Rester couché sur ce lit, le regard perdu dans le vide, le plus souvent fixé sur un plafond que je ne vois pas vraiment. Je tourne légèrement mon visage lorsqu’une infirmière passe me voir, pour me donner des cachets, tels que des antidouleurs, ou pour m’apporter mes repas. Par moments elle touche mes perfusions, me disent quelques mots que je n’écoute pas, avant de repartir. Je me fiche complètement de ce qu’elle me dit, plus rien n’a vraiment de sens pour moi. Le vide s’est simplement installé en moi, me transformant simplement en coquille vide. La douleur physique me paraît tellement lointaine, peut-être à cause des antidouleurs ou simplement car la douleur psychologique est bien plus grande et qu’aucun médicament ne peut la soulager. Je ne tourne pas tout de suite la tête en entendant la porte d’entrée s’ouvrir, pensant qu’il s’agit une nouvelle fois d’une infirmière, venu surveiller ma tension ou je ne sais quelle autre connerie, ou me faire un petit sermon car encore une fois je n’ai rien mangé. Mais c’est la voix ‘un homme qui s’élève à mes côtés. Mon corps pivote lentement en direction de cette dernière, ne pouvant tourner mon visage avec cette fichue entorse à mes cervicales. « Salut Ale. » répondis-je, laissant légèrement la commissure de mes lèvres remonter. L’esquisse d’un sourire si l’on veut. Je décide de me relever légèrement, grimaçant légèrement alors que je m’appuie sur mes coudes écorchés pour remonter mon corps. « Tu peux me passer la télécommande du lit ? » lui demandai-je, à vrai dire, je ne sais pas où elle est, certainement sur la table de nuit, mais tourner la tête pour vérifier n’est plus vraiment dans mes cordes. Lorsque le lit est suffisamment remonté pour me permettre une position assise agréable, je relève mon regard vers Alejandro« Merci c’est gentil, mais je n’ai pas vraiment faim ... mais sers toi. » dis-je en ouvrant la boîte de gâteau comme je le peux avec ma main valide.

Avoir de la visite, ces derniers temps Alejandro n’est pas le seul à venir prendre mes nouvelles. Dans le fond, cela me réjouit de voir tous ses visages familiers venir à ma rencontre, affronter l’ambiance lugubre de l’hôpital pour me rendre visite… Mais de l’autre côté, l’idée qu’ils me voient tous dans cet état n’est pas géniale. Ce n’est pas l’image que j’ai envie de renvoyer, mais je ne peux faire autrement. Sourire à nouveau entendre un éclat d rire sortir de mes lèvres me semble impossible à présent. Malgré tout je fais l’effort, pour ne pas qu’Alejandro pense que je ne suis pas heureuse de le voir ou autres. La douleur qui me prend les côtés lorsque je tente de me relever me fait grimacer. Lorsque je ne bouge pas, je pourrai presque oublier que certaines d’entre elles ne sont pas cassé lors du choc… Mais les antidouleurs semblent inefficaces dès que j’effectue un mouvement. « ça va-t'en fait pas. » dis-je simplement, finissant de relever mon corps avant de lui demander la télécommande, pour pouvoir ainsi relever le haut du lit pour pouvoir caler mon dos contre mes oreilles. « Vas’y amuse-toi. Tu peux appuyer sur le bouton d'en haut pour faire monter le haut du lit pour la peine. » dis-je. Si cela l’amuse autant qu’il le fasse pour moi, me retrouver cloué sur un lit d’hôpital n’est pas vraiment ce que j’aurais souhaité pour le début d’année 2017. Je récupère finalement la télécommande, pour régler à quelques degrés après l’inclination avant de reposer mon dos contre la montagne d’oreille, un léger soupir de soulagement sortant de mes lèvres. Je tourne mon regard vers le bouquet qu’il a ramené et tend les mains pour le prendre et inspecter les différentes fleurs qu’il a prises. « oui c’est une Nelumbo nicifera. Elles sont magnifiques merci. Et ma fleur préférée est le jasmin. En orient ça symbolise l’amour. »dis-je avec un léger sourire en laissant passer mes doigts sur l'un des pétales de fleurs. L’amour de mon fils que je ne connaîtrais jamais … Je les pose finalement sur le lit, en face de moi en entendant d’avoir la possibilité de les mettre dans un vase quand je le pourrai. Ma dent vient emprisonner ma lèvre inférieure à sa question, ayant l’instinct de poser ma main sur mon ventre vide, qui dégonfle trop rapidement à mon goût à présent. « Physiquement… j’ai eu de la chance d’après les infirmières. » dis-je, haussant très lentement les épaules. Perdre un bébé est une chance ? je ne crois pas. « Cet accident aurait pu nous tuer tous les trois... on est deux à avoir survécu alors pour eux... c’est une bonne chose. » surtout que le troisième n’était même pas encore né… ce que je trouve d’autant plus horrible. Il n’aura jamais la chance de voir le jour , de respirer, d’ouvrir les yeux… même d’avoir un prénom. Je me mordille un peu plus fort la lèvre pour ne pas laisser échapper des sanglots.

Retrouver des fleurs de mon pays me rend nostalgique, un léger sourire aux lèvres en regardant cette fleur, laissant mes doigts caresser son pétale. Je pourrais, peut-être rapidement en revoir si je retourne en Égypte... À présent plus rien ne m’empêche d’y retourner. Je n’ai plus de bébé plus de raisons de me cacher, de cacher cette grossesse non désirée à mes parents… Mais cette grossesse non désirée, l’abandon du bébé, tout ça avait été mis de côté juste avant l’accident, un accord avec plus ou moins été trouvé. Du moins ce dont je me souvienne. Et le fait de perdre le bébé est encore plus douloureux, pendant quelques secondes j’ai cru que je pourrai l’élever, le prendre dans mes bras, entendre son rire, entendre ses premiers mots… être une mère tout simplement. Mais tout est à présent réduit à néant, et n’importe quelle fleur ne réussira à changer cela. Je tourne mon regard vers Alejandro le regardant disposer le bouquet dans un vase avant d’écouter ses dires son poème, réfléchissant légèrement là-dessus pendant quelques secondes. « Je l’aimais Alejandro… avant même de faire sa rencontre je l’aimais. Il était en moi et… je n'ai plus rien maintenant. » dis-je en laissant quelques larmes coulait par mégarde sur mes joues « Dieu a toujours été contre mes décisions… je ne mérite certainement pas sa grâce… »

Ce bébé représentait tout, tout ce qui me restait. En acceptant de le garder, j’ai accepté de m’éloigner de ma famille durant cette grossesse, de ne pas retourner en Égypte pour les fêtes de fin d’année, nos soirées conversation vidéo sur Skype se sont réduites, de peur que ces derniers ne voient mon ventre arrondi si je me redresse trop par manque de précaution, ou simplement s’il remarque que mon visage s’est arrondie … Me pardonneront-ils cet éloignement, sans que je puisse leur donner une explication juste et vrai ? Et me pardonnerai-je à moi-même d’avoir perdu ce bébé d’avoir fait confiance à Darwin en me laissant conduire par lui à l’hôpital et ramener ? « Mais ai-je encore une vie Ale ? » dis-je en haussant les épaules, en passant une main sous mes yeux pour essuyer mes larmes, tandis que mon regard se pose sur ce ventre qui va continuer de me hanter pendant de nombreuses années… « SI un jour je souhaite avoir d’autres enfants... je serais toujours hanté par son souvenir, du fait qu’ils auraient pu avoir un grand frère… » dis-je en me mordillant la lèvre. Les photos de famille, dans mon esprit il manquera toujours quelqu’un. Je suis destiné à subir ce souvenir à être hanté par un fantôme que personne d'autre ne verra. « Darwin n’est même pas venu… je me sens seule dans cette situation... » dis-je en me mordillant la lèvre inférieure. J’aurai sans douter aimer en parler avec lui… « C’est de sa faute… » S’il n’avait pas mal pris son virage, s’il n’était pas si sûr de lui, il n’aurait pas roulé aussi vite. Il n’en voulait pas de cette enfant à la base, il m’a fait une crise alors que dans le fond, je suis sûre qu’il s’en fout. Il a une bonne excuse à présent pour ne pas m’épouser sans voir son « héritier » élevé par des gens bien et rempli d’amour.

Je souffle doucement, me sentant vraiment misérable en cet instant précis. Je n’ai pas été capable de protéger ce bébé, alors qu’il était encore à moi… Je suis une mère épouvantable avant d’avoir eu l’occasion d’en être une. Comment pourrai-je me regarder dans la glace, et vouloir d’un autre enfant ? Je détruis tout ce que je touche. La possibilité de faire des études à Harvard était une véritable chance que je ne cesse de gâcher, tout d’abord en retombant sur Noah, goutant aux plaisirs de la cher et en bafouant ma religion. Mes études que j’ai plus ou moins mises sur la pause à cause de cette grossesse, même si je continuais à aller en cours mon esprit n’étaient plus présent… Et à présent ce bébé qui n’avait rien demandé, que j’ai essayé d’épargner en refusant d’avorter, pour lui donner une chance, une chance d’avoir une vie avec une famille qui aurait su s’occuper de lui, mais même là-dessus… j’ai échoué. Je relève mon regard vers l’espagnol. « Je voulais le faire adopter… Enfin c’était la solution la plus simple … » dis-je en me mordillant la lèvre. Cela aurait été tellement plus simple en effet, surtout si je l’aimais pas tant, si je ne m’étais pas attaché à lui, je n’aurais eu aucun mal à faire mon deuil. « Mais j’aurai aimé l’appelé Naël. Je voulais un prénom qui commence par N, en référence à Nekho… je suis sûr qu’il aurait été un oncle formidable. Naël Heruben… » dis-je tandis que ma voix se perd bloquée dans ma gorge. Évidemment, tout cela, Darwin ne le savait pas... Il voulait que son fils soit son héritier, mais je suis certaine qu’il ne s’est pas imaginé une seconde avec ce dernier blotti contre ses bras, qu’il n’a pas réfléchi non plus à un prénom… rien, et il osait me faire des reproches, disant que j’étais sans cœur de vouloir l’abandonner, pour qu’il est de vrais parents, et non pas des parents encore en études. « C’est lui qui conduisait Alejandro… il allait vite, trop vite... il ne m’a pas écouté, il n’a pas voulu ralentir…et il a raté son virage; »