce que j’ai apporté. « Si les éléments se déchainent et que l’apocalypse démarre subitement, on aura au moins de quoi tenir quelques temps ! » On ne sait jamais, j’ai maté beaucoup trop de films d’aliens, de zombies et autres créatures bizarres pour savoir que la situation échappe à tout contrôle dès que l’attaque démarre dans un lieu public, bondé de monde. Je pouffe de rire en imaginant Jonah se ruer sur un pauvre quidam beaucoup trop critique envers son film préféré. « Je te retiendrais, c’est promis ! » Je lui adresse un clin d’œil complice et me lance à la recherche d’une place qui me conviendrait. Je repère, un petit peu plus loin, une petite étendue d’herbe où nous devrions être tranquilles. « Suis-moi ! » Premier réflexe naturel qui, faisant d’une pierre deux coups, testera la capacité du jeune homme à s’afficher sans aucune gêne à mes côtés : je lui prends la main pour le mener à l’endroit que j’ai repéré. Un contact que j’ai quotidiennement avec des tas d’amis mais qui demeure très facilement connoté vu de l’extérieur. Je prépare une première couverture que j’étale à même le sol et l’invite à me rejoindre. « Viens-là ! »

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L'observer durant son argumentaire voué à remettre la faute sur une simple salle de bain, il se laissait doucement couler dans sa pleine contemplation, tel qu'il regarderait n'importe quelle œuvre d'art. Son coeur prenait le dessus sur sa volonté et il se laissait simplement bercé par les traits qui lui faisaient face, se noyant dans un océan de songes dont tous redoublaient d'efforts pour le faire davantage tomber pour cet homme avec lequel il avait déjà vécu bien des choses. « C'est bon, ça va, je m'occuperais de lui régler son compte la prochaine fois », prochaine fois – volontairement glissé dans la conversation pour faire savoir à Efrain qu'il comptait le revoir, lui sourire à nouveau, l'effleurer, sûrement le taquiner aussi, parce que ces moments là étaient l'entière raison de cette bonne humeur toute récente qui l'accablait et ne désirait pas le laisser tranquille. Extirper de sa bulle de cristal par des propos frôlant presque le ridicule, un rictus venait s'installer à la commissure de ses lèvres, prêt à camper là jusque la fin des temps. « Ça me va, je me suis préparé à ce phénomène toute ma vie, je suis prêt pour une apocalypse avec toi », affirmait-il d'un ton qui se voulait solennel mais lui qui peinait à rester sérieux, c'était assez compliqué de maintenir une certaine crédibilité. Quoi qu'il en soit, il ne perdait pas une minute de plus et préférait continuer cette conversation en entamant le chemin en direction du lieu de projection, en plein parc. « Ne ris pas, je suis très sérieux, j'ai déjà mis une droite à quelqu'un parce qu'il avait critiqué la fin d'un film que j'adore », et le pire finalement, c'est qu'il était bel et bien sérieux. « Non mais je t'assure, je veux dire, j'y connais rien en médecine, je vais venir te voir en te disant que la neurochirurgie c'est ce qu'il y a de plus facile dans le métier, que je comprends pas pourquoi certains chirurgiens se ratent en beauté, t'aurai très envie de me frapper, c'est normal, tu vois ? ils y connaissent rien et ils viennent débattre avec moi d'un sujet qu'il savent pas gérer eux-mêmes, moi ça me rend dingue », beaucoup trop impliqué, sûrement. Disons que donner vie à un film c'était un rêve de gosse, d'où ses études à Harvard, alors les petits génies qui étudiaient les sciences et qui venaient lui parler de réalisation bateau, de scénarios bâclés ; très peu pour lui. Afin ce clore le sujet qui fâche, du moins qui le fâchait seul, il proposait de s'installer, ce à quoi Efrain l'incitait à le suivre en se saisissant par la main, lui arrachant presque aussitôt l'envie de devenir invisible aux yeux d'autrui. Jonah essayait de ravaler cette haine contre les contacts physiques en public, contre ce dégoût à l'égard de sa propre personne à la simple pensée d'avoir autant de mal avec quelque chose d'aussi insignifiant. Ça va aller, ne cessait-il de penser en boucle, il fallait qu'il s'adapte, qu'il se fasse à l'idée qu'il allait certainement être testé plus d'une fois au cours de cette soirée. Afin d'extraire ces vagues nocives de son esprit, il serrait sa main en retour, ne prenant pas en compte le fait qu'il y allait peut-être un peu trop fort. Ce n'est que lorsqu'ils s'arrêtaient à l'emplacement voulu qu'il lâchait doucement la main d'Efrain pour le laisser installer une couverture sur laquelle il venait le rejoindre, s'asseyant en tailleurs à ses côtés ; « me voilà captain ». Aussitôt installé qu'il fouillait dans son sac pour en sortir une petite bouteille au liquide bleue qu'il venait lui tendre ; « Ma mère m'a ramenée des trucs de Séoul, faut que tu goûtes cette merveille », les petits plaisirs qui n'existaient pas en Amérique et qui lui manquait terriblement, dont le jus de myrtilles-fraises dont il raffolait – à vrai dire, tout ce qui était à base de myrtille devenait obligatoirement son péché mignon. « Inutile d'essayer de lire l'étiquette, tu sauras pas à base de quoi c'est constitué tant que tu ne l'auras pas goûté ».

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Je remets allègrement la faute sur ma salle de bain. Parce qu’il n’y a aucune autre explication logique à un tel retard, n’est-ce pas ? Je ne vais surtout pas admettre à haute voix que j’étais complètement perdu, incapable de me décider entre dix mille fringues, encore plus paumé à cause d’un désir vraiment étrange d’apparaitre sous mon plus beau jour. Impressionner Jonah, ce n’est pas chose facile. Nous n’avons jamais fait les choses correctement tous les deux, les dates ça ne nous connait pas. Lorsque je l’ai rencontré pour la première fois, on a gentiment flirté, je l’ai laissé mariner un moment, à répondre à ses messages, à ses sollicitations sans pour autant daigner lui donner ce dont il rêvait réellement : mon corps. Ce n’était que sexuel au départ, la tentation a fini par prendre là-dessus et je l’ai laissé gagner. Un trophée supplémentaire sur son armoire, c’est ce que je pensais être pour lui jusqu’à ce que les choses s’emballent. Une telle proximité intime, un tel feu d’artifice sexuel… Ce n’est tout simplement pas quelque chose sur lequel tu craches. L’enfoiré m’a sacrément rendu accro, je crois même être tombé avant lui à ce petit jeu. Casual, les sentiments qui s’emballent, le palpitant qui continue de battre la mesure après l’orgasme, lorsque la folie redescend et que vient généralement le moment dans une relation purement basée sur le cul de s’éloigner pour éviter la gêne… Les discussions sur l’oreiller, les délires… Notre histoire s’est construite à l’envers, partie du corps pour atteindre l’esprit et le cœur. Aujourd’hui, j’aimerais faire les choses différemment et inverser le processus. Pourquoi ? Pour lui montrer que je ne suis pas le connard qu’il pense avoir percé à jour le soir où je l’ai abandonné. J’ai beaucoup de choses à me faire pardonner, mais plus encore, j’ai une infinité de choses que j’aimerais pouvoir partager à ses côtés. J’assume donc mon retard, le fait d’avoir voulu mettre toutes les chances de mon côté pour lui plaire, pour qu’il ne voit personne d’autre que moi au milieu de cette foule, pour qu’il soit fier de s’afficher à mes côtés. Je sais bien que le problème n’est pas là, il n’a pas honte de moi, il est juste tellement pudique… Se montrer au reste du monde, avec un homme qui plus est, c’est probablement l’un des plus gros challenges qu’il aura à relever. « Génial, mais faudra pas trop tarder… Ma salle de bain, elle commence sérieusement à prendre la confiance… J’crains pour ma vie ! » Petit air tristounet pour forcer le trait un peu plus encore, comme si une salle de bain pouvait s’avérer aussi diabolique. Quoique… Quand on voit certains films d’horreurs où les miroirs peuvent te tuer à travers ton reflet, les conneries du genre, tout est possible hein. Le plus tôt sera le mieux… Et pas seulement pour ma salle de bain. Trop de temps passe à chaque fois, entre la soirée et notre confinement en fac de médecine, entre cette fameuse journée et cette sortie en plein air… Je ne supporte plus la distance, elle est terriblement douloureuse. « Parfait, je compte sur toi pour être la tête pensante de notre binôme pendant que je massacre du mort vivant, du monstre bien dégueulasse… » Mon cœur se soulève lorsqu’il utilise le simple terme avec toi. C’est sacrément spécifique comme indication, n’est-ce pas ? Il ne s’est pas préparé à l’apocalypse, il s’est préparé à l’apocalypse avec moi ! Je me mordille la lèvre en étouffant un sourire du mieux que je peux, parce que je ne veux pas que mon visage me trahisse à nouveau, pas tout de suite. C’est trop peu concret pour cela. Nous traversons le parc, à la recherche d’une bonne place à investir, et je dois reconnaitre que les arguments de Jonah ont un sens. Ils sont recevables. « Tout à fait d’accord, mais crois-tu vraiment qu’avoir recours à la violence leur permettra de s’élever intellectuellement ? Parce que j’en doute fort… Comme je doute que de simples explications, en ce qui concerne la médecine, puissent soudainement leur faire adopter un autre regard. » Ce sont ces mêmes personnes qui prétendent que les professeurs ne devraient pas se plaindre parce qu’ils ont les vacances scolaires, ceux qui jugent tout et n’importe quoi parce que tel ou tel label est rattaché à une œuvre, à une pensée, à une idée… La société est faite de la sorte, de contradictions que l’on te balance au visage en permanence et qui te donnent envie de tout casser. « Le mieux, c’est de prétendre que ces gens n’existent pas, parce qu’ils n’en valent probablement pas la peine ! Pas s’ils sont incapables d’entendre tes arguments, même s’ils ne sont pas forcément en accord avec eux ! » Je sens Jonah en difficulté dès lors que ma main agrippe la sienne et que nos regards croisent ceux d’autres personnes présentes dans le parc. Je ne capte aucune vibe un tant soit peu foireuse, je ne vois personne en train de juger ou même de réellement s’intéresser à nous deux mais Jonah… Ses doigts se resserrent progressivement contre les miens, à tel point que j’en viens même à douter d’avoir encore du sang qui circule dans cette partie de mon corps. Je le laisse faire et me contente de susurrer calmement. « Respire, tout va bien ! » Il est libéré de cette première épreuve lorsque je me détache de lui pour pouvoir préparer une couverture sur laquelle nous passerons l’intégralité de la soirée. Il se joint à moi, en tailleur, et dégaine une première boisson qui pique ma curiosité. « Il n’y a pas d’alcool, hein ? Tu promets ! » Il le sait, je ne bois qu’à de très rares occasions. L’alcool, au même titre que les drogues, ça n’apporte rien d’autre que la destruction à mes yeux alors forcément… Je m’inquiète, un petit peu.