« Vous êtes les pires enfants que j'ai eu! De vrais monstres. » Je regardais cette femme d'un air blasé. Je ne savais même plus c'était quoi son prénom et ça ne m'intéressait pas de le savoir. Mes frères et moi, nous aimions pas les nounous. À peine haute comme trois pommes et je défiais chacune des règles qu'on nous imposait. Pas le droit de faire si, pas le droit de faire ça, interdiction de crier ou de courir dans le palais. Pour ma part, j'avais peinturée un mur et je me prenais pour Picasso. Mon dessin ne ressemblait à rien en partant mais, j'étais littéralement fière de mon oeuvre. Je la voyais qui se prenait le visage dans ses mains, en sanglotant. Elle était là depuis quelques semaines et elle craquait déjà. On venait de faire fuir une énième nounou. Mes parents engageaient une fois de plus quelqu'un pour s'occuper de nous et chacunes des femmes finissaient par démissionner au bout d'un moment. Nous des terreurs? Non pas du tout. 


J'étais la seule fille de la famille. Abélard et Hadès les ainés, moi celle du milieu et j'avais un petit frère, Arthur. 

J'aurais aimée être née dans une autre famille, vivre dans un milieu familial complètement différent que celui dans lequel je vivais. Du plus loin que je me souvienne, mes parents ont toujours fait en sorte que nous accordions une importance à notre statut, notre milieu et notre richesse. Nous n'avions pas le droit de faire un faux pas, éviter d'être mêlés à des scandales. Mes frères semblaient supporter cette pression de la part de mes parents et c'était tout autre pour moi. Je n'avais pas la même vision des choses. En vieillissant, j'ai compris que j'étais anticonformiste. Ce n'était pas facile d'être étiquetée la future princesse de Belgique. J'avais pas envie d'être une princesse, je voulais être tout sauf une p'tain de princesse à la con. Ma famille était beaucoup trop riche. J'étais la descendante du fondateur de l'Oréal et mon père était un prince. L'argent, popularité, faire bonne première impression, famille heureuse et parfaite, merci mais non merci. Déjà que je n'étais pas une enfant facile à éduquer, je ressentais une certaine pression. Plus la pression s'accentuait et plus je me refermais sur moi-même. J'aimais mes parents mais, c'était trop pour moi. Je m'éloignais de plus en plus de ce merdier dans lequel j'étais coincée. J'étouffais et je voulais faire ce que je voulais de ma vie. « Hey Agathe, prends ça. Tu verras, tu te sentiras beaucoup mieux. Fais-moi confiance. » Je regardais ce mec qui me tendait un joint. Pourquoi pas? Mes parents n'étaient pas là pour crier au scandale, mes frères n'étaient pas là non plus. Je haussais les épaules, en lui souriant et je pris le joint entre mes doigts. Je le portais à mes lèvres et j'aspirais. Je gardais la fumée dans ma bouche. Ça me chatouillait la gorge, j'savais pas comment faire en fait. Le mec devant moi se mit à rire en me voyant tousser. Ouais bah, c'était ma toute première fois. Il reprit le joint et il me montrait comment faire. C'était naturel pour lui. Puis, j'ai commencée à traîner avec lui et ses potes et les amis de ses potes. 

Mes parents et mes frères étaient conviés à une soirée mondaine. J'ai dû les suivre, même si j'en avais pas du tout envie. Je n'arrêtais pas de râler, j'avais pas envie de me retrouver entourée de péteux. Je me faufilais au travers de la foule, à la recherche du bar. Le seul point positif à cette soirée. J'avais piquée une bouteille d'alcool qui traînait et je fis attention pour pas me faire repérer. Au même moment, mon téléphone vibra, m'annonçant qu'un sms venait de rentrer. Je regardais l'écran. Y'a une p'tite fête, t'as pas envie de venir? J'me fais chier Gaga. Je haussais un sourcil, en souriant et sans attendre, je m'éclipsais de cette soirée mondaine de merde. Inutile de vous dire que le lendemain, mes parents n'étaient pas du tout ravis. Irrespectueuse, rebelle, révoltée. Voilà ce que j'étais, aux yeux de mes parents. 

Puis, il y a eu la disparition de Arthur, mon jeune frère. Le 24 décembre 2015 restera gravé dans ma mémoire à tout jamais. Il a disparu alors que Hadès et Abélard avaient pour rôle de le surveiller. Mes parents étaient furieux contre eux. Ils pleuraient, tous pleuraient. Ils ont tout fait pour le retrouver. Engager des détectives, payer une voyante, faire des conférences de presse, donner de l'argent en échange d'informations. Ça n'avait servi à rien, Arthur était porté disparu. Personne ne l'avait vu quitter le magasin, personne n'avait de réponse à nos questions. J'éprouvais de la haine en-dedans de moi, il y avait énormément de tensions au sein de notre famille. L'atmosphère était glaciale. Tous essayaient de garder la tête hors de l'eau. Pour moi, c'était impossible de garder la tête haute, c'était au-dessus de mes forces. Il y a eu des impacts importants sur chacun des membres de ma famille, incluant moi. Je me défonçais de plus en plus souvent, voir quotidiennement. C'était la fête à tous les soirs. Je m'en foutais de tout, j'voulais profiter de la vie au maximum. J'étais déjà la fêtarde de la famille mais, avec la disparation de mon frère, c'était pire. Abélard avait consulté une voyante afin de retrouver la trace de Arthur. Selon elle, il se trouvait à Boston. Mon cul ouais. J'y croyais pas. Et j'y crois toujours pas. Mensonge. C'était du n'importe quoi. C'est du n'importe quoi. J'ai intégrée Harvard en septembre 2016. Mes parents ne pouvant plus me supporter, décidèrent que c'était préférable que je sois entourée de mes chers frères. Ils espéraient qu'en intégrant cette université, je finirais par me calmer. Apprendre à être un peu plus sérieuse, plus respectueuse, moins gamine, moins je-m'en-foutiste. Ils espèrent pour rien, car jamais je vais changer.