22 janvier 2015. Cinq jours après les prises d'otage sur Harvard. Ce soir à la radio, j'avais entendu avec Wade les descriptions des quatre personnes qui étaient devenues tarées face à nous. J'avais reconnu mon agresseur.. celui qui était mort face à moi, en pointant son pistolet dans sa bouche pour s'ôter la vie. Cette image me hantait. J'avais même eu peur de revenir dans l'amphi pour récuperer mes affaires que j'avais laissé avec mes notes, mon ordinateur et tout tellement j'étais traumatisée. J'avais peur, j'étais parano, j'étais effrayée et tout ce que vous voulez. J'avais beau avoir de la pitié pour ces gens qui n'avaient jamais été acceptés par la société.. ils n'étaient que des violeurs et des tueurs. L'un d'entre eux avait envoyé mon meilleur ami à l'hôpital pour un coma et une blessure grave, d'autres de mes proches avaient également été touché. Graham aussi et avait failli y passer devant moi. Ca faisait cinq jours que j'dormais tous les soirs avec Wade, sans exception. Non, on s'installait pas ensemble, c'tait beaucoup trop tôt. Ca faisait à peine trois semaines qu'on était un couple. Mais j'avais besoin d'être avec lui, besoin de le sortir près de moi, de le savoir à côté de moi et pas stresser. Il m'apaisait. Keyla était avec Xaver, Graham sûrement Dixie et moi Wade. Ptete que notre appart était vide depuis cinq jours finalement.. faudrait que j'aille faire un tour. Il était plus de deux heures du mat, ptete même trois heures. Comme d'habitude avec Wade, on avait essayé de passer "le temps" en jouant à des jeux, en regardant des films, en faisant à manger, des trucs cons mais qui occupaient l'esprit. Puis cette fois, on avait décidé d'aller dormir plus tôt, pour voir si on en était capables. J'croyais l'être. 4h15. Mon coeur battait la chamade, les larmes me brûlaient les yeux, les images hantaient mon esprit même les yeux ouverts je les voyais très bien. Ma gorge était sèche et mon ventre était comme noué. Cauchemar. Comme toujours. J'm'étais réveillée en criant avant de me mettre assise passant une main dans mes cheveux, posant l'autre contre mon coeur deux secondes. Prête à partir du lit, j'posais mes pieds au sol pour pas réveiller Wade. J'étais juste en train de pleurer et j'pensais vraiment qu'il avait besoin de sommeil, j'ai pas l'droit d'être égoïste.

Déjà cinq jours. Cinq jours qu'il avait vu la mort devant ses yeux. Cinq jours qu'il était hanté, pris sans cesse entre ces images qui ne quittaient plus sa tête et le souvenir de la peur de perdre ses proches. Maëlys, qui avait été à ses côtés, Briony qui avait été en danger ailleurs et pour qui il avait cru perdre ses tripes... Alexander qui était dans le coma. Tout ça faisait qu'il était difficile de tourner la page, et de retrouver une vie normale, comme ils le voulaient tous. Il était fatigué, exténué même mais pourtant, comme chaque nuit, il n'arrivait pas à fermer l'oeil. Ou très peu. La présence de Briony à ses côté parvenait à le rassurer, et il savait que sans elle, il ne tiendrait tout simplement pas le coup. Il avait besoin de sentir sa chaleur, de se raccrocher à elle pour ne plus jamais la lâcher. Il avait tellement eu peur de la perdre que rien que l'idée de s'éloigner d'elle était inconcevable en ce moment. Les images de sa copine dans le coma revenaient à lui, accentuées par Alexander qui se trouvait dans le même état à présent... Il ressentait à nouveau cette peur qui le bouffait, qui le rendait dingue. Même son herbe ne parvenait plus à l'apaiser. Allongé sur le côté en regardant dans le vide, il ne sursauta presque même pas lorsque Briony se réveilla en criant, comme presque toute les nuits où elle ne s'écroulait pas de fatigue. L'entendre pleurer lui serrait le coeur alors qu'il savait très bien ce qui la faisait souffrir ainsi. Il la sentit se redresser pour s'asseoir sur le bord du lit, reniflant doucement alors qu'il se retournait vers elle, les yeux cernés et fatigués. Se redressant à son tour, il vint s'asseoir derrière elle en silence, l'entourant de ses bras avec douceur en posant sa tête au creux de son cou. Il resta ainsi quelques longues secondes avant de l'entraîner avec lui pour s'allonger sur le lit en la serrant contre lui, embrassant son épaule nue avant d'entremêler ses doigts aux siens. Elle sentait bon... C'était dingue comme ce simple contact, cette simple présence réussissait à lui réchauffer le coeur, bien qu'il se sente à la fois si mal de la voir dans cet état.

Je supportais de moins en moins les climats de peur avec l'âge. Avant, quand j'tais ado à Chicago, j'm'en fichais, j'tais "courageuse", j'avais peur de rien. J'connaissais pas autant l'attachement surtout. J'avais ma famille qui pouvait se protéger elle-même, Keyla qui était suffisamment loin pour éviter ces guerres de clan.. c'est tout ce qui m'importait à l'époque. Maintenant, tout l'monde pouvait être touché par ce terrorisme, surtout quand on est étudiants à Harvard. C'est bien plus facile. J'avais peur pour mes proches, peur pour les gens que j'aimais et que j'pouvais pas protéger d'une quelconque façon. Qui aurait pu croire qu'un McDo serait touché, qu'une bibliothèque ect ? Comment est-ce qu'on aurait pu imaginer qu'après la bombe... de nouveaux tarés viendraient pour nous effrayer tous ? That was not on the planning. J'avais peur qu'Alexander meure de ses blessures, peur de pu jamais vivre normalement, encore plus qu'avant avec ma paranoïa qui était déjà présente depuis un moment. Peur de perdre Wade, peur de jamais réussir à panser ses blessures, car j'voyais bien qu'il était pas bien lui aussi. Je faisais cauchemar sur cauchemar.. en général, ça avait toujours le même schéma. Quelqu'un que j'aimais qui mourrait sous mes yeux, sans que j'bouge pour le sauver. Hier ça avait été Keyla, avant hier Alexander, aujourd'hui ça avait été Wade. Les larmes coulaient sans que j'puisse les arrêter, ça semblait tellement réel, tellement impossible à vaincre que j'avais peur. Pourtant, il était là, à côté de moi. Il était blasé, il n'était pu affolé en m'entendant crier. Il savait quoi faire. Le jeune homme se mettait derrière moi, m'embrassant l'épaule, tandis que j'respirais fortement, essayant de calmer mes sanglots, me disant qu'il était là, qu'il était pas mort. Mais j'tais dur, vraiment. Quand il m'fit basculer pour revenir dans le lit, sans qu'un mot ne soit échangé. Je serrais fort sa main.. avant de finalement me retourner pour le prendre contre moi et le serrer fort. J'avais besoin de le savoir en vie. Oh Wade.. J'tais en train de devenir folle putain. Les images de Wade mourant dans mes bras étaient traumatisantes. J'avais peur de lui dire je t'aime, peur que ça aille trop vite, peur de gâcher des étapes. Mais tout était si fragile.

Briony tremblait entre ses bras et en la voyant ainsi pour la énième fois, Wade avait juste envie de hurler. D'étaler sa colère et sa peur au monde entier, de dire que tout ça n'était pas juste. Qu'Alexander ne méritait pas tout ça. Est-ce qu'il allait s'en sortir ? Cette question il se la posait à longueur de temps, et à chaque jours qui passaient, il avait l'impression de voir Briony dépérir un peu plus. Elle ne tiendrait pas le coup sans Alex. Il le savait pertinemment. Et cette idée, le fait de se dire que même son amour ne suffirait pas à la sauver.. ça le bouffait. Comme ça le bouffait d'imaginer Alexander mort. Tout ça était dur à supporter et malgré les apparences, malgré les sourires, il vivait un combat quotidien pour ne pas s'écrouler. Briony se retourna pour lui faire face, s'agrippant à son t-shirt en enfouissant son visage plein de larmes contre son torse. Oh Wade.. Wade l'attira à lui en passant sa main dans ses cheveux, tout en caressant doucement son bras nu. Je suis là.. dit-il en embrassant son front, puis ses pommettes, avant d'enfin trouver ses lèvres humides. Ne pleure plus, c'était un cauchemar.. Pas besoin d'être devin pour comprendre qu'elle avait fait un mauvais rêve.. Et vu ce qui lui était arrivé ces derniers jours, il imaginait bien à quoi il pouvait ressembler. Tout comme ses cauchemars à lui qui le faisaient se réveiller en pleine nuit en sueur, avant qu'il ne mette quelques secondes à comprendre que tout ça n'était que le fruit de son esprit. Voilà comment deux tarés pouvaient bouleverser en un rien de temps la vie de tout un tas de personnes. Ils restèrent ainsi de longues minutes, Wade attendant patiemment que Briony sèche ses larmes en la câlinant, se sentant comme à chaque fois inutile face à son chagrin. Que pouvait-il faire pour l'aider ? Pour faire qu'elle puisse s'endormir paisiblement, au moins une fois ? Pas grand chose.. et ça le rendait malade. Tu veux qu'on discute ? Pour penser à autre chose ?

J'tais à bout, j'allais jamais pouvoir remonter si Alexander ne s'en sortait pas. C'tait mon élément déclencheur pour que j'puisse essayer de soigner mes plaies pour ne pu les avoir béantes mais plutôt sous forme de cicatrice. J'avais besoin de Wade aussi, c'tait lui qui m'aidait à ne pas tourner folle. Les drames rapprochent. Y avait eu je ne sais combien de citations sur ça, et j'en connaissais aucune de tête pour pouvoir en citer, mais j'voulais juste dire que ce qui se passait en ce moment était la preuve. Mes sentiments pour Wade étaient en train de se décupler alors que j'tais au bout du rouleau. J'avais besoin de lui près de moi, de sa présence, de son sourire même si il se faisait rare et de son soutien. Sans lui, j'me perdais, je me noyais et tous les synonymes affreux qu'on pourrait trouver aussi. Je suis là.. Oui il était là. Il était pas mort dans mes bras, froid comme un cadavre, avec du sang un peu partout, ne respirant pu. Il était vivant. Il m'embrassait, prenait soin de moi. C'tait qu'un cauchemar fallait que j'revienne à la réalité. Ne pleure plus, c'était un cauchemar.. Je déglutis difficilement et me blottis volontiers dans les bras de mon petit ami. J'tais partie pour ne pu dormir du reste de la nuit là. Les images me hantaient, j'arrivais pas à me les enlever, c'tait affreux. Même les yeux ouverts. Wade mort. Jamais j'pourrais le supporter, jamais. Tu veux qu'on discute ? Pour penser à autre chose ? Combien de temps on était resté en silence dans les bras de l'autre avant qu'il ne prononce cette question ? Longtemps. Il était parfait. Il prenait soin de moi jour ET nuit ptete même plus nuit que jour. Il essayait pas de me faire dormir, il savait que ça n'allait pas marcher. Il était juste là, présent, c'tait mon petit ami. J'acquiesçais doucement, ne sachant pas quoi dire, ni quoi proposer comme sujet.. tout ce que j'avais en tête, c'tait Wade dans mes bras dans mon rêve parti dans l'autre monde. Alors forcément ça serait pas très folichon comme sujet de conversation.

Briony semblait doucement sécher ses larmes, bien qu'il la sentait encore fragile entre ses bras, se doutant que le souvenir de son cauchemar était toujours bien présent dans son esprit. Il se sentait tellement démuni face à tout ça, ne sachant pas vraiment quelle attitude adopter avec elle. Il ne disait rien, parce que ça ne servait à rien d'essayer de la faire se rendormir. Il était là, comme un couillon.. ou du moins c'était comme ça que lui le ressentait. Il lui demanda si elle voulait discuter, histoire de lui changer les idées et elle acquiesça doucement, sans pour autant oser parler. Il continuait de caresser ses cheveux doux, la gardant contre sa poitrine alors qu'il regardait le mur en face de lui. Pourquoi ça arrivait toujours à elle ce genre de choses, sérieusement ? D'accord là, ça touchait plusieurs personnes, mais quand même. Le souvenir de Briony inconsciente sur son lit d'hôpital ne quittait plus son esprit, et revenait à chaque fois qu'il allait voir Alexander avec elle. Vivait-elle la même chose avec Alexander ? Se rendait-elle compte de ce qu'il avait ressenti à ce moment là ? Combien il avait voulu étriper Andy ? Si il c'était écouté, il lui aurait rompu ses côtes déjà cassées tient. C'était si dur... et revivre tout ça même si il ne s'agissait pas de la fille qu'il aimait, c'était quand même un enfer. Quand j'étais petit et que je faisais des cauchemars, ma mère me disait tout le temps que c'est parce que je regardais trop la télévision en mangeant des bonbons. Du coup après j'ai plus mangé de bombecs pendant super longtemps dit-il l'air blasé, espérant la faire rire, même un tout petit peu. Il pensait souvent à sa mère en ce moment.. il avait eu sa soeur au téléphone suite à ce qu'il s'était passé, qui était morte d'inquiétude pour lui. Après coup, il se rendait compte qu'il ne lui donnait pas souvent de nouvelles et.. il s'en voulait un peu.

Pendant de longues années, je n'avais pas connu la peur et quand elle nous faisait face, après l'avoir tant défié, on se sentait sacrément petits. J'avais peur, je l'assumais totalement. J'tais pas habituée à être aussi vulnérable, à le montrer également. J'avais l'impression que tout ne faisait qu'empirer. Et le pire.. c'est que rien me touchait directement. La dernière chose qui avait été contre moi était l'histoire de Londres.. en janvier dernier avec des conséquences jusqu'en avril. Okay. Puis l'accident de voiture et voilà, c'est tout. Depuis, et surtout en ce moment, c'était uniquement mes amis qui prenaient. Ca je pouvais pas le supporter. Ma famille étant décédée y a un an et demi, ils étaient ma famille désormais, avec une connatation encore plus forte qu'avant. Si ils venaient à décéder.. ça n'allait juste pas être possible. J'me collais contre Wade, cherchant de la chaleur, une protection et de l'amour. J'avais besoin d'être avec Wade, qu'on ne se sépare pas.. sauf si il était crevé. Quand j'étais petit et que je faisais des cauchemars, ma mère me disait tout le temps que c'est parce que je regardais trop la télévision en mangeant des bonbons. Du coup après j'ai plus mangé de bombecs pendant super longtemps Je rigolais un peu en entendant cette histoire de Wade jeune. J'en entendais jamais parlé de cette partie de sa vie et qu'il me livre ça comme ça sans prévenir, ça me faisait vraiment plaisir, ça me touchait. Mais maintenant t'as repris.. dis-je en souriant toujours. Tu me parles jamais d'elle..

Au fond, avoir Briony dans ses bras le rassurait certainement autant qu’elle. Parce qu’il ne pouvait supporter de l’avoir loin de lui, d’imaginer qu’il puisse lui arriver quelque chose après ce qu’il c’était passé… A rester avec elle chaque jour et chaque lui il parvenait à conserver l’illusion que rien ne pouvait lui arriver, qu’elle était en sécurité, qu’ils resteraient ensemble quoi qu’il arrive… Briony rit légèrement en l’entendant parler de son enfance et même si ce n’était pas grand-chose, à ce stade, c’était déjà un soulagement. Il sourit légèrement à son tour, repensant à cette époque qui semblait bien loin de ce qu’ils étaient en train de vivre en ce moment. Elle se moqua même légèrement de lui en lui disant qu’il avait repris, ce qui était vrai, et heureusement d’un côté. Ouais, tellement que j’suis en train de devenir obèse t’as vu plaisanta-t-il en lui caressant les cheveux. Tu me parles jamais d’elle.. dit-elle soudain d’une voix plus sérieuse, ce qui fit légèrement retomber le sourire de Wade. Pas besoin de préciser de qui elle parlait, il le savait très bien. Sauf que parler de ça, penser à ça.. c’était pas évident pour lui. Ouais dit-il simplement en embrassant son front, sentant une boule se former légèrement dans sa gorge. Il inspira profondément avant de finalement reprendre la parole.  C’est vrai. Qu’est-ce que tu aimerais savoir ? demanda-t-il avec douceur, pour lui montrer qu’il n’était pas totalement fermé et qu’il acceptait d’en parler.. à son rythme.

Les battements de mon coeur étaient encore rapides et j'avais du mal à m'dire qu'un jour, j'irai mieux, j'arriverais à ne pu cauchemarder sur ce qui s'était passé en ce mois de janvier.. j'avais réussi à oublier les bombes ptete que les prises d'otage seraient pareilles.. ? Ouai nan. J'venais de dire un bon mensonge aha. Bien sûr que j'me souvenais des explosions ect et jamais j'oublierai ce qui s'tait passé y a même pas une semaine. Ca me faisait du bien d'être dans les bras de Wade, j'tais soulagée, j'me sentais protégée. Heureusement qu'il était là vraiment.. Ouais, tellement que j’suis en train de devenir obèse t’as vu Je rigolais un peu. T'vas devenir un nounours.. mon nounours. Après patate, voilà la surnom nounours. On était très charmants entre nous vous avez vu ? huhu. J'avais enchaîné sur le sujet de sa maman.. et j'savais que ça lui plaisait pas. Mais si j'évitais toujours le sujet, si j'le faisais pas un peu parler, est-ce que ça voulait dire qu'il gardait tout pour lui ? J'avais pas envie qu'il intériorise. Vraiment. Il méritait pas ça. Ouais Je fermais les yeux avec son baiser sur mon front et je regrettais presque ce que j'lui avais demandé. Il était peut être pas prêt. C’est vrai. Qu’est-ce que tu aimerais savoir ? Bon.. il m'envoyait pas chier, ça voulait ptete dire qu'on pouvait en discuter un peu. Je sais presque rien d'elle, si ce n'est qu'elle a réussi à pas t'faire manger de bonbon.. Je souris. Quels sont tes meilleurs souvenirs avec elle par exemple ? Ca avait été la question clé. Par la suite, Wade m'avait parlé d'absolument tout. Du cancer de sa maman, son père qui était alcolo et qui s'est jamais occupé de lui, qui travaillait pas, sa soeur qui avait bossé rapidement pour ramener du fric, Wade qui est devenu délinquant à 12 ans qui s'est fait tabasser et qui a tabassé aussi... Bref, j'avais appris à connaître Wade d'une autre façon, bien plus intime et ça ne renforçait que mon envie de le protéger. Encore et toujours.