Un mois était passé. Un petit mois qui avait révolutionné la vie de Caleb, car d’homme célibataire, il passait à homme prêt à être père. Il avait même invité Roxanne dans son appartement pour qu’elle y reste, et vu la situation à venir, ils allaient devoir habiter ensemble plutôt rapidement. Aujourd’hui, c’était un jour particulier. Roxanne avait pris rendez-vous avez son échographiste, et ils allaient découvrir le sexe du bébé de Rox… De son bébé aussi. Et Caleb était surexcité. Il sautait de partout, presque. Il avait préparé un smoothie détoxifiant qu’il avait posé sur le plan de travail. « Bois ça. Il paraît que ça favorise la croissance du cerveau reptilien. » Il était devenu un expert. Il lisait des trucs sur internet sur le développement de l’enfant, sur les méthodes d’éducation, sur le développement hormonal de la femme etc. Alors maintenant, il voulait prendre soin de Roxanne, qu’elle vive une grossesse paisible pour le début pourri qu’elle avait eu. Maintenant au moins, elle pouvait se reposer sur lui, et bon dieu qu’il était déjà fou amoureux d’elle. Il aimait déjà cet enfant. « Au fait, j’ai pensé à Jake, pour un garçon, t’en penses quoi ? » Il mit une bâtonnet de carotte entre ses dents pour le grignoter tout en mettant ses chaussures. « Et ma sœur veut te rencontrer ce soir, c’est possible ? » Un clac qui résonnait dans sa cavité buccale.

Je suis heureuse comme je l'ai pas été depuis tellement de temps. Folle amoureuse de Caleb, sur le point d'emménager avec lui. J'suis plus cette gamine banale et insécure, en quelques semaines je suis devenue une femme, je vais être maman et je réalise enfin ce que ça veut dire.  Et j'ai trouvé un papa. Aujourd'hui, échographie. Le gynéco m'avait dit la dernière fois qu'on devrait pouvoir connaître le sexe du bébé. Je passe à l'appartement de Caleb, où je devrais bientôt établir résidence. Sur le plan de travail, un smoothie survitaminé. "Bois ça. Il paraît que ça favorise la croissance du cerveau reptilien." Je pouffe de rire en trempant mes lèvres dans le jus, mmmh c'est bon. C'est sûr que ça doit être meilleur que les clopes et la bouteille, depuis qu'il est là je fais attention. "Le cerveau reptilien ? J'enfante un bébé serpent ?" Je demande en riant. Il passe près de moi, je lui vole un baiser, les lèvres parfumées à l'orange et au kiwi, du smoothie autour de la bouche. Mon expert en bébé. Il passe sa vie à traîner sur des sites de médecine, de jeunes mamans, de conseils de parents aguerris. Il est plus prêt que je ne le suis, tant mieux, il sera là pour m'épauler. Je sais pas comment j'aurais fait toute seule. "Au fait, j’ai pensé à Jake, pour un garçon, t’en penses quoi ?" Un bout de carotte qui craque entre ses dents. Je réponds pas tout de suite, les yeux écarquillés. C'est fou quand même, quand on y pense. Un soir je rencontre l'homme de ma vie, il accepte de devenir papa, de se traîner un boulet comme moi toute sa vie. On est qu'au troisième mois de grossesse, il peut encore se rendre compte que c'est de la folie, m'abandonner, s'enfuir loin. Mais je lui fais une confiance aveugle. Je finis mon smoothie et hoche la tête alors qu'il est déjà en train d'enfiler ses baskets. "Oui, Jake j'aime bien." Je le rejoins jusque dans l'entrée d'un pas lent, passe ma main sur mon ventre qui commence à s'arrondir. "Si c'est un petit garçon..." Je répète en souriant. J'ai longtemps voulu un petit mec. Tous les petits garçons sont amoureux de leur maman non ? Je me disais que ça serait peut-être plus facile. Maintenant je ne sais pas. Je veux un enfant. Je me baisse péniblement, enfile mes bottines. Caleb est déjà fin prêt, emmitouflé, prêt à faire feu. Ohla, ohla, du calme. "Et ma sœur veut te rencontrer ce soir, c’est possible ?" Oh Speedy Gonzalez, j'suis enceinte et fatiguée, laisse moi le temps de penser. Je remonte vers lui, bottines au pied, sourire gaga, je lui refais un petit bisou parce que je suis accro à ses lèvres, une ado amoureuse j'vous jure. "Je serais honorée de rencontrer la petite famille Edelstein." Espérons que ça se passe mieux que les rencontres avec ma mère qui avaient été glacées. De toute façon, quoique je fasse, ça n'allait pas. Puis un type qui m'encourageait à garder le bébé qu'elle rêvait de me voir abandonner, ouh ça non, ça ne plaisait pas à Mrs Rosemary Bates. On se retrouve dans la rue, je me rue jusqu'à la voiture de Caleb -eh non, pas la mienne, le permis mais toujours pas de caisse à moi-, c'est qu'il fait froid dehors. Je m'assieds, boucle ma ceinture. Et puis je le regarde, un bisou allez encore un, juste parce que je suis trop amoureuse. "Je dors chez toi ce soir ? Après la rencontre avec ta soeur je veux dire."

Elle est  belle, sa copine. Elle est joyeuse, elle a le visage rose et le sourire tout le temps fiché sur ses lèvres. Caleb, lui, il porte le bonheur dans tout son être, et même si la situation est atypique, il ne l’échangerait pour rien au monde. Il avait attaché ses cheveux en arrière car il se concentrait étrangement mieux comme ça, et il frottait légèrement son manteau. « Je sens que ça va être un garçon, j’sais pas pourquoi. » Il se voyait courir dans de l’herbe, envoyer un ballon dans les arbres et allait le rechercher parce que ce petit Jake pleurait de peine. Il se voyait bricoler avec lui sur sa voiture pour la rendre plus performante, un peu cliché, mais tellement idéaliste. Il voyait un monde avec ce fils à naître. Et puis, si c’était une fille… Ne dis-t-on pas que les filles ont une relation fusionnelle avec leur père ? Finalement, ils montent tous les deux dans la voiture, et Caleb s’installe au volant, tournant le bouton vers le rouge pour avoir un peu plus de chauffage, car il était vrai qu’il ne faisait pas chaud à l’extérieur. De la condensation sortait de leurs bouches respectives et Caleb se frottait le bout du nez pour tenter de le réchauffer. Il récupérait tous les baisers de Roxanne qu’elle venait lui voler avec un sourire plaqué sur ses lèvres à chaque fois. Il pose une main sur la cuisse de Roxanne et l’autre sur le volant. Il allume la radio pour mettre la musique en fond de caisse et il se met à rouler. « Petite ? Tu vas crouler sous les questions. Surtout d’Anouk. » Il se mit à rire un peu et il leva les yeux au ciel. « Ca m’étonnerait que les garçons te parlent. Ils ne vont juste pas comprendre. Ma mère… pfiouuuu laisse tomber, elle sera sûrement trop défoncé aux anxiolytiques. » Il hausse les épaules en bifurquant dans une grande rue. « Oui, carrément. Mais il est temps que t’arrêtes de me le demander, tu crois pas ? » Puis il passe une main derrière pour récupérer quelque chose dans sa poche, et il en sortit un tout petit paquet. « C’est pas grand-chose, mais… tiens, voilà. » Dans le bout de papier, il y avait deux clés. Une grande, avec un porte clé en forme de poisson qui était celle de l’appartement, et une autre plus petite, qui était celle de la boîte aux lettres. « J’ai eu le temps de passer chez le serrurier, et… ben j’ai profité pour faire ça. » Il pinça les lèvres et se gara devant la résidence médicale de l’échographiste. Il regardait l’heure sur le cadran. Une vingtaine de minute d’avance, ils étaient larges. « Comment tu te sens ? »

"Je sens que ça va être un garçon, j’sais pas pourquoi." Je ris, je sais pas pourquoi, je ris tout le temps. Pas un rire chaud et franc, quelque chose de léger. C'est le bonheur qui s'échappe. Allez, on grimpe en voiture, le chauffage poussé à fond, frileuse que je suis. La main chaude de Caleb se pose sur ma cuisse, je frissonne au contact de sa peau brûlante contre mon jean glacé. Il met le contact et nous partons. "Petite ? Tu vas crouler sous les questions. Surtout d’Anouk." -"Arrête je vais avoir le trac." Je réponds en riant. "Ca m’étonnerait que les garçons te parlent. Ils ne vont juste pas comprendre. Ma mère… pfiouuuu laisse tomber, elle sera sûrement trop défoncé aux anxiolytiques." Il rit, a un ton léger mais je sais qu'au fond, ça le fait souffrir. Ma mère comprend pas non plus, persuadée que je suis folle à lier, entichée d'un boxeur. Mais au moins, elle est là pour moins, si je plonge, elle sera là, elle m'engueulera un coup mais au final, je suis encore sa petite puce, son bébé à protéger. Caleb c'est lui qui joue le rôle du protecteur, c'est lui qui panse les plaies. "Je suis désolée, pour ta mère." Je murmure alors qu'on bifurque, prenant la grande voie qui mène vers la clinique. J'attrape sa main posée sur le levier de vitesse et je la serre, caressant ses phalanges de mon pouce. "Oui, carrément. Mais il est temps que t’arrêtes de me le demander, tu crois pas ?" Je souris en haussant les épaules. Ouais, faut que j'arrête. "C'est que je veux pas abuser de ton hospitalité..." Je ris. Au feu, il vient fouiller sa poche, en sortir un petit écrin. Pas une bague de mariage, non. Un jeu de clés. "C’est pas grand-chose, mais… tiens, voilà. J’ai eu le temps de passer chez le serrurier, et… ben j’ai profité pour faire ça." Je glisse les clés dans ma poche, un sourire gaga aux lèvres. J'emménage chez lui, alors ? C'est tout comme. La moitié de mes fringues traînent déjà dans son placard, ma brosse à dents dans son évier. "Je vais pouvoir me réveiller tous les matins dans notre lit." Je glisse avec un petit sourire, l'oeil brillant alors qu'on se gare sur le parking de la clinique. Je vois que Caleb checke l'heure, on a encore vingt minutes avant la séance. Mine de rien, j'appréhende un peu, de savoir le sexe du bébé. Une fille ou un garçon ? Je devrais renoncer à l'un des deux, un des deux enfants que je m'étais imaginé. J'ai lu quelque part que la naissance c'était aussi un deuil. Le deuil du bébé fantasmé, celui qu'on a passé neuf mois à s'imaginer. Un deuil qui laisse un trou à combler avec tout le bonheur de la maternité. "Comment tu te sens ?" Je souffle, le regarde avec un petit sourire. "Un peu stressée... Tout se rapproche." Neuf mois ça semble long. Et pourtant, ces derniers moments d'insouciance s'écoulent à toute vitesse. Je hoche la tête de nouveau, ouais, un peu stressée. Je me détache, sors de la voiture pour m'engouffrer dans la clinique. Des murs jaunes pastels, une salle d'attente. Il y a une autre dame avec nous. La trentaine. Un âge sûrement plus normal pour avoir un enfant. A chaque fois, j'ai l'impression que l'on me lance des drôles de regards. Ma jeunesse, je la porte sur moi. On me donnerait dix-sept ans, avec mes tatouages de rebelle et pourtant je suis là, à jouer dans la cour des grandes, le monde des mamans.

Caleb savait que sa vie allait être chamboulé à l’arrivée de cet enfant. En fait, c’était surtout l’arrivée de cette petite femme qui avait décidé de mettre un bout d’elle au coeur de la vie de Caleb. Il avait envie de porter la Terre sur ses épaules, et de protéger cette famille qu’il était en train de construire. Il tournait proche d’une résidence et se garait enfin dans une rue où un monde fou circulait. Il coupa la radio, et se tourna vers Roxanne pour venir l’embrasser plusieurs fois sur les lèvres. Son bout de femme, à lui. Il était déjà comblé. Comment pouvait-on changer de vie du jour au lendemain comme ça, et le prendre avec une légèreté sans faille ? C’était sûrement l’euphorie, être au sommet de l’Everest et ne jamais en redescendre pour respirer l’air que Roxanne lui offrait tous les jours. Il sortit de la voiture pour venir lui ouvrir la porte et prendre sa main. « On est à deux, maintenant. Tout vas bien se passer et puis… tu vas faire une maman formidable, j’le sais ! » Il hausse les épaules en souriant et se dirige vers l’ascenseur pour rejoindre le cabinet de l’échographiste. « Il a un nom… le docteur Fish. Sérieux ? » Il alla dans la salle d’attente en laissant Roxanne allait se présenter à l’accueil, et il regardait autour de lui. Des femmes au ventre énorme, un truc impressionnant, avec parfois des enfants en bas-âge qui courait dans les bras. Combien en voulait-il ? Un ? Deux ? Déjà, il fallait que celui là arrive, et après il en rediscuterait. Puis Roxanne le rejoint et il attrapa sa main pour venir l’embrasser plusieurs fois, le regard amoureux. « Je suis fou de toi, Rox. » Et spontanément, il ne s’était même pas rendu compte des mots d’amour qu’il venait de sortir. Il aurait juste aimé qu’il passe à la trappe, un peu gêné. Il hausse à nouveau les épaules, réflexe constant qu’il fait à chaque fois qu’il n’est pas à l’aise. Rien de plus flippant et enivrant que toutes ces émotions. Parfois peut-être un peu trop débordant, mais il faisait avec, il avait signé pour. « Mademoiselle Bates, c’est à vous. » Et Caleb leva la tête vers le gars qui avait l’air un peu froid. Mais souvent, derrière ce genre de type se cachait une personne altruiste et profondément juste. Ils se levèrent tous les deux pour rejoindre le cabinet. « Prête, bébé ? » Il fit un immense sourire avec toutes ses dents et il attrapa la petite main de Rox dans sa patte d’ours.

"On est à deux, maintenant. Tout vas bien se passer et puis… tu vas faire une maman formidable, j’le sais !" J'ai le sourire jusqu'aux oreilles. Une maman formidable, si seulement. J'ai peur d'être trop jeune, de rien connaître de la vie. Puis j'suis encore étudiante, pas la meilleure fac du pays, je fais comment si je trouve pas un travail qui me permet de nourrir le petit ? Toutes ces questions qui me tourmentent, j'm'en bouffe les doigts parfois, à me dire que je serai jamais prête. Mais il est là maintenant, et ça me rassure. On prend l'ascenseur, débarquons dans la clinique du Dr Fish. Je souris, des petits yeux rieurs. Un nom rigolo ça détend l'atmosphère. Même pas le temps de poser mes fesses sur une des chaises en plastique de la salle d'attente, Caleb me prend la main, pose ses lèvres sur les miennes. "Je suis fou de toi, Rox." Je suis pivoine, rouge jusqu'aux oreilles. Je sens tous les regards de la salle d'attente se poser sur nous, ça m'intimide et d'un autre côté j'm'en fiche. Moi aussi, je suis trop folle de lui. Il hausse les épaules, s'assied, j'le sens un peu gêné tout d'un coup. Il veut les ravaler ses mots ? "Hé moi aussi, je suis frapadingue." Je lui murmure en m'asseyant près de lui, mes doigts qui se posent un instant sur son menton. Et je chantonne Elvis. "For I can't help falling in lo-oove with you." Tout doucement, personne ne peut m'entendre sauf lui, la mélodie se dépose au creux de son oreille alors que j'ai un petit rire léger. Je vis mon amour en musique que voulez-vous, j'suis devenue une comédie musicale, pour vous dire l'effet qu'il me fait. Le practicien débarque, stoïque. Je me tais. "Mademoiselle Bates, c’est à vous." Je me lève, exhale, quand faut y aller, faut y aller. "Prête, bébé ?" Je hoche la tête en souriant, réfugiant ma petite main dans sa grosse paluche. Je suis le Dr Fish dans la salle. Il nous fait un petit topo sur le progrès de ma grossesse, nous dit qu'on pourra peut-être voir le sexe aujourd'hui mais qu'il ne promet rien. Finalement, je m'allonge sur le fauteuil, relève mon tee-shirt alors qu'il pose une gelée glaciale sur mon ventre. Je tourne la tête vers Caleb qui se tient juste à côté, assis sur un petit tabouret, je lui attrape la main avec un petit sourire. Le médecin prend enfin la sonde et la fait glisser sur mon ventre. J'ai les yeux rivés sur l'écran, regarde, médusée, le petit corps gris qui s'anime. "Il est grand." Le docteur se retourne avec un sourire bienveillant. "Je dirais même plus qu'elle est grande." -"C'est une fille ?" je m'exclame, serrant la main de Caleb de plus en plus fort. "Je ne veux pas trop m'avancer mais il me semble que oui, regardez là entre ses jambes on peut deviner une fente." Il nous montre quelque chose mais l'image est tellement brouillée que je suis incapable de distinguer quoi que ce soit. Je le crois sur parole. Je me dévisse le cou à tourner la tête vers Caleb, les yeux crachant des étoiles. "Une petite fille." Je murmure, radieuse.

La salle était quand même chaleureuse. Il y faisait bon, et le médecin invita Roxanne à s’installer sur la table et il commença à tripoter son ventre pour prendre les mesures de sa grossesse, et constater si oui ou non il y avait une évolution linéaire. Caleb tentait de tout comprendre, récupérer le plus d’information possible pour être prêt le jour J et offrir à Rox toute l’aide dont elle aurait besoin à ce moment-là. Ils y allaient l’aveuglette, ni elle ni lui ne savait dans quoi ils mettaient les pieds. Au moins, ils apprendraient à deux à être des parents. Il installa le gel sur le ventre de sa petite-amie et il posa l’appareil. Il se baladait de part et d’autres de son ventre et prenait des mesures. Finalement, le docteur Fish fit la petite gaffe d’annoncer que c’était une petite fille. Roxanne demanda confirmation et elle tourna la tête vers Caleb… qui était resté figé. Il ne bougeait plus. Une petite fille… Il allait avoir une petite fille, une autre femme dans sa vie qu’il allait chérir du plus profond de son âme. Et même s’il n’y avait pas de lien de sang entre lui et ce bout d’être qui grandissait dans le ventre tout petit de sa chérie, il était déjà fou amoureux d’elle, peut-être même plus que Roxanne. Mais c’était légitime, non ? Il se reconnecta au monde autour, et il vient prendre la main de Roxanne qu’il embrasse plusieurs fois. « Une petite fille… » Etrangement, il était fier. Il allait être peur. Un jeune père, mais il allait se battre comme un lion pour qu’elle ne manque jamais de rien, ni Roxanne d’ailleurs, qui méritait toute l’attention et la féérie de ce monde. Elle avait dû être terrifiée ce jour où elle avait appris qu’elle était enceinte. Aujourd’hui, elle ne serait plus jamais seule. Il prit la main de Roxanne pour la mettre contre sa joue, les yeux rivés sur l’image en noir et blanc de la forme du bébé. « Et elle va bien docteur ? Son cœur ? » Il passa l’appareil en mode monitoring et à ce moment précis, des battements aussi rapide que la vitesse d’un colibri résonnèrent dans la petite pièce. « Oh… » Un sourire immense s’était fiché sur le visage du frisé, puis il se tourna enfin vers Roxanne pour la regarder. « T’es belle, mon dieu. Que t’es belle. » Il se releva pour l’embrasser plusieurs fois. Bas les couilles du médecin, il avait juste envie de lui faire l’amour toute la nuit en lui disant à quel point il l’aimait. Il se rassit pour regarder le cardiogramme. « On peut avoir des photos ? » Le médecin sourit. « Mieux. Vous pourrez avoir une vidéo. » Caleb remercia le médecin qui était déjà en train d’essuyer le gel sur le ventre de Rox. Caleb l’aida à s’asseoir et il la fit descendre de la table. « Le prochain rendez-vous, ce serait l’écho du deuxième trimestre. Allez à l’accueil pour choisir la date. »

"Une petite fille…" L'écho de ses mots dans ma tête. Il attrape ma main, la couvre de baisers. "Et elle va bien docteur ? Son cœur ?" Je retiens mon souffle alors que le médecin passe l'appareil en mode monitoring. Les battements de son coeur, son coeur qui frappe. Vite, tellement vite. Je me mords les lèvres, j'ai le menton qui tremble, des petites larmes qui perlent dans le coin de mes yeux. Toute l'appréhension s'envole. Je suis émue, je suis heureuse. Je sers fort la main de Caleb, aussi fort que je peux bien que mon corps perde toute ses forces sous les coups du coeur du bébé. Je tourne mes yeux embués vers Caleb, je sens son regard aimant qui se pose sur moi. "T’es belle, mon dieu. Que t’es belle." Un petit sourire me fend le visage, il me fait pleurer le con, je sens une larme qui roule sur ma joue. Mais je rayonne, irradie de bonheur. Puis ses lèvres se posent sur les miennes, sa joue se colle contre la mienne. Ma bouche quitte la sienne à regret alors que mes yeux se portent de nouveau sur l'appareil. "On peut avoir des photos ?" - "Mieux. Vous pourrez avoir une vidéo." Pour me repasser ce son de vie en boucle, ce moment où j'ai enfin compris que c'était bon, y a bien un humain sous mon nombril, qui s'agite, qui vit. Une petite fille. Le Dr Fish m'essuie le ventre, Caleb, gentleman, m'aide à me redresser et je suis bientôt sur mes pieds, un peu chancelante. On se presse à l'accueil pour planifier le nouveau rendez-vous, dans plusieurs semaines. Dès que nous franchissons le pas de la clinique, je me tourne vers Caleb les yeux encore brillants. L'homme de ma vie. "On va avoir une petite fille tu te rends compte ?" Moi, oui, je me rends compte. D'un autre côté, pas du tout. Je glisse ma main dans la sienne, rapproche ma tête de son épaule. "Tu sais j'ai pensé à un truc, au premier prénom qui m'est venu en tête quand le médecin à dit que ça serait une fille. Peut-être que ça à l'air un peu bête mais..." J'esquisse un petit sourire, en soufflant. Un peu bête sûrement. "Aretha, j'ai pensé à Aretha. Comme Aretha Franklin, je sais pas, qu'elle devienne une grande star de la soul elle aussi." Mon père était un fan inconditionnel de rock, héritage qu'il m'a laissé. Ma mère, elle, aimait le jazz. J'aimais moins pourtant y a cette voix qui a bercé toute mon enfance. Y a un bout de la musique d'Aretha en moi. "Une tradition dans la famille de donner des prénoms musicaux." J'ai un petit rire. Roxanne comme la chanson de the Police. J'ai un petit regard penaud vers lui, je sais bien que c'est pas commun mais c'est le premier qui m'est venu. Je vois qu'il tire une sacrée tête mine de rien. Je secoue la tête en riant. "J'ai des drôles d'idées..." Mais je suis une sacrée tête de mûle malgré tout. Et je me suis entichée de ce drôle de prénom. "I say a little prayer for you-ou..." Je souffle les quelques notes, les yeux pétillants avant de déposer un petit baiser sur les lèvres de mon homme. Il doit en avoir marre de m'entendre chantonner tout le temps, le pauvre.

Ils sortent tous les deux de la clinique, un sourire affiché sur le visage de jeunes parents qui viennent de découvrir le sexe de leur petit garçon. Caleb pense à tout ce qu’il rêve de faire avec cette princesse dans les bras, ce qu’il veut lui apprendre et lui transmettre, et surtout, il se languit de présenter Roxanne à Anouk. Le reste de la famille, c’est en option. Une petite fille, c’est beaucoup de prudence, de surveillance, d’inquiétude dans le monde où nous nous trouvons, mais c’est surtout énormément d’amour entre son père et sa fille, et ils ne partageaient peut-être pas le même sang, mais ils partageaient beaucoup trop d’amour. Mon dieu, qu’il aimait Roxanne, mais elle passait désormais au second plan tant il irradiait d’amour pour cette petite… Aretha ? Sérieusement ? Caleb relève un sourcil, en écoutant les justifications de sa petite amie, sur l’histoire de sa famille, les prénoms musicaux etc. « Aretha ? T’es sûre de toi ? » Il n’était pas franchement emballé par l’idée. S’il devait capituler, c’était surtout pour Roxanne qu’il le faisait, et malgré le fait qu’elle l’ait inclus entièrement dans la vie de cet enfant à naître, il avait ce recul qu’il lui disait qu’il n’était pas forcément le décisionnaire comme un père biologique le serait. Mais il tentait malgré tout de faire des diversions. « A la limite… Marilyn ? Elizabeth ? » Il fit une grimace légère. Ce n’était pas du tout des prénoms qui l’intéressaient mais qui sonnaient bien mieux que celui de la chanteuse de jazz connue dans le monde entier. Il ouvrait la portière de la voiture pour Roxanne et il contourna la voiture pour aller s’installer au volant et se diriger vers chez sa sœur, une petite heure de route l’attendait impatiemment. Il mit la musique pour avoir un bruit de fond et il ouvrit légèrement la fenêtre, parce qu’il avait un peu chaud. « Lise ? » Il cherchait une autre solution, mais Roxanne réfutait chacun des choix qu’il proposait, complètement arrêté à l’idée qu’elle s’appelle Aretha. Un prénom qu’il n’aimait décidément vraiment pas.

"Aretha ? T’es sûre de toi ?" Je hoche la tête, le sourire aux lèvres. Ouais j'suis sûre. J'le devine à sa tête, il aime pas du tout. Je m'y attendais, je sais que c'est pas commun comme prénom. "A la limite… Marilyn ? Elizabeth ?" Je pouffe de rire en secouant la tête. "Marylin ? Comme Marylin Monroe ? On s'éloigne du jazz là." Je glisse en riant en m'asseyant sur le siège passager. On démarre, je fais plus de remarques mais le nom continue de me vibrer dans la tête. Aretha, Aretha... Mais c'est surtout des milliers d'images de bonheur qui défilent. Un bébé qui gazouille dans mes bras, dans ceux de Caleb. Je vois une petite fille qui grandit, qui devient une jeune femme. Etrangement, je la vois avec les traits de Caleb. Je sais bien que je les retrouverai jamais sur le visage de notre fille, pourtant. Je me retourne vers lui, le dos du crâne collé contre la fenêtre de la voiture. Je sens un brin d'air de sa fenêtre entrouverte me chatouiller le visage. "Lise ?" Je secoue la tête, tends le bras pour caresser son visage concentré sur la route. Je suis une sacrée tête de mûle, la tête dure comme une brique. J'vais avoir du mal à en démordre. J'préfère esquiver le sujet maintenant, je suis trop noyée dans mon océan de bonheur pour me prendre la tête. J'lui ferai écouter Think en boucle, jusqu'à ce qu'il le propose de lui même, ce prénom. "Elle sait qu'on débarque, ta soeur ?" Je laisse mes doigts remonter dans ses cheveux et puis je redescends ma main, mollement, sur ma cuisse. J'le fixe, le bouffe des yeux. Je remarque cette petite ride, qu'il a entre les deux yeux, quand il se concentre, quand il conduit. "J'ai un peu le trac." Je souffle un peu, secoue la tête. C'est vrai, j'ai le trac. Je remonte mes mains sur mon ventre, fais glisser mes doigts sur mon pull. Je voudrais sentir la petite fille qui gigote. Je peux pas encore. "Imagine si je leur plais pas ? J'veux dire, déjà que personne est enchanté à l'idée de..." Moulinet avec mon bras. De tout ça. Le coup de foudre, l'amour instantané, immédiat. On emménage ensemble, tout d'un coup, bam, Caleb papa. Tout va si vite, je m'étonnerais à peine de me marier avec lui dans les prochains jours. Pas d'hésitations, que des certitudes. "J'ai un tee-shirt à manches courtes sous le pull, peut-être qu'il faudrait repasser à l'appart, prendre un truc plus couvrant ?" Rapport aux tatouages tout ça. Je sais que c'est pas toujours du meilleur effet, je voudrais pas qu'on me prenne pour une junkie. Pitié Caleb, dis moi un truc, chantonne quelque chose, calme moi.