« Tu crois vraiment que tu vas pouvoir vivre de la musique ? Mais tu te berces d’illusions ma pauvre fille … tu vas finir comme une moins que rien et ne compte pas sur nous pour t’aider, tu as fait ton choix, à présent tu te débrouilles. ». Les yeux baignés de larmes, Kitty regardait son père en le suppliant du regard d’arrêter de l’enfoncer un peu plus à chaque paroles qu’il prononçait mais Stephen Doubston se moquait éperdument de ce que pouvait bien faire ou dire sa fille, il avait besoin de s’énerver contre elle. A vrai dire … elle avait l’habitude, il en avait toujours été ainsi. Kitty était l’aînée, elle était celle qui devait montrer l’exemple, celle qui devait prendre les coups pour s’endurcir et pour protéger ses cadets et cadettes. Elle avait souvent entendu parler des privilèges des aînés, mais elle n’en avait jamais vu la couleur, malheureusement. La jeune femme avait l’habitude de lire la déception dans le regard de son géniteur, pourtant elle ne s’y habituait toujours pas, néanmoins elle avait espéré que pour une fois, rien qu’une fois, il allait le soutenir, autant dire qu’elle s’était mis le doigt dans l’œil. Son père ne lui avait même pas laissé le temps de s’expliquer, de lui faire comprendre combien la musique était importante à son existence qu’il avait commencé à hurler, à s’emporter contre elle et malgré sa fierté, elle s’était sentie faiblir de minute en minute face à cet homme imposant. Au fond, elle comprenait, elle était une Doubston, ne pas suivre les pas prestigieux de sa famille était une honte même si elle partait tout de même étudier à Harvard, ce n’était pas rien, mais non, elle restait une perdante à ses yeux. La jeune fille due se faire violence pour ne pas fondre en larmes devant lui, mais elle était forte, elle avait appris à encaisser avec les années. « Papa … ». Une toute petite voix, voilà tout ce qui lui restait à présent pour s’adresser à l’homme de la maison. Ce dernier posa un regard plein de mépris sur sa fille qui avait espéré qu’il allait fondre face à son regard brillant et la prendre dans ses bras pour lui assurer qu’il s’en voulait, que c’était sur le coup de la colère, mais non. A la place, Stephen la jaugea du regard et quitta le salon en reversant une lampe au passage, la faisant sursauter. Ce ne fut qu’une fois son père définitivement sorti de son champ de vision que Kitty craqua, de nombreuses larmes roulèrent le long de ses joues tandis que son menton se mit à trembler, révélant un dernier effort pour tenir avant de craquer définitivement lorsqu’elle sentit quelqu’un la prendre dans ses bras. « Chuut … Tu connais ton père ma chérie, ça lui passera. Il va se faire à cette idée, laisse-lui du temps. ». Sa mère passa tendrement une main dans les cheveux bruns et soyeux de sa fille et resserra un peu plus son étreinte. Du temps, c’était ce qu’elle lui laissait depuis des années et pourtant elle ne voyait aucun changement à l’horizon et elle avait toujours l’impression que son père la méprisait. Un sanglot la fit trembler et pleurer à nouveau. Tant pis, elle en avait assez d’être celle que son père voulait qu’elle soit. Elle ne rentrait pas dans le moule de la haute société, elle ne l’avait pas voulu enfant, elle ne le voulait pas plus aujourd’hui. Kitty en avait assez de se battre pour obtenir l’amour d’un père qui, de toute manière, avait toujours été absent, autant dans sa vie que dans celle de ses frères et sœurs. Kitty allait faire ce qu’elle voulait, elle allait étudier quelque chose qu’elle aimait, quelque chose qui la passionnait et son père n’avait pas son mot à dire. Elle avait bien trop pleuré à cause de lui, à présent il était temps que cela change.

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« Kit, bordel sors tes fesses du lit ! ». Une lumière chaude et aveuglante vint s’abattre sur le visage de la jeune femme qui dormait encore paisiblement dans son lit, bien au chaud sous les couvertures. Une grimace déforma son visage lorsqu’elle sentit les rayons du soleil s’abattre violemment sur son visage tourné en direction de la fenêtre dont les rideaux venaient d’être tirés. La jeune femme laissa échapper un grognement de mécontentement et tira sa couverture de sorte à recouvrir tout son corps et à se cacher de la lumière du jour qui était bien trop agressive à son goût. Dormir, voilà ce qu’elle voulait. Kitty voulait dormir en paix, est-ce que c’était trop demander ? A sentir la couverture qui fut ôté non pas de son visage, mais de tout son corps, il fallait croire que oui. Kitty se redressa d’un coup dans son lit, ses cheveux bruns en batailles et une moue encore endormie sur son visage. « Mais il est quelle heure ? ». Sa voix était rauque, elle avait peut-être un peu trop profitée de la soirée de la veille et surtout de l’alcool présent à cette dernière. A s’être redressée aussi rapidement, Kitty sentait l’arrivée imminente d’un pivert dans sa tête qui allait se faire un plaisir de lui rendre la journée impossible, elle en était persuadée. Face à elle, une jeune femme de son âge à la longue chevelure rousse et ondulée la fusillait du regard, mains posées sur ses hanches pour sembler plus sévère et agacée qu’elle n’en donnait déjà l’air. « Il est pratiquement quatorze heures et je tiens à te rappeler que tu as un projet à présenter dans, attends voir … ». La jeune femme ôta une de ses mains de sur sa hanche pour poser brièvement son regard sur sa montre et reporter quasiment aussitôt les yeux sur Kitty. « Dans une demie heure ! ». Aussitôt, Kitty semblait beaucoup plus réveillée. Ses yeux s’ouvrirent telles des soucoupes et son regard se posa sur le radio réveil dont les chiffres couleur ogre confirmaient les dires de son amie debout devant son lit. « Merde ! C’est pas vrai, je suis morte ! ». Ceci dit, la jeune femme se précipita hors de son lit, manquant de perdre l’équilibre lorsque ses pieds se prirent dans les draps de son lit qui trainaient au sol. Kitty se précipita dans la salle de bain où elle se prépara en quatrième vitesse en prenant tout de même soin de faire disparaitre cette tête de zombie qu’était la sienne. Cette vie était devenue son lot quotidien. Elle n’avait pas cédé au désir de son père, elle avait choisi de suivre des études musique à Harvard que ça plaise à son paternel ou non et elle en était fière, fière d’avoir enfin tenu tête à son père. Sa mère avait néanmoins réussi à trouver un compromis entre sa fille et son mari : Stephen laissait leur fille étudier la musique et l’aidait financièrement tandis que Kitty acceptait de suivre des études d’architecture en mineure et jusqu’à présent … le compromis tenait le coup. Bien sûr, elle avait mis du temps à s’adapter à la dose de cours que ça exigeait, mais elle y arrivait et était d’autant plus fière d’elle. Habillée, lavée, cheveux et dents brossés, Kitty se précipita hors de la salle de bain et entraîna son amie et sauveuse du jour avec elle, si jamais elle arrivait en retard pour présenter son projet on ne lui pardonnerait pas, vive Harvard !