Nous aurions pu nous croiser sur le campus tout simplement, sans le savoir je débarquais sur les lieux même où Jarod faisait ses études. Nous nous étions séparés il y a des années, séparés est un bien grand mot. Monsieur éprit de liberté voulait profiter de sa nouvelle indépendance acquise. Je voulais le suivre, nous étions amoureux et à cette époque je ne voyais pas ma vie sans lui? J'étais toute jeune, seize ans l'époque du premier amour. On  croit toujours que c'est pour la vie... Mais, on m'a barré la route, la route vers lui et on ne sait jamais revus. Dix années ont passé et le karma, le destin, simplement la vie nous a remit sur le chemin l'un de l'autre. Juste ici en pleine rue, une fin de soirée où je quittais un petit bar où j'avais passé la soirée avec un groupe d'amis. Je tournais au coin d'une ruelle préférant marcher pour rentrer. J'aurai pu rentrer tout simplement et ne jamais percuter l'épaule de cet inconnu qui très vite s'excuse de m'avoir bousculée. Oui, nous aurions pu encore longtemps ne pas nous croiser. Puis mon regard s'est relevé, il s'est déposé sur les traits du visage de cet inconnu, j'avais le sourire aux lèvres prête à l'excuser. Jusqu'à ce que ce regard ne me heurte de plein fouet. Dix ans mais, chacun de ses traits même vieilli vient m'interloquer et me stupéfier. Je reste figée n'arrivant plus à sortir mon, "ce n'est pas grave y a pas de mal". Non je reste muette. Dois-je le prendre dans mes bras, lui dire qu'il m'a manqué et que je me suis inquiétée de savoir ce qu'il était devenu? Dois-je sourire tout simplement et lui dire bonsoir? Je suis trop stupéfaite pour savoir comment réagir face à mon ex petit ami. Jarod? ce fut la seule chose que je réussi à prononcer.  

Après un de mes derniers combat, j’avais décidé d’aller marcher un peu dans la ville au lieu de rester planté dans mon appartement avec mon chat. Je marchais sans trop avoir de réels buts, un peu trop dans mes pensées à vrai dire. Écouteurs sur les oreilles crachant du vieux son, capuche sur la tête, je venais d’écraser ma dernière cigarette. Sans faire gaffe, je bousculais une jeune femme et lui attrapais le bras seulement quelques secondes pour l’empêcher d’aller voler à l’autre bout de la rue. Je m’excusais alors puis décidais de continuer ma route jusqu’à entendre mon prénom. Je me retournais alors et fronçais les sourcils devant cette douce mine. « Jenna… tu… ouaw. » J’en décrochais presque ma mâchoire, elle était là en chair et en os après environ dix ans. Je repartais très loin en arrière, lorsque j’étais un adolescent, lorsque je commençais à en bouffer à cause de la vie. Je n’avais pas le cœur aussi lourd à cause du décès de Joanne, j’étais un peu plus innocent, un peu moins débrouillard, mais j’étais moi, éperdu d’une jeune blonde encore plus innocente que moi. « Qu’est-ce que tu fais ici, tu es à Harvard ? » Je croisais mes bras contre mon poitrail puis je l’observais longuement. Son visage d’enfant avait laissé place à des traits plus que gracieux. Pour une fois j’étais heureux de recroiser quelqu’un de mon passé, après tout ce n’était pas n’importe qui est puis elle semblait en forme.

Je restais statique, choquée, stupéfaite pour tout avouer. Jamais je n'aurais pensé recroiser sa route un jour, juste comme ça par le plus pur des hasards. Pendant un an ou deux j'avais tenté de le retrouver, j'avais même tenté de pirater son téléphone à distance mais, il avait tout bonnement un jour changé de numéro. Il est vrai qu'avec mon talent de hackeuse qui s'était développé au fil des années, j'aurais très certainement pu tenter de retracer le jeune homme. Mais, au bout de quelques années, les souvenirs sont moins vivaces, ils restent stockés quelque part dans votre mémoire mais, on continue, d'avancer, de vivre. Mes souvenirs avec lui et de son départ s'étaient estompés. Mais, là l'ayant devant moi, tout me revenait en pleine face sans crier gare. Tu? Ouaw? Je que? En plus de débarquer comme un ovni, il ne terminait pas ses phrases. Du moins jusqu'à ce qu'il arrive à me sortir une phrase complète. Je l'observais alors longuement, il avait nettement changé, même son regard avait changé. Il était plus lourd, moins insouciant. J'ai toujours été douée pour analyser les gens. Oui, il avait un vécu derrière lui, bien plus lourd qu'à l'époque. Toute fois, je ne pu m'empêcher de sourire à mon ex. Après tout je n'avais pas spécialement de rancoeur envers ce dernier. Il était parti mais, il avait voulu m'emmener. La vie s'était chargée de nous en empêcher. Je me suis imaginé ce moment des tas de fois dans ma tête. Celui où je te reverrai mais, je ne l'ai jamais imaginé de cette manière. Et j'imagine que si je te dis oui, c'est maintenant que tu vas me dire que toi aussi? Oh oui j'étais devenue très pragmatique et puis ça tombait sous le sens. Je vivais à Boston, l'entreprise de mon père était à Boston. J'étais douée quoi de plus normal de me voir débarquer à Harvard? Il aurait du s'en douter mais, il semblait ne pas y avoir pensé. Je me rembrunis aussi vite. Désolée, je suis encore un peu sonnée, c'est toi que je n'attendais pas à voir débarquer si près de Boston après autant d'années. dis-je tout simplement.   

Je l’écoutais attentivement. J’étais con, j’avais complètement zappé que son père avait installé ses entreprises ici. Ma mémoire me faisait défaut, ou alors elle avait simplement sélectionné quelques souvenirs de mon passé. Après tout, j’avais été avec Joanne alors pourquoi recontacter Jenna, quitte à en rendre jalouse une ? Mais de l’eau avait coulé sous les ponts depuis. « Je pense sincèrement que… oui. Honnêtement, je ne pensais pas te retrouver un jour, j’veux dire, je te voyais bien dans un pays où je n’aurais jamais la chance de mettre les pieds, ce genre de chose. Alors te retrouver ici, comme ça… » J'savais pas quoi dire d’autre franchement. Je haussais les épaules et lâchais un léger rire, ouais la situation était plus qu'étrange. « Je dois avouer que j’ai pas mal vagabondé et certains chemins m’ont mené à Boston, plus précisément à Harvard. » Je n’avais jamais cherché à la recontacter, plus jeune, son père m’avait bien fait comprendre que si je tentais quoi que ce soit, il était fort probable que l’on ne retrouve jamais mon corps. Bien sûr il n’avait pas dit ses propres mots, mais disons que ça avait une concordance au niveau du son que ça diffusait jusqu’à mes oreilles. J’enfouissais mes mains dans mes poches et je la regardais avec un sourire certain. « Tu es magnifique. Alors, qu’est-ce que tu deviens ? » Elle était peut-être pressée, moi aussi… quoi que pas tellement en fait, j’avais juste envie de ne pas écourter ce moment, d’en apprendre plus sur elle. Il faut dire qu’à par Joanne, Jenna était une des seules filles à avoir réellement partagé ma vie, même si ce n’était qu’un amour d’adolescent.

J'étais étonnée oui clairement après dix ans, je n'arrivais même pas à l'imaginer remettre les pieds ici. J'étais émue aussi parce que notre passé avait compté, j'étais amoureuse pour la toute première fois, et je voyais l'amour comme quelque chose de beau, de romantique j'étais une adolescente. Mais, notre relation ne s'était pas terminée de façon naturelle, je n'avais pas cessé un jour de l'aimer non. On m'avait tout simplement imposé d'arrêter d'aimer ce mec qui n'était pas mon avenir. Le revoir maintenant était troublant. Toutefois, je lui souris. Qu'aurais-je pu faire d'autre? Lui crier dessus parce qu'il était parti sans moi? A quoi bon maintenant? Je l'écoutais alors m'imaginant dans un autre pays comme une petite fille de riche partie chercher le bonheur ailleurs? Profitant du fric de papa et des bonnes choses de la vie? Tu serais effaré de savoir que je n'ai jamais quitté Boston. Il me confirmait qu'il avait bien fini à Harvard lui aussi. Sans doute bien avant moi. Moi je venais tout juste d'arriver. J'entrais en première année. Tout comme je viens d'y entrer. Le destin est bizarre parfois non? Destin, hasard, allez savoir ce qui nous avait poussé à faire nos études au même endroit. Du coup une question me brûlait les lèvres, depuis quand était-il là, aussi proche que ça? Pourtant je ne la lui posais pas préférant l'écouter à nouveau. Comment combler dix ans en quelques minutes. Qu'était ma vie à présent? Tant de choses s'étaient passé pour moi, surement comme pour lui. Comme la mort de mon père il y a quelques mois et celle de ma mère il y a des années. Dix ans c'est long et en plus il fait froid. Un café ça te tente? dis-je tout simplement évitant soigneusement de relever son compliment même si j'étais flattée.    

« Vraiment ? » Je restais immobile en posant mes yeux sur elle, j’comprenais pas pourquoi elle n’était jamais partie d’ici. J’étais dans la totale incompréhension à vrai dire. Autrefois son père m’avait fait tout un discours moralisateur et surtout menaçant sur l’avenir brillant de sa fille, sur le fait qu’elle parcourrait probablement le monde en compagnie d’hommes influents et non en compagnie du vagabond que j’étais. « Oui oui… c’est très bizarre. » J’étais encore abasourdi par cette révélation, si ça se trouve, j’aurais pu la croiser des années avant. Jenna n’était pas n’importe quelle personne, elle avait terriblement compté dans ma vie et croyez-moi il n’y en avait pas énormément. J’avais aimé cette fille, ce n’était peut-être qu’un amour d’ado mais j’avais mis longtemps à l’oublier et puis merde, c’était le premier. Mais à part Joanne et Sanaa, je n’avais jamais ouvert mon cœur à quelqu’un d’autre qu’elle… J’la questionnais alors sur son passé, sur ce qu’elle était devenue à part une jeune femme élégante et elle restait visiblement en retrait. Un café ? Je restais un moment dans le silence et j’acceptais, bien évidemment. C’est juste que j’me trouvais con de ne pas avoir eu l’idée avant, peut-être parce que j’étais trop fauché pour me payer quoi que ce soit, mais qu’importe, c’était Jenna qu’il y avait en face de moi. « Okay, on y va. » J’faisais quelques pas avec elle jusqu’à un petit bar du coin puis j’entrais avec elle, lui tenant bien évidemment la porte. On allait se mettre à une petite table dans un coin. J’enlevais mon blouson puis je prenais place en face d’elle. Une serveuse arrivait alors rapidement à notre rencontre et je commandais un café noir, sans sucre, laissant ensuite la blonde décider de ses envies.