camion ☾ don't you leave me here
w/ camila wildingham  — boston station, décembre 2018
J'étais en panique, clairement. Mais de toute évidence, pas elle. Elle voulait mourir, je le savais et cette nouvelle ne faisait qu'ébranler nos existences. Notre fils n'est plus et je n'avais aucune idée de comment les choses s'étaient déroulées. Est-ce qu'elle l'avait perdu naturellement ? Est-ce qu'un choc a précipité tout ça ? J'en savais rien mais je savais une chose : je ne voulais pas que Camila se tue. C'était... égoïste, je le savais, mais je ne pouvais tout bonnement pas me faire à l'idée qu'elle ne puisse plus être de ce monde. Alors j'avais couru, j'étais épuisé, essoufflé mais j'étais arrivé à bon port. Est-ce qu'elle était réellement là ? Si oui, où ? Putain Camila, sérieusement. Je regardais mon téléphone, pas de nouveau message. Alors je me remettais à la recherche de cette fille qui avait retourné ma vie, celle qui avait laissé une trace indélébile. Et finalement, je la trouvais au bord d'un quai. « CAMILA ! » que je criais, bien trop loin pour pouvoir faire quoique ce soit qui puisse un tant soi peu la sauver. « NE BOUGE PAS ! » Parce que ouais, je ne voulais pas qu'elle se laisse tomber sur les rails, qu'elles vienne à percuter un train et qu'elle vienne à trouver la mort. Je sais qu'on allait tous à l'encontre de sa volonté mais... c'était pas elle, elle ne pouvait pas être autant dépressive, si ? Merde quoi, j'aurais tellement aimé rester son meilleur ami si ça pouvait éviter cette fin dramatique et surtout tragique de sa vie. « Camila... s'il te plait » finissais-je par dire, toujours essoufflé sans pour autant la lâcher du regard. Le cœur battant par l'effort, mélangé au stress et à la peur de la perdre, il me faudrait bien vingt minutes pour m'en remettre de tout ça, c'était une certitude.

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w/ pluton westerberg  — boston station, décembre 2018
je ne peux plus. je sais au fond de moi que je ne suis plus capable de supporter quoi que ce soit. de continuer à affronter tout ça continuellement. la perte d’orion ? c’était trop. vraiment trop. j’avais eu le temps de me décider sur son prénom et avant même d’avoir vu le jour, il n’était plus. probablement parce que je méritais pas d’avoir quelqu’un dans ma vie. alors ouais, je laisse tomber. et j’suis peut être morbide à en rire de tout ça. à envoyer des messages glauques, surtout à toi. mais j’me dis qu’au fond, tu le mérites bien après tout ce que tu m’as fais. et tant pis si tu culpabilises de ma mort pour le reste de tes jours, j’crois pas avoir envie de te ménager. et j’suis là, sur le quai de la gare, assise sur le banc, à regarder dans le vide et attendre une infinité de temps. j’ai posé mon téléphone à coté de moi avant de me redresser, avançant d’un pas traînant vers le rebord, dépassant la ligne blanche de sécurité. cinq minutes. cinq minutes avant qu’il ne soit là et que je glisse finalement dans ce vide que je cherchais tant. et je t’entends hurler. ah ? t’es venu ? t’aurais pas du. ta blonde risque de te démonter si elle vient à être au courant de ça. bouge pas ? toi bouge pas. va t’en, fais demi tour, agis comme si tu m’avais pas vu, on s’en fout. le truc, c’est que t’es en train d’ameuter les gens présents qui me regardent cherchant à comprendre. oh, ils comprendront bien assez vite mais ce sera trop tard pour faire quoi que ce soit. j’fais encore un pas si bien que j’ai déjà la moitié de mes pieds dans le vide. j’ai plus qu’à attendre avant de basculer. deux minutes. j’tourne la tête vers toi et souris faiblement. t’as gagné tu vois. t’auras ta vie heureuse et moi, j’aurais rien. plus de mariage, plus d’enfant, plus toi. train à l’approche. oh, j’espère tellement que cette image t’hantera.

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w/ camila wildingham  — boston station, décembre 2018
Elle était là et elle a tourné la tête, elle m'a vu, elle ne pouvait pas nier ne pas m'avoir vu et.. ouais, je gueulais, j'attirais l'attention mais personne ne semblait vouloir vraiment réagir. Ils ne voulaient pas la stopper dans sa folie suicidaire. Merde quoi, je voulais juste qu'elle cesse d'être autant attirée par la mort. Que le bébé soit là ou non, ça ne changeait rien à l'attachement certain que j'avais pour elle et il m'était inconcevable de vivre dans un monde où elle n'était plus. Alors ouais, je me pliais en quatre pour la sauver de ce malheur qui pouvait si vite arriver. Un saut, c'est tout ce qu'il lui fallait, elle qui se rapprochait un peu plus de ce précipice improvisé à chaque seconde qui passe. Le cœur battant, je continuais de me rapprocher, sentant bien que j'avais une horloge au dessus de la tête. Est-ce que j'étais dans les temps ou est-ce que j'avais une seconde de retard ? Le retard pouvait être fatal dans ces cas là et j'osais espérer arriver avant que le train n'arrive à quai. Seulement, j'étais trop loin et j'entendais les rails vibrer, le son de la carcasse motorisée qui arrivait dans les tunnels. Non, Camila. Je mettais alors plus de force dans mes jambes, elles qui ne supportaient pas autant d'effort en temps normal. J'entendais le train juste là et dans un élan incontrôlé, dans un mouvement de saut, je me précipitais sur elle pour l'éloigner et la sauver de l'impact qu'elle cherchait tant. Le mouvement nous faisait alors tomber à la renverse mais au moins, on était tous les deux en vie. Elle. Moi. C'était déjà bien. Pas un mort de plus, s'il vous plait. Me redressant assez rapidement, sentant alors le train se mettre à l'arrêt, je tendais ma main pour l'aider à se relever, sans un mot.

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w/ pluton westerberg  — boston station, décembre 2018
si t’en souffres toute ta vie, je m’en fiche. puis de toute façon, j’suis certaine que tu joues la comédie. que c’est pas si important que ça et que tu t’en remettras. tout comme tu t’es remis de notre couple en un temps éclair tandis que moi je suffoque toujours sous le poids de ma peine. alors ouais, arrête de faire semblant deux minutes, ferme les yeux et va t’en. prétends que j’ai pas existé, que je suis pas là, ce que tu veux mais t’en mêle pas. de toute façon, tu m’as jeté dans ton passé sans regarder en arrière une seule fois alors j’veux pas te voir là. j’veux pas que tu m’empêches de faire quoi que ce soit. et j’me dis que t’es loin, que le train est là et que tu pourras de toute façon pas faire quoi que ce soit. et j’crois qu’en fait, si je t’ai parlé aujourd’hui, si je t’ai dis où j’étais, c’était peut être pour que t’y assistes à tout ça. que tu sois conscient que c’est à cause de toi. que tu te rappelles jusqu’à ton dernier jour que tu es le responsable de ma chute. j’m’en fous que tu te blâmes en fait. j’me fous que ça te fasse mal parce que toi, t’as rien fait pour m’épargner. et je l’entends le train qui arrive, le sol qui gronde. moi, j’ferme les yeux et inspire un grand coup me laissant basculer.. bien vite rattrapée par tes bras qui se referment autour de moi et me tire de l’autre côté. sur le sol où je m’écrase avec toi. j’ouvre les yeux et t’es déjà debout, la main tendu vers moi. je bouillonne là, je tape dans ton bras. j’veux pas de ton aide. que ça soit pour me sauver ou pour un truc aussi bête que me relever. j’reste par terre et je m’en fiche du spectacle que j’offre. j’suis misérable, j’le sais. « mais laisse moi tranquille un peu » continue ta petite vie, fais ce que tu veux, laisse moi. « va t’en. juste.. dégage. disparais. j’sais pas mais casse toi. » j’veux pas de toi ici. j’veux de toi nul part. j’veux pas que tu sois là. j’veux pas que tu prétendes te préoccuper de moi.

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w/ camila wildingham  — boston station, décembre 2018
Je ne me sentais pas bien, au bord du précipice. Si elle meurt, je fais quoi moi ? J'veux dire, Camila, c'était une grosse partie de ma vie. Et si on avait plus d'enfant ensemble, si j'avais détruit l'amour entre nous, elle restait importante pour moi, elle restait... ma meilleure amie. Et je sais que je n'ai plus ce statut chez elle, malgré qu'elle ait tenté de renouer légèrement il y a quelques jours. Mais voilà, c'était pas forcément évident de la voir recommencer une énième tentative de suicide, si bien que je me demandais réellement si on ne devait pas la laisser faire. Après tout, c'était sa volonté et on était tous égoïste de la retenir. Mais je m'en fichais d'être égoïste en cet instant. Je l'étais pour tout le monde en fait. Moi, Cléo, Dimitri même. Aucun d'eux ne voulait découvrir que Camila Wildingham s'est donné la mort en sautant d'un quai pour se faire percuter par un train. Et alors que le bruit se fait assourdissant à l'arrivée du train en gare, je me mettais à sauter, histoire d'arriver sur son corps droit et prêt à l'exécution, afin de l'écarter de cet endroit bien trop dangereux. Se retrouvant allongé sur elle, elle saine et sauve, je finissais par me relever, ne voulant pas lui imposer un contact bien trop prolongé. Mon bras tendu pour l'aider à se relever ne lui faisait pas plaisir puisque je recevais un coup, le genre de choses qui faisait passer un message clair et concis. « Je m'en vais... Après m'être assuré que t'es en sécurité » Mains dans les poches, je restais à côté d'elle, me fichant pas mal du regard des autres en cet instant. « C'était des mensonges ce que tu m'as dit par message ? » que je demandais calmement, ne comprenant pas vraiment ce changement de comportement vis à vis de moi.

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w/ pluton westerberg  — boston station, décembre 2018
et puis je sais pas ce que je veux au fond. j’ai l’impression que ça change tout le temps. de pas être en accord avec moi même. un jour c’est blanc, le lendemain c’est noir. y a pas de juste milieu et je deviens folle dans tout ça. ou peut être que je suis juste folle depuis le début mais qu’on a mis du temps à s’en rendre, j’sais pas. dans tous les cas, j’ai l’impression de prendre le moindre prétexte pour me foutre en l’air. j’essaie tout le temps, avec n’importe quoi. j’ai même commandé de l’arsenic en me disant que je pourrais toujours m’empoisonner lentement. et j’sais pas, ça tourne pas rond dans ma tête puis y a tout qui m’énerve. j’voulais pas que tu viennes, j’sais pas pourquoi t’es là. j’ai mal de te voir parce que je sais que tu ne me regardes plus comme moi je te regarde. et j’me dis que c’est injuste, que j’ai pas mérité ça. puis que je peux pas être ton amie de toute façon parce que j’pourrais jamais encaisser ta relation puis à côté de ça, parfois, tu m’manques tellement que j’arrive plus à respirer correctement. finalement, y a tout qui se mélange toujours avec toi. y a jamais rien qui va. et j’me demande comment tu fais. parce que tu dis que tu m’aimes toujours mais c’est pas avec moi que t’es. comment tu peux faire ça toi ? moi, j’ai pas su rester avec elijah. j’avais l’impression d’pas être honnête. et j’voulais pas construire une relation comme ça. ça t’gêne pas toi ? j’me demande comment t’arrives encore à te regarder dans un miroir. « blablabla » la sécurité c’est surfait. tu peux même me raccompagner chez moi que ça voudra pas dire que j’me jetterais pas par la fenêtre alors arrête. « lesquels ? ceux ou je te supplie de revenir ? ceux ou je te demande la solution pour arrêter de t’aimer ? ou ceux ou je dis que tu me manques ? » j’t’en envoie pas mal des messages. y en a même que j’écris mais que j’envoie jamais. pour pas bouleverser ta vie ou venir retourner quoi que ce soit. tu vois, j’suis tellement conne que je me soucie encore de toi. « mais j’crois que je t’aime plus. » j’le lance comme ça, subitement.

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w/ camila wildingham  — boston station, décembre 2018
Je sais que je suis putain d'égoïste et qu'en plus de ça, je blessais tout le monde à agir comme ça. Mais je ne pouvais pas la laisser faire, je n'arrivais pas à me faire à l'idée qu'elle veuille réellement quitter ce monde, sans laisser de trace. On venait de perdre notre fils cette semaine. Notre fils qui n'avait même pas eu l'occasion de voir le monde de ses propres yeux. J'étais pas capable de la perdre elle aussi, elle que j'ai aimé comme un fou, elle que j'ai aimé à en avoir le cœur brisé. Je lui en avais fait voir des vertes et des pas mûres et je ne comprenais pas comment elle pouvait être encore amoureuse de moi. Même ma copine actuelle... Toutes les filles en fait. J'étais une calamité à moi tout seul, enchainant gaffe sur gaffe. Les relations amoureuses, c'était pas fait pour moi. Et pourtant, j'en étais là, à devoir gérer les sentiments complexes qu'on pouvait éprouver pour ma personne. « Ne m'aime plus alors, mais fais-le en vie » Et ce n'était même pas que pour moi. Cléo aussi avait besoin d'elle, tous ses proches. Il fallait qu'elle remonte la pente à présent et elle allait pouvoir le faire avec un traitement, qui ne lui était plus interdit par la grossesse qu'elle avait en cours. « Tu as été voir un médecin, concernant ta bipolarité ? » Après tout, maintenant que le petit Orion - enfin, je l'appelle comme ça mais je ne sais même pas quel prénom elle avait choisi - n'était plus, plus rien ne la stoppait pour prendre des cachets pour l'empêcher d'agir sous le coup d'une émotion bien trop forte.