« Sachs, il est l’heure. » Son supérieur tapota sa montre pour lui indiquer qu’il était temps qu’il rentre chez lui. Neuf heures du soir. Autour de la table, tous ses collègues étaient au courant de la situation, mais personne n’osait en toucher mot à Melchior. Il sent les regards sur lui tandis qu’il retire sa blouse blanche pour la remettre dans son casier et sortir du poste de soin. Aussitôt qu’il serait parti, les langues se délieront sur lui, son comportement normal ou non, … Des commérages que le jeune homme n’aurait pas eu la force d’affronter ce soir. Il était lessivé. Autant moralement que physiquement. D’un côté, il avait toujours été du genre à travailler pour oublier, mais la douleur et la colère étaient bien trop forte pour que cette technique fonctionne. Depuis le drame et le départ d'Alex, Melchior n'était plus vraiment là. Son monde s'était arrêté de tourner tandis que les autres poursuivaient leur vie, et ça le rendait dingue. Dingue de voir les autres biens tandis qu'il ne l'était pas. Lui qui faisait toujours passé les autres avant sa personne, qui pensait que la vie lui rendrait la pareille, il s'était bien mis le doigt dans l'oeil.
En quittant l’enceinte de l’hopital, il s’apprête à rentrer chez lui lorsqu’il se souvient que sa voiture est en panne de toute façon. Il allait devoir rentrer à pieds, mais la perspective de se retrouver seul chez lui, dans un appartement vide, sans Alex le répugne. Il y a bien trop de souvenirs là bas, il ne s’y sent même plus chez lui. Alors il trouve un banc devant l’hopital et s’y installe un moment. Simplement le temps de… Il ne savait pas. Il avait juste besoin de se poser un instant et ne penser à rien. Une simple pause dans son tourment.

« Merde. Merde! » Elle lâche tout ce qu'elle fait, attrape ses clés, et sort de l'appartement en trombes sous le regard ébahi de ses parents chez qui elle passait quelques jours. Elle n'a pas vu l'heure, Margot. 18h55, et elle s'était promis de coincer Melchior à la sortie de l'hôpital, tout proche du quartier de Beacon Hill, dans lequel sa famille vit. Elle sait qu'en ce moment, il ne va pas bien, le brun. Il va mal, et elle s'est juré de ne pas le laisser s'enfermer dans sa bulle, tout comme il a pu être là pour elle après l'incendie de la Lowell House, en octobre dernier. Puis c'est un bon moyen pour elle de ne pas penser à ses galères amoureuses, elle qui se prend deux fois plus la tête depuis la soirée des Mathers. Alors elle traverse les rues en courant, se maudissant intérieurement de devoir courir sous une telle chaleur. L'été approche, même à Boston, et ça se sent. Putain, qu'elle râle intérieurement en regardant l'heure, voyant qu'elle n'est pas arrivée et qu'il est déjà 19h00. Si elle le manque de peu, elle ne pourra s'en prendre qu'à elle-même. Heureusement pour elle, alors qu'elle est à bout de souffle au coin de la rue dans laquelle se trouve l'hôpital, elle l'aperçoit. Assis sur un banc, seul. Le temps de reprendre un peu d'air, la rouquine s'approche du banc, et s'assoit dessus sans même prendre la peine de s'annoncer. « Je viens de.. courir.. je sais pas combien de kilomètres pour arriver jusqu'ici. » Une pause, le temps de reprendre son souffle, et elle tourne la tête vers Melchior pour lui faire un sourire. « Alors je t'interdis de m'envoyer sur les roses, ce soir, tu passes la soirée avec moi. » Et son ton ne laisse pas de place aux questions.

Quand bien même il était tard et que le Quincy était éreinté, il n’était pas pressé de rentrer pour autant. Il profitait du calme qui tombait petit à petit sur la ville alors que les gens rentraient chez eux après une longue journée de travail. Jusqu’à ce qu’une rousse déboulait de nulle part, essoufflée, sur le banc à ses côtés. Il fronça légèrement les sourcils en la regardant reprendre son souffle, déchiffrant ses mots entre chaque respiration qu’elle prenait. Elle avait couru et il n’en doutait pas. La question qui se posait, c’était plutôt pourquoi elle avait couru jusqu’ici. Il entrouvrit la bouche pour lui répondre quelque chose, mais rien ne lui venait à l’esprit. Il ne voulait pas toiser Margot de son humeur massacrante depuis quelques jours. Pas elle. Elle était l’une des rares personnes immunisées sur lesquelles il se refusait de déverser son venin. « Margot, t’es gentille mais tu devrais rentrer chez toi. Crois-moi, je ne te serai pas de bonne compagnie... » Il préférait la prévenir. Il l’aimait bien Margot et sa démarche le touchait, mais au vu du comment il s’était comporté avec les autres déjà… Non, il ne voudrait pas qu’elle ait à subir ça. Il détourna la tête pour regarder les voitures défiler quelques secondes, comme si cela pouvait l’aider à penser, à aménager ses idées, avant de poser son regards de nouveau sur Margot. « Et puis, qu’est-ce que tu voulait faire ? » Il est tout de même curieux de savoir.

Elle n'est pas idiote, Margot, et dès lors que Melchior pose ses yeux sur elle, elle devine qu'il s'apprête à l'inviter à rebrousser chemin. Sauf qu'elle ne le fera pas, et elle lui fait comprendre dès le départ que ses tentatives sont vaines. Assise sur son banc, elle secoue la tête, de gauche à droite, catégorique. « J'ai pas envie d'rentrer chez moi, et tu me fais pas peur, Melchior, tu sais. » Loin de là. Elle a déjà du faire face à de pires fortes têtes, bien plus agaçantes. Son ami va mal, et elle va lui donner les moyens de retrouver le sourire, peu importe combien de temps ça va lui prendre. Elle reste assise à ses côtés, silencieuse, jusqu'à ce qu'il daigne à nouveau parler. Et à ce petit élan de curiosité, elle esquisse un sourire. « Qui sait ? » Un sourire en coin, énigmatique, et  voilà que la rousse se redresse, se place face au brun, bras croisés. « J'ai un deal à te proposer: Tu viens avec moi, et tu me laisse une heure. Juste une heure. Si au bout de cette heure, tu veux toujours partir, j'te laisserais faire et là, je rentrerai chez moi. » C'est à prendre, ou à laisser. Parce que sinon, elle va le suivre jusque chez lui, Margot, elle déconne pas.

Voir Margot lui répondre, c’était plus de la fierté qu’autre chose. D’accord il n’était pas d’humeur, mais il devait reconnaître que ça lui faisait tout de même plaisir dans le fond. Elle se la jouait mystérieuse. Et alors que sa patience lui faisait défaut ces derniers temps et qu’il serait bien vite agacé, ce n’était pas le cas avec Margot. Non. Margot, c’était cette jeune femme qui grandissait sous ses yeux, qui avait son tempérament mais qui resterait ce bout fragile dans le fond. Cette jeune fille dont il s’était occupé il y a quelques années. Puis la rousse se leva et se plaça face à lui, se donnant du caractère avec ses bras croisé. Attention, ça ne rigolait pas. Et c’est le plus sérieusement du monde qu’elle lui propose un deal, où il n’est pas spécialement gagnant dans les deux cas, mais ça restait un deal. De toute façon, elle ne lui laissait pas trop le choix. Les femmes, elles sont hargneuses quand même. Mais Margot avait beau avoir une place spécial dans le coeur de Melchior, il n’avait pas très envie de sortir ce soir. Alors sa logique était simple, en finir le plus vite possible. « Juste une heure. » répéta-t-il pour confirmer les accords de leur deal, et par la même occasion accepter son marché. Une petite heure à tenir et il serait chez lui après, ce n’était pas la mer à boire. Il soupira, puis se leva pour faire face à Margot. « C’est toi la chef, je te suis. »

C'est avec une détermination farouche qu'elle fait face, qu'elle fait front Margot, bien déterminée à ne pas laisser son ami broyer du noir tout seul. Il a été là avant même qu'elle parte en Corée, il a été là quand elle n'était qu'une jeune fille un peu perdue à Harvard, présent en octobre dernier quand son monde s'effondrait et aujourd'hui, c'était lui qui allait mal. Alors elle ne le laisserait pas se défiler si facilement, et proposa un deal. Une heure. Rien qu'une heure pour qu'elle le convainque de la laisser passer une soirée avec lui. Et quand il abdique, elle ne cache même pas sa joie et son sourire victorieux, laissant même échapper un « YES. » Fier. Même juste une heure, ça lui va, à Margot. Et dès qu'il se lève et fait comprendre qu'il la suit, elle vient prendre sa main avec un sourire enfantin, l'emportant à ses côtés dans les rues de Boston. « Suis la guide. » Et zou, ils commencent à marcher, et elle tente de changer de sujet, la rousse, de parler de choses joyeuses. « Parlant de chef, tu vas au Summer Camp ? Ca va être mon premier, et je me présente comme capitaine, si je suis prise, j'espère pas me foirer. » Mais cet été, elle voulait s'essayer aux responsabilités, et véritablement s'investir. Au bout de quelques rues, elle commence à distinguer des lumières, et Charles River. « Ah! On y arrive. » Et progressivement, voilà qu'apparaît la fête foraine annuelle qui s'installe toujours sur un grand espace vert de la ville. « Tu m'as dis oui pour une heure, et.. j'ai déjà acheté les jetons. » La belle montre une poignée de petites cartes colorées dans ses mains, cachées jusque maintenant. Haussement de sourcils, et elle demande avec un sourire espiègle. « Tu m'fais confiance ? »

Oui, il abdique. Il préfère arrêter les négociations plutôt qu’elles ne s’éternisent. Et puis il faut dire qu’il ne peut pas refuser grand chose. Il lève brièvement les yeux au ciel alors qu’elle laisse le bonheur de sa victoire s'échapper. Il semble agacé mais intérieurement, il sourit. Il vit un petit peu de bonheur par procuration. Une sensation qui lui fait du bien même s’il le touche du bout des doigts. Le brun suit donc la guide, tout en discutant pour faire passer le temps du trajet. « Convaincre et motiver les troupes tu sais faire. Personne ne résistera à ton charisme Margot. » Il n’y avait qu’à prendre leur exemple là tout de suite. Il n’avait aucun doute qu’ils allaient la choisir, ou alors ils feraient une grande erreur. « Je ne pense pas que j’irai cette année. Enfin je me suis inscrit, mais je pense que je vais me retirer.. » Il n’a pas encore eu l’occasion de le faire. Anja l’a incité à aller y faire un tour tout de même, mais il ne sait pas trop. Puis des cris se font entendre, des lumières colorées un peu partout, l’odeur de sucrerie… Melchior lève la tête pour apercevoir les attractions diverses devant lui, et il comprend que Margot l’emmène à la fête foraine. Elle avait même déjà prévu le coup la maline. Il fronce légèrement les sourcils avant de tourner la tête vers la rousse. « Est-ce que tu me laisses le choix ? » Melchior, ce n’était pas spécialement le plus à l’aise dans ce genre d’attraction. Il n’a pas forcément peur, mais ça le rend nerveux quand même, il ne sait pas pourquoi. « Je t’ai laissé carte libre pour une heure, donc c’est parti j’imagine. » Rien de mieux que ça pour ne pas penser à ses soucis alors qu’il sera limite en panique pour sa vie.

Se présenter comme chef d'équipe dès le premier Summer Camp, bonne ou mauvaise idée ? Disons que la destination l'a inspirée, Margot. Le Laos, bien que différent de la Corée, reste un pays asiatique, et pour avoir vécu à Séoul pendant presque deux ans, elle a fini par bien connaître ce genre de culture, la rouquine. Alors autant en faire profiter les autres. Et même s'il fait sa tête de bougon, coincé par l'ultimatum de la Weasley, Melchior confirme qu'elle a du charisme, Margot. Et malgré elle, ce compliment fait apparaître un sourire en coin sur ses lèvres. Du moins, jusqu'à ce qu'il dise hésiter à se désinscrire du voyage. « Quoi ? Oh non non non, il faut que tu y ailles, le Laos c'est sublime, et j'suis sûre que ça te ferait du bien! » Broyer du noir à Cambridge, c'est de loin la pire des choses qu'il puisse faire, sincèrement, la preuve, Margot elle-même compte sur ce voyage pour se changer les idées. Mais pour l'instant, c'est le brun sa cible, et pour ça, elle le mène jusque la fête foraine. Devant son expression dubitative, elle dégaine son ultime arme: Elle a déjà acheté les jetons. La veille, à vraie dire. Même si elle n'était pas sûre qu'il la laisse approcher, elle avait tenté le tout pour le tout, et quand il répond enfin, un sourire léger apparaît à nouveau sur le visage de la jeune fille. « Pas vraiment. » S'il fait demi-tour, elle s'accroche à ses jambes et il la traînera jusqu'à chez lui. Et elle est peut-être petite face à lui, mais elle est coriace. Et encore une fois, il abdique. Peut-être bien est-elle réellement charismatique, après tout. Venant reprendre la main de Melchior dans la sienne, elle l'entraîne dans ce dédale de lumières et de silhouettes, pour aller jusqu'aux montagnes russes. « Alors maintenant, tu vas faire attentivement ce que j'te dis. » Elle se dépêche d'aller donner les jetons au forain, pour aller s'installer en première ligne du wagon avec le Quincy. Barrières abaissées, le forain appuie sur le bouton, et dans un léger zig-zag, le train se dirige lentement mais surement vers la première montée. « Bon. » Elle inspire, se lance sur sa première idée: « On va exorciser le mal par le mal, alors on va arriver tout en haut de ces montagnes russes, Mel, et j'veux que tu cries. » La montée commence. Margot se contorsionne pour venir reprendre la main du jeune homme. « Parce que j'sais que t'es en colère, que tu gardes tout ça pour toi, que t'en as après la terre entière, et le premier pas pour aller de l'avant.. C'est de te laisser aller. » Mi-chemin. Elle serre sa main plus fort. « Alors moi, j'vais m'époumoner. Personne nous connaît là haut, personne n'est là pour nous emmerder. » Et ils arrivent au sommet. Pour donner l'exemple, la belle hurle à plein poumons. Les gens rient derrière, et elle aussi, elle rit. Elle tourne la tête vers Melchior, fait un sourire. A lui de voir s'il allait la suivre. Quoi qu'il arrive, ils étaient lancés.

L’éventualité qu’il se désinscrive du Summer Camp cet été ne passe pas dans l’oreille d’une sourde. Il hausse les épaules. Plusieurs personnes déjà l’incitent à se rendre au Laos pour voir autre chose, lui disent que ça l’aiderait à ne pas broyer du noir, … Mais peut être que c’est ce qu’il veut dans le fond, broyer du noir. Il ne sait pas. De toute façon, il n’est que perdu depuis l’accident d’Alex, la perte des bébés, … « Peut être.. Je ne sais pas. Je vais y réfléchir. » Il tourne la tête deux secondes vers Margot pour lui adresser un petit sourire pour la rassurer, lui montrer que ça n’allait pas si mal que ça. Il ne veut pas qu’elle s’inquiète pour lui. Ou alors juste un peu quand même lorsqu’elle prévoit de faire monter Melchior dans une attraction à sensation forte. Ce n’est pas de la peur non, c’est de l’appréhension. On ne sait jamais si ces machines sont fiables ou non, il y a tellement eu d’incidents avec que désormais il se méfie. Mais la jeune Margot prend les choses en main et va même jusqu’à lui dicter la conduite à tenir. Il sent ses doigts fins lui attraper la main pour l'entraîner à travers la foule. Elle va vite. « On va où ? Margot. Où est-ce qu’on v... » Il n’a pas le temps d’analyser la situation, de voir ce qu’elle prépare, de voir où elle l’emmène. Elle le pousse vers un wagon, le tout premier évidemment. Il n’est même pas sûr d’avoir compris ce qui lui arrive. Mais la rousse le lui explique bien vite, aussitôt que le wagon commence son ascension. Ses mains agrippent instinctivement la barrière de sécurité. Ah il commence à comprendre… Son visage se ferme immédiatement, les yeux tristement rivés sur les rails qui défilent sous ses pieds. La jeune femme lui attrape la main et il daigne tourner la tête vers elle. Il sait au fond de lui qu’elle a raison, mais il ne trouve rien à changer. Il ne comprend pas. Il veut comprendre, c’est tout ce qu’il demande. Il n’a pas eu la chance de pouvoir la retenir. Rien. Du jour au lendemain, il avait tout perdu. Et passer à autre chose… Bon sang ce que c’est dur. Il ne sait pas comment s’y prendre, ni même s’il en est capable. Mais c’est le soutien de son amie qui le touche davantage. « Pourquoi est-ce qu’il a fallu que tu sois si mature ? » Elle réussit presque à le faire se sentir ridicule s’il n’y a pas cette fichue descente au bout de cette montée qui hante ses pensées. Ça en est presque insoutenable. Il parvient tout de même à lui adresser un sourire, Margot m'épatera toujours. Autant qu’elle ne lui fait vivre l’enfer. Elle a ce don de le mettre dans des situations inconfortables. Comment est-ce qu’elle a su qu’il ne raffole pas des montagnes russes ? Il ne sait pas. Peut être qu’elle ne le savait pas non plus, mais sur toutes les choses qu’ils auraient pu faire, elle a choisi les montagnes russes. Un don vous dis-je ! Alors maintenant, Melchior resserre ses doigts sur les attaches et tandis que le wagon accueille la première descente, une bien rude descente, il ne se retient pas. Il ne peut pas. Il hurle presque aussi longtemps qu’il ne s’en croyait capable. Il hurle parce qu’il a horreur de cette sensation d’apesanteur, de la vitesse, de la montagne russe, des terribles accidents qui pourraient survenir à tout moment. Puis il finit par hurler… parce que ça lui fait du bien. Parce qu’il y a ce venin qu’il cumule depuis quelques jours qui se déverse peu à peu aussi. Il finit par ne même plus faire attention à l’attraction en elle-même et finit même par rire à son tour, avant de continuer à crier, hurler de bon coeur. Et ce, même lorsque le wagon arrive à son terminus, déclenchant l’hilarité de certains, mais ça lui fait du bien. Il rit, peinant à retrouver son souffle après ses hurlements et rires pendant tout le trajet. « Bon d’accord... je dois reconnaître… que c’était… pas si mal… tout compte fait... » parvient-il à dire, en reposant sa tête contre la barrière, ereinté par ce périple court, mais intense.

Elle veut qu'il vienne. Pas pour elle - ou du moins, pas seulement, puisque évidemment Margot serait ravie de voir Melchior au Summer Camp - mais surtout pour lui, pour son propre bien. Il a ... Beaucoup trop perdu en trop peu de temps. Et Margot, elle sait ce que c'est, de se perdre dans la douleur. Quand Adriel est parti, brisant ses espoirs en plein vol, elle s'est laissé couler, la rousse, couler bien bas, et si elle n'avait pas eu ses soeurs, ses proches pour la soutenir, peut-être qu'elle serait encore dans un état lamentable. Alors elle insiste, comme elle peut, et face à la promesse de Melchior d'y réfléchir, elle hoche la tête, respecte son choix. « Pour avoir déjà voyager en Asie.. Au moins voir le pays, ça vaut le coup. » Qu'elle explique en ultime argument, s'il n'y a que la compétition qui lui déplait. Puis, elle attaque les hostilités. Empoigne son ami par la main, le traînant avec autorité - malgré son tout petit gabarit - jusqu'aux montagnes russes où elle le fait s'asseoir. Première ligne. Combattre le mal par le mal. Elle entrelace ses doigts à Melchior, et elle le sent bien se tendre dès qu'elle s'explique. Mais ça ne l'arrête pas. Elle continue, dit tout ce qu'elle pense, tout ce qu'il a besoin d'entendre, ne pouvant se défiler, littéralement sanglé à côté d'elle. Il ne peut ni échapper à ses mots, ni à l'adrénaline à venir. Et alors qu'ils approchent du sommet avant la descente infernale, la question de Melchior lui arrache un rire. « Je ne le suis que quand c'est utile. » Et pour lui, ça l'est. Pour les autres, pour ceux qui comptent, elle sait faire preuve de maturité. Pour elle-même, c'est une autre affaire.

« Prêt ? » Un ralenti, arrivés en haut, ils ont bien le temps de voir la chute vertigineuse qui les attend. Et malgré elle, elle rit, Margot, amusée de voir un homme si grand vis à vis d'elle, totalement mal à l'aise devant ce qui l'attend. Alors pour montrer l'exemple, elle hurle. Elle hurle avant même la chute, rejointe rapidement par Melchior quand le manège prend de la vitesse. Elle ne s'arrête que le temps de reprendre son souffle, et le temps de rire. Car elle le voit, elle l'entend, crier jusqu'à manquer d'air, rire sous l'effet de l'adrénaline, de ce bien fou procuré par l'attraction. Et quand enfin ils arrivent ce n'est même plus elle qui fait tout le boucan, mais bien lui, provoquant une vague de rires dans l'assemblée. Lèvres pincées, sourire en coin, elle le regarde, jauge sa réaction, qui ne tarde pas à venir. Et elle est tellement, tellement heureuse de voir que c'est une victoire. Il est essoufflé, mais il sourit. Et c'est un premier pas vers la convalescence de son pauvre coeur meurtri. « Allez, viens. » dit-elle en se sortant du wagon, retournant avec Melchior dans le dédale de rues créées par les forrains: stands de tir, maisons hantées, palais des miroirs... Elle se tourne pour marcher à reculons, tout en lui faisant face. « Comme je t'ai torturé d'entrée de jeu pour te préparer psychologiquement, grande dame que je suis, je te laisse le choix sur la suite: Palais des glaces, maison hantée, ou tu joues les preux chevaliers et tu me chope une peluche au stand de tir ? » De toutes manières, elle avait pris des jetons pour tout, et s'il refusait un truc, eh bien.. elle le ferait seule. Deux fois.