J’avais sept ans lorsque les premiers symptômes sont apparus. Les médecins ne croyaient pas cela possible, mais ils se sont tous rendus à la même conclusion. Quand le verdict est tombé, maman a fondu en larme et papa, je le voyais bien, tentais de ne pas pleurer. Il n’a cessé de répéter qu’il fallait être forts. Tous les trois. Les docteurs ne cessaient de dire qu’il existait des traitements. La réponse n’était pas permanente, mais ça me permettrait de vivre plus normalement. Comment vivre normalement si j’ai parfois de la difficulté à marcher et à voir? J’avais beau être jeune et ne pas tout comprendre, mais je n’étais pas idiote. J’arrivais à lire la tristesse sur le visage de mes parents, l’inquiétude sur celle des médecins. Il fallait démanger. Je ne voulais pas. J’ai fait une crise, mais ça n’a rien changé. C’était soit le déménagement ou une agonie lente et douloureuse. Le choix n’a pas été difficile à faire, du moins pour mes parents. Dans ma petite tête d’enfant, je voulais rester avec mes amies, je ne voulais pas partir à New-York. Pourtant, je n’ai pas eu le choix. Je me souviens, je suis rentrée à la maison après l’école et mes valises étaient faites. Papa et maman avaient déjà vendu la maison. Ils avaient tout fait pour que je ne puisse rien dire. Je me suis contenté de soupirer et d’embarquer dans la voiture. Pas un adieu n’a été fait.

Après plusieurs heures de route, nous sommes finalement arrivés à destination. Encore endormie, je suis débarquée de la voiture et j’ai suivi papa. Je reconnaissais cette maison dans laquelle nous entrions, mais j’étais trop fatiguée pour pouvoir dire à qui elle appartenait ou à quel moment je l’avais vu. C’est en me réveillant, le lendemain matin, que j’ai su. J’ai entendu la voix de ma grand-mère et j’ai senti l’odeur des pancakes. C’était toujours ainsi lorsque je visitais grand-maman. Elle savait à quel point j’aimais les pancakes, alors elle m’en faisait presque tous les matins pour déjeuner. Je me suis habillée et j’ai descendu l’escalier. Grand-maman me regardais avec un sourire forcé. Je ne comprenais pas ce qui se passait. Maman et papa étaient aux petits soins avec moi. J’ai alors demandé à savoir ce qui se passait. Papa et maman se sont regardés, puis m’ont regardé. C’est alors que maman m’a annoncé que les traitements commenceraient dans une semaine.

Et effectivement, une semaine plus tard, je me retrouvais dans une salle blanche, immaculée qui puait le désinfectant. Les médecins m’ont expliqués en qui consisterait le traitement. Pour être honnête, je n’ai presque rien compris parce qu’ils utilisaient leurs termes médicaux, mais je savais que ça impliquait une aiguille plantée dans mon bras. C’était le premier d’une interminable série de piqure, d’injections. Il m’a fallu un certain temps pour m’y habituer – au départ, j’étais malade comme un chien suite aux traitements, ce qui avait le don d’inquiéter mes parents pour rien parce que c’était normal – mais après le dixième traitement, tout allait bien. Heureusement que nous vivions chez mes grand-parents et que la compagnie pour laquelle travaillait papa couvrait une partie des frais hospitaliers, parce que sinon, nous n’aurions pas passé l’année. Papa et maman avait réussi à vendre la maison pour un bon prix et ils ne versaient qu’un montant qu’ils considéraient très peu élevé à grand-papa et grand-maman.

Malgré les visites à l’hôpital, je réussissais à obtenir d’excellents résultats scolaires. Ma vie ne se résumait qu’à mes études et aux visites mensuelles que je rendais à mon médecin. Je n’avais que très peu d’amis, ce qui inquiétait ma famille. Pourtant, j’étais bien ainsi. Quand j’y repense, j’ai toujours préféré la solitude à la foule. Pas étonnant que j'étudie l’informatique. D’ailleurs, vous trouverez probablement ça étrange que j’aie été acceptée à Harvard dans ma condition. Mes parents n’ont pas nécessairement le budget pour me permettre d’y étudier. Voici donc comment je suis parvenue à entrer dans cette prestigieuse université.

Est venu le temps d’appliquer à l’université. Je crois bien avoir envoyé des demandes à toutes les universités américaines. J’ai reçu plusieurs refus, mais je ne me suis pas découragée. Je me souviens encore du jour ou grand-maman est rentrée dans la maison avec le courrier. Elle avait un large sourire au visage. Elle me tendit l’Enveloppe. Il y avait le sceau d’Hardvard dessus. J’ai soupiré, croyant avoir affaire à une autre lettre de refus. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’ai parcouru rapidement les lignes pour m’apercevoir qu’on venait de m’accepter. L’une des plus prestigieuses universités au monde me voulait dans ses rangs. Il est vrai, j’avais des résultats scolaires excellents. Grâce à ces derniers, j’ai réussi à obtenir une bourse d’étude assez généreuse. Papa et maman avaient déjà mis un gros montant d’argent de côté pour mes études. Ils planifiaient également de faire un voyage en Europe, mais ont décidé que cet argent allait être destiné à payer mes études. J’ai beau tenté de les convaincre, leur dire que je pouvais étudier dans une autre université, mais ils ont catégoriquement refusé. Ça semblait si irréaliste. Moi, la petite fille née dans une ville d’à peine dix-mille habitants, j’allais entrer à Harvard. Grand-papa et grand-maman ont également hypothéquer leur maison pour pouvoir aider à financer mes études. Tout ça, c’est trop pour moi. Je ne sais pas comment leur rendre. Je me contente d’avoir, comme à mon habitude, d’excellents résultats scolaires. J’essaie également de sociabiliser, mais c’est difficile. Lorsque je dis aux gens que je dois m’absenter, aller à l’hôpital, tout de suite, ils pensent que je suis malade, que c’est contagieux. Du coup, je me retrouve pas mal toujours seule. Heureusement, mon fidèle ami World of Warcraft est là pour moi, tout comme ma console Nintendo 64 – souvenir de mon enfance. Ça ne paraît peut-être pas ainsi, mais je suis probablement la fille la plus dépendent aux jeux vidéos que vous allez rencontrer. Je suis une nerd. Pas dans le sens négatif du terme, mais je peux passer des heures et des heures devant mon ordinateur à coder, que ce soit des sites internet, des petits jeux du genre tic-tac-toe. De temps à autre, je m’adonne au chant. Depuis que je suis petite, en fait depuis que j’ai assez de force pour tenir une guitare et appuyer sur les cordes, je joue de la guitare. Merci papa, c’est l’un des plus merveilleux cadeau que tu m’as donné. J’ai encore sa vieille guitare, usée par toutes ces années de pratique et d’avoir été trimballée de gauche à droite. Je la garde précieusement sous mon lit, dans son étui et la sort lorsque j’ai du temps. Je vais parfois même sur le terrain de l’école, m'assoies dans l’herbe et gratte les cordes. Je m’amuse ainsi et j’arrive même à composer quelques chansons.