Il s’était passé une journée. Juste une journée depuis les révélations. Zed avait proposé une soirée, et Camila avait décidé de barrer en courant. Alors il allait faire un truc peut-être con, mais il allait traîner. Juste traîner à côté de Camila. Il s’habillait en vitesse pour rejoindre une supérette à côté de chez lui, il récupérait des bières, des chips, deux pizzas à réchauffer au four. Elle avait netflix, ils en profiteraient pour rattraper la dernière saison de la Casa de Papel que Victor n’avait toujours pas vu au grand dam de Camila. Il avait prit sa voiture minable qui tombait en morceau pour aller devant chez la nana la plus épuisante de la terre, et il se garait. Il montait les marches, et il tapait à la porte. Sur celle-ci se trouvait les traces de son poing quand il était venu déchiré lui casser la figure. Ce soir, il allait juste trainer sur le canapé. Il sonnait. Deux fois.

j'suis fatiguée, épuisée. réellement. j'en ai marre de tout et j'ai besoin de repos. j'me sens utilisée un peu plus chaque jour. j'suis hors de moi et en même temps, j'ai juste envie de fermer les yeux et me laisser plonger loin. très loin de tout ça. du carnage. ça sonne à ma porte et je sais que c'est toi. je sais que c'est toi et pourtant, je viens ouvrir. j'te fais face et j'ai les yeux cernés. j'ai quasi pas dormi, j'suis exténuée victor. pourtant, j'prends ce que t'as dans les mains et me dirige vers le salon posant le tout sur la table. j'lâche pas un mot, rien. et quand tu t'assois c'est contre toi que je viens. j'sais pas pourquoi mais je le fais. j'reste juste là, la télé en bruit de fond et les yeux fermés. j't'en supplie, arrête de me torturer.

Finalement, elle ouvre la porte. Et c’est un Camila exténuée qu’il trouve en face de lui. Ca suffira peut-être, la bière ? Pas un mot ne se passe entre eux, rien que des regards qui disent beaucoup de chose. Il rentre et jette ses pompes en plein milieu de la pièce. Il se dirige vers le canapé, prend la télécommande et décide de lancer la saison deux de la série espagnole. Puis il écarte le bras en le posant sur le dossier et c’est Cam qui vient se caler, là, dans l’creux de son épaule. Il ressert étrangement sa prise en posant son bras sur ses épaules et il oublie de regarder le cambriolage parfait. Il plonge discrètement mais pas du tout discrètement son nez dans les cheveux de Cam et il ferme les yeux. Putain d’coeur à la con.

j'sais pas pourquoi j'suis bien là. c'est comme un moment de paix dans la guerre sans fin qu'on se livre. c'est comme mettre pause à toutes nos peines et j'veux juste que ça reste comme ça. moi contre toi et ton bras qui me resserre contre toi. reste là. j'remonte mes genoux, me tourne légèrement vers toi, mon bras qui t'enserre, s'accroche à ton tee shirt et j'ai l'impression de n'entendre rien d'autre que le bruit de nos respirations. j'ai mal au coeur, j'te jure. c'est pas permis de souffrir autant. j'veux que t'arrêtes de me faire ressentir tout ça, d'une façon ou d'une autre. puis de l'autre côté, j'arrive pas à te dire au revoir. j'arrive pas à te laisser partir. j'ai besoin que tu sois là. est-ce que tu peux me sauver toi ? parce que j'en ai besoin. j'en ai désespéramment besoin. et j'sais que tu t'en rends compte, j'sais que t'en est conscient.

Craque autant que tu veux, Cam. Pleure autant que tu veux, insulte moi, frappe moi, j’serais quand même là. Et puis Victor, il a l’impression d’avoir un peu d’oxygène qui rentre dans ses poumons pendant un court instant. L’impression que la dépendance se transforme en havre de paix le temps d’une trêve entre deux ennemis jurés. Montaigu et Capulet pour au final se foutre la vie en l’air pour un baiser échangé. Alors dans les cheveux de Camila, il respire doucement. Il écoute les voix espagnoles crier, pleurer et parler, et lui, tout ce qu’il veut entendre à tout jamais c’est son rire quand elle s’innocente un peu. C’était cette conscience qui lui pourrissait la vie et qui lui donnait parfois envie de lui tourner le dos, pour ne pas la défoncer encore plus. Alors il la serrait un peu plus fort contre lui. Premier geste d’amour dans un chaos connu du commun des mortels. Victor passe ses lèvres dans ses cheveux, sans jamais y déposer un baiser, mais juste pour ressentir. Et elle est là, sa reine.

j'comprends pas pourquoi on s'inflige ça. j'comprends pas pourquoi c'est aussi compliqué entre toi et moi. on s'inflige toutes les blessures du monde sans raison. on s'défonce mutuellement et on revient sans arrêt vers l'autre. j'voulais pas t'aimer, j'pensais pas le faire un jour et pourtant, j'suis dingue de toi. j'suis tombée sans m'en rendre compte et j'suis incapable de te le dire. incapable de sortir les mots de but en blanc. je sais que tu sais. la nuit dernière j'ai à moitié lâché prise. mais qu'est-ce que ça change ? j'ai pas l'impression de représenter quoi que ce soit pour toi. et pourtant, t'es encore là, à me serrer contre toi. j'veux plus jamais bouger, mes doigts se serrent autour de ton pull encore plus, mon visage dans ton cou à juste humer ton odeur. le silence ça a du bon, vraiment. c'est apaisant. comme si l'on était en train de créer autre chose soudainement. et je me décale légèrement, juste assez pour pouvoir te regarder. toi et ton visage tuméfié.

C’était pas calculé tout ça. Le débarquement de Victor dans ce pays qui n’était pas le sien, c’était pour but de sauver sa mère. Au final, il se retrouvait dingue d’une folle à la vie plus chaotique que la sienne. Il aurait aimé préparé le terrain pour éviter ces coups de rasoirs dans l’âme et esquiver ces bleus. Il n’a pas l’impression d’être chanceux, au contraire. Parce que même s’il a conscience de ce qu’elle a failli lâcher devant lui la veille au soir, une part de Victor reste dans le déni de ce qu’elle peut ressentir. Parce que ça voudrait dire qu’ils ont tout pour être heureux et ils décident tout gâcher pour une histoire de… de quoi, au fait ? Alors, Camila recule son visage pour mieux regarder Victor, qui plonge ses yeux dans ceux de l’Eliot. Il est sale, Victor. Il est voyou et colérique, c’est un nerveux, un merdeux. L’opposé de Camila, complètement. La belle et la bête. Mais c’est une histoire éternelle, tout ça. Spontanément, il vient déposer un baiser sur ses lèvres. Un truc chaste, un truc doux, qui fait mal à la mâchoire à cause de ce flic, mais qui panse beaucoup de plaie. Il ferme les yeux et fronce les sourcils. Puis il recule sa tête, et regarde Camila. Est-ce que c’est trop tard pour s’excuser ?

j'pourrais me perdre dans tes yeux tu sais ? j'pourrais me perdre dans tout ce qu'ils racontent. les yeux sont le reflet de l'âme, pas vrai ? j'sais que t'es pas une mauvaise personne. je peux le lire au fond de toi. on est juste bousillés, on sait juste pas comment avancer mais ça fait pas de toi quelqu'un de mauvais. et j'aurais voulu avoir la force de te réparer mais j'suis probablement trop bas pour réussir à faire ce genre d'exploit. et j'aimerais que tu lises dans mes yeux ce que je ressent, ce que tu fais naître chez moi. j'voudrais que tu te rendes compte que je suis tombée amoureuse de toi subitement et que tu m'envoies au loin si toi tu veux pas de tout ça parce que tu sais que je peux pas vivre une nouvelle histoire de ce genre. j'peux pas affronter une autre tempête. puis c'est tes lèvres qui viennent chercher les miennes et j'crois que nos propres douleurs se mélangent. pourtant, c'est doux, tendre, étrange. et c'est trop bref. t'as déjà reculé et quand j'réouvre mes yeux, c'est juste pour revenir un peu mieux te chercher. toi et ta bouche que je frôle doucement, mes mains qui se calent dans ton cou servant alors de prison. et j'grimpe sur tes genoux, mon corps se collant au tien. mais j'reste calme, j'épouse tes lèvres doucement, juste ça.

La seule histoire d’amour qu’il a jamais eu, il en a fait une boule de papier pour mieux la jeter dans une poubelle. C’était effrayant de devoir recommencer quelque chose quand on savait pas comment faire. Il y avait rien de préparé, juste que Victor, il aimait tellement Camila que ça le faisait profondément souffrir, comme jamais auparavant. Il avait pas envie de lui faire vivre l’enfer, de l’amener dans sa merde, il avait besoin d’elle comme des arbres sur cette Terre, de quoi s’enraciner dans la sol à tout jamais, mais sa plus grande terreur, c’était de la décevoir et qu’elle finisse par réellement se foutre en l’air. Alors il prenait sur lui pour ne pas s’exposer mais ce soir, c’était raté. Puis elle rattrape ses lèvres au vol pour mieux le chercher et Victor, il sent du repos à son coeur. Un inconnu qui met pause pour les enfermer dans cette bulle. Elle grimpe sur lui pour mieux se rapprocher, et c’est le coeur de Victor qui s’colle au sien. Il n’y a rien de vicieux, dans tout ça. Il passe une main sur sa taille puis dans son dos. Il veut pas qu’elle tombe, jamais. Il l’embrasse en retour, ses lèvres chaudes qui se marie à la bouche de Victor. Sa main libre vient se glisser sur la joue de Camila pour venir caresser sa pommette du bout du pouce. T’es pas flingué Camila, t’as juste besoin qu’on t’aime. Mais ces trois mots magiques, ceux qui délient les coeurs, ils veulent sortir, mais ils en sont pour l’instant incapable.

j’arrive pas à m’en empêcher. j’sais pas pourquoi je fais ça, pourquoi je reviens mais c’est comme si j’étais incapable de faire autrement. j’ai besoin d’épouser ta bouche, de la sentir contre la mienne. j’pourrais perdre mon souffle sur tes lèvres sans éprouver le moindre regret. et j’ai mon coeur qui tambourine contre ma poitrine. c’est toi qui fait remonter tout ça, qui m’apaise un peu dans ce genre de moment. tu vois qu’on peut. on peut s’aider si on le veut. on y arrive juste pas la plupart du temps et j’crois que dans le fond il nous faudrait plus de moments comme ça. mais comment on fait si on arrive pas à se parler ? si on s’insulte tout le temps ? j’peste intérieurement et j’chasse bien vite tout ça sous tes baisers à toi. j’m’en fiche, j’veux pas réfléchir, je veux juste rester contre toi. j’veux qu’on fasse comme si on s’était jamais fait mal avant, tu crois qu’on peut ? ma bouche dérive lentement sur ta mâchoire, puis les blessures causées par notre perte de contrôle. mes mains glissent sous ton pull, tremblantes, caressant doucement ta peau. j’voudrais te dire tellement de chose sans réussir à sortir quoi que ce soit alors j’essaie de le faire passer par mes gestes même si c’est probable que tu ne comprennes pas. parce que se comprendre, on y arrive pas. on est pas capable de s’écouter réellement et j’sais pas si cette fois sera différente des autres ou pas.