« Où suis-je? » murmurais-je alors que j'ouvre difficilement les yeux. Que s'est-il passé ? Tant de questions se bousculaient dans ma tête mais je n'avais aucune réponse, hormis une douleur difficilement supportable... Finalement, au prix de plusieurs minutes de lutte contre mes douleurs, je parviens à ouvrir les yeux et je constate que je suis dans une chambre d'hôpital. Et là, la première question qui me vient de nouveau à l'esprit, c'est Qu'est-ce que je fous ici... Je ne me souviens de rien pour le moment et c'est horrible, mais je sens pertinemment qu'il s'est passé quelque chose de grave. Mais quoi exactement ? Peut-être que ma fiancée me le dira ! « Leslie? » demande-je d'une voix aussi faible qu'un murmure tout en essayant de me redresser, mais j'ai trop mal. Heureusement que je découvre ma beauté qui dormait contre mon lit d'hôpital tout en tenant ma main... Celle qui n'était pas bandée ! Et c'est là que tout me revient en mémoire ! Or ce genre d'images vient aussitôt avec un dégoût insurmontable mais je n'arrive pas à vomir... « Mon cœur, réveilles-toi. Je suis là... ». Combien de temps suis-je resté inconscient ?

Ca fait deux jours. Deux trop longs jours que t’as pas entendu le son de sa voix, que t’as pas senti ses caresses sur ta peau, que t’as pas entendu ses je t’aime. Deux jours durant lesquels on t’a séparé de lui, de l’être que t’aimes le plus au monde. T’as pu quitter ta chambre qu’hier pour te retrouver dans la sienne, auprès de lui. Les médecins t’ont fait passer toute une batterie de test suite à ce qui t’est arrivé et ils t’ont demandé de te reposer, de ne pas bouger, au risque de perdre ton bébé. Comme tous, t’as subi énormément de stress, davantage encore lorsque l’infirmière t’a parlé de l’état de ton fiancé. T’as craqué, t’as pleuré, t’as crié. T’as difficilement supporté de le savoir dans le coma, quand bien même on te disait que les chances qu’il s’en sorte étaient bien là. T’es probablement eu énormément de chance de ne pas faire de fausse couche après tout ça, et tu t’estimes heureuse. T’as eu besoin de le sentir contre toi, d’attendre qu’il se réveille enfin. Alors t’es allée le rejoindre dans sa cambre, dormant tantôt sur un fauteuil, tantôt dans son lit contre lui. T’es fatiguée, t’es épuisée, ton visage est marqué par les soucis. Une voix particulièrement faible vient d’ailleurs te sortir de ton sommeil dont t’as du mal à émerger, une voix qui te rappelle étrangement celle du norvégien. Lorsque tu relèves la tête, tu l’observes un instant silencieusement, comme si tu tentais de t’assurer qu’il est bien là. Ta main se resserre finalement sur la sienne et tu sens tout un flot d’émotions te prendre, tes yeux s’humidifiant quelque peu. « Magnus… » murmures-tu à ton tour. Ta main libre vient se poser sur son visage que tu caresses délicatement. « Je… je suis tellement heureuse de te retrouver… » Deux jours d’incertitude, ça a été trop pour toi.

Après de longues minutes de lutte contre une douleur inexplicable, je parviens enfin à ouvrir les yeux et je découvre avec effarement que je me trouve actuellement dans une chambre d'hôpital. Sur le coup, je ne comprends pas trop ma présence en ces lieux mais un simple coup d'oeil sur ma main complètement bandée me permet de réaliser que j'ai été transporté à l'hôpital suite à l'attentat... Sauf que je n'ai pas du tout la notion du jour ! J'ignore quel jour nous sommes et mes souvenirs de l'attaque demeurent complètement flous... Mais au moins je me souviens de ma fiancée et la voir dormir à côté de moi me fait un bien fou. Du coup, je la réveille doucement – je n'ai pas le choix avec ma voix aussi faible qu'un murmure de toute façon – et la jolie américaine me serre aussitôt la main, en exprimant sa joie de me retrouver. Elle me caresse doucement le visage alors que j'essaie de sourire mais mon corps est encore bien crispé par la douleur donc ça ne devait pas être joli ce sourire. « Je t'avais promis... Que je ne vous abandonnerais jamais... Le bébé et toi... » réponds-je d'une voix bien saccadée avant de rajouter : « Combien de temps suis-je resté inconscient... ? »

Entendre sa voix, constater qu’il a bien les yeux ouverts, ça te fait un bien fou. T’es soulagée de savoir que les médecins n’avaient pas tort et que l’espoir était bien là, qu’on ne t’avait pas menti. Ta main se resserre doucement sur la sienne tandis que tu viens caresser son visage de ton autre main, délicatement. Les larmes aux yeux, ses paroles t’arrachent pourtant un souvenir. C’est vrai, il te l’avait promis. Et il a tenu sa promesse, heureusement pour vous trois. T’aurais été incapable de perdre une nouvelle fois un être cher, ou peut-être même deux. Parce que si t’as eu de la chance de ne pas perdre votre enfant durant l’attentat, t’es certaine que si Magnus ne s’était pas réveillé, tu les aurais perdus tous les deux. Ton regard doux se plonge dans le sien lorsqu’il te demande depuis combien de temps il est là. « Ca fait deux jours, Magnus… » lui réponds-tu difficilement. « Est-ce que… tu te souviens ? De ce qui s’est passé ? » Toi, t’as que quelques maigres bribes de souvenirs. Tu t’es revue au sol, incapable de bouger, paralysée par la peur et surtout le souffle court, le cœur qui s’emballe et puis, plus rien.

Je suis passé à ça près de la mort quand même, et ce n'est pas la première fois. Il y a eu cette opération militaire où j'ai perdu Katja et tant d'autres soldats sous mon commandement... Les interventions ratées depuis que je suis pompier dont la dernière date du 30 décembre 2018... Et maintenant ce terrible attentat où j'ai vraiment failli tout perdre ! Rien que d'y penser, j'en ai encore plus mal à la tête mais au moins, j'ai les yeux ouverts maintenant et je voyais ma fiancée toute soulagée de me retrouver. Du coup, je lui demande doucement combien de temps suis-je resté inconscient et Leslie me répond difficilement que cela fait deux jours, puis elle me demande si je me souviens de ce qu'il s'est passé... « Je me rappelle juste que c'était le chaos... Que je t'ai protégée je crois... Ensuite tout est flou » admets-je alors que mon regard devient plus triste qu'avant. L'envie de pleurer est forte actuellement mais je me retiens. « Comment allez-vous, le bébé et toi ? » m'inquiète-je auprès de ma fiancée tout en l'attirant doucement dans mes bras.

La gorge nouée, tu te demandes s’il a des souvenirs de ce qu’il s’est passé malgré ses deux longs jours d’inconscience totale. Toi, t’en as si peu que t’estimes ne pas en avoir du tout. En tout cas, ils te permettent pas de comprendre ce qui vous est arrivé ce jour-là. T’as entendu quelques témoignages dans les couloirs de l’hôpital, certaines discussions entraient dans ta chambre et dans celle de Magnus. T’as bien compris qu’une bombe a explosé à tout juste quelques mètres de vous, que certains sont morts, d’autres grièvement blessés. Et tu t’estimes chanceuse de n’avoir rien eu de plus que tout ça. Par contre, pour ton fiancé, c’est une toute autre histoire… « J’ai pas de souvenir… du moins, à part le fait de m’être retrouvée au sol, incapable de bouger, presque incapable de respirer… » Rien. Il finit par te demander si vous allez bien, le bébé et toi. Tu sais pas si t’es censée lui dire que t’es passée si proche de le perdre que t’en as encore mal au cœur… mais peut-être qu’il faut. « Je vais bien… » lui réponds-tu en laissant un court silence s’installer avant d’inspirer un grand coup, ton regard fuyant le sien pour fixer le mur. « J’ai bien failli le perdre Magnus… les médecins m’ont dit que je dois avoir un ange-gardien pour ne pas avoir fait de fausse couche… Ca me fait mal. J’ai mal au cœur. » Tu soupires, l’impression qu’on t’a encore arraché un bout de toi alors qu’il est bien là, au creux de ton ventre. Que son père a su le protéger plus que tu ne l’as fait.

Deux jours... Je n'arrive pas à croire que je suis resté aussi longtemps inconscient et surtout, je me demande comment j'ai fait pour survivre. Probablement ma volonté d'être aux côtés de ma fiancée et notre enfant ! Oui il n'y a que ça qui aurait pu me faire rester en vie, parce qu'au vu de ce qu'il s'est passé, je devrais être au paradis à l'heure actuelle... Fin bref, j'avoue à Leslie que je n'ai quasiment pas de souvenirs de ce qu'il s'est passé ce jour-là à part l'explosion mais après c'est le néant complet dans ma tête. Et de toute façon, je n'ai pas du tout envie de m'en souvenir parce que c'est juste horrible... Tous ces morts, ces cris, cette fumée, ce chaos total ! Non je n'ai pas envie de m'en rappeler ! Leslie me raconte qu'elle n'avait pas non plus de souvenirs à part qu'elle s'était retrouvée au sol... « Le principal c'est que nous soyons en vie... » murmure-je doucement en caressant la joue de ma fiancée, puis je lui demande comment elle allait ainsi que notre enfant qui grandissait en elle. Au vu de sa réaction, je me doute direct qu'il s'est passé quelque chose et en effet, elle m'avoue qu'elle a failli faire une fausse couche. Je déglutis légèrement avant de l'attirer dans mes bras, même si ça m'oblige à faire des mouvements qui me font un peu mal. « Je ne peux qu'imaginer ce que tu as ressenti ma chérie... » je ne savais tellement pas quoi dire, donc je me contente de caresser tendrement son ventre. « Bonjour bébé, c'est Papa... Je voulais te dire à quel point maman et moi, nous sommes fiers et heureux de t'avoir. Nous espérons que tu deviennes une personne forte et remarquable, heureuse et pleine de vie »

Peut-être qu’au fond c’est mieux de pas avoir de souvenirs de cet attentat, peut-être que t’avanceras plus facilement sans avoir d’horribles images qui te reviennent sans cesse à l’esprit. T’as probablement eu énormément de chance d’avoir Magnus à tes côtés ce jour-là, parce que nul doute que t’aurais perdu votre enfant dans d’autres circonstances. Surtout s’il ne t’avait pas protégée de son propre corps, c’est probablement toi qui te serais prise une balle. Probablement dans le ventre, contrairement à celle qui n’a fait qu’effleurer ton épaule. Pourtant, lorsqu’il te demande comment vous allez, le bébé et toi, tu te sens mal. Toi, tu supposes que ça va physiquement, mentalement moins. Mais t’as eu peur pour cet enfant qui n’a encore une fois rien demandé et que t’as une nouvelle fois failli perdre. Tu l’aurais pas supporté, clairement. Ton fiancé t’attire dans ses bras et déjà tes yeux s’humidifient par l’émotion que toute cette situation te procure, loin d’être positive. Tu ne dis pas un mot, silencieuse, les yeux clos pour retenir ces émotions. Pourtant, lorsqu’il glisse sa main sur ton ventre et parle à votre bébé, tu ne peux réprimer un léger sourire. Ca te fait du bien, de le retrouver et de le voir ainsi. « Il est déjà très fort, ce petit bout… j’ai hâte qu’il soit là, Magnus. J’ai vraiment peur qu’il lui arrive quelque chose… » lui avoues-tu finalement. Après avoir perdu ton premier enfant, tu pensais avoir réussi à surmonter ton chagrin mais celui-ci ne fait que te rattraper depuis quelques semaines. Tu fais régulièrement des cauchemars où tu perds votre enfant, ta propre chair. « C’est comme si j’avais un mauvais pressentiment… » Tu sais pas pourquoi, mais ça te semble trop beau.

A l'heure actuelle, je n'ai pas vraiment envie de me remémorer ces mauvais souvenirs sur l'attentat parce que je suis encore convalescent et je pense que je risque de retourner dans le coma si ça arrive. Je le sens bien que mon cœur ne retrouve pas encore pleinement son rythme normal, j'éprouvais une certaine terreur au plus profond de mon âme. Mais la présence de ma fiancée parvient à me calmer, parce que ça me rappelle aussitôt ma promesse faite à la jeune femme... Je ne les abandonnerais pas, notre bébé et elle parce que je les aime plus que tout au monde. Ce sont mes plus précieux trésors aujourd'hui ! Du coup, je me suis inquiété de l'état de ma petite amie et de notre bébé mais quand elle se met à parler de celui-ci, les yeux de Leslie deviennent humides tandis qu'elle avoue qu'on a failli le perdre. Alors je la prends aussitôt dans mes bras malgré la douleur que ça me procure, mais il faut que je soutienne ma fiancée du mieux possible. « Moi aussi j'ai hâte qu'il soit là. Et il ne lui arrivera rien, parce que tu ne seras pas seule à le protéger. Je serais là... Je ne laisserais plus personne vous faire du mal ! Je veillerais sur vous deux, et peu importe mon état actuel » dis-je en lui caressant doucement la joue, même si je ressens aussi cette peur mais je me doute que ça doit être encore plus difficile pour elle vu qu'elle a déjà fait une fausse couche. « Tout ira bien... Je l'espère de tout mon cœur. »

Perdre ton bébé une nouvelle fois, tu le supporterais pas. Tu sais aucunement dans quel état tu te retrouverais mais ce serait pire encore que la première fois, qu’il y a près de trois ans plus tôt. Tu fais d’ailleurs part de tes craintes à ton fiancé, espérant sincèrement que rien n’arrive et que votre enfant se porte bien. Comme il le peut, il tente de te rassurer en te disant qu’il n’arrivera rien et qu’il sera là pour le protéger. Sauf que ça ne marche pas, ça ne te rassure pas. Flavio aussi était là et pourtant, il n’a rien pu y faire et personne n’aurait pu le sauver. Magnus caresse ta joue et tu fais une légère moue attristée, trop peu sûre que tout se passe bien. « J’ai peur, chaton. Vraiment peur. » avoues-tu une nouvelle fois en déposant délicatement ta tête sur son épaule, fermant les yeux. T’es tellement pessimiste que tu risquerais toi-même de te porter malchance.