cubicule seventeen, hell on earth

Je reste figé, le souffle coupé par tes mots. Ces phrases-là, elles transpercent, elles laissent une marque, un poids énorme qu’aucun silence ne peut combler. Ton corps contre le mien tremble, tes larmes brûlent à travers le tissu de mon t-shirt, et je me sens impuissant face à l’immensité de ta douleur. Mes bras se referment doucement autour de toi, comme si je pouvais, par ce simple geste, créer un bouclier, un espace où rien ni personne ne pourrait te toucher « Olive… » ma voix se brise légèrement, mais je continue, parce que je dois. « Tu vas y arriver seule, mais tu n’es pas seule. Tu m’entends ? Je suis là. Je suis là aujourd’hui, et je serai là demain, et le jour d’après encore. Tant que tu auras besoin de moi. » Je sens tes mains agripper un peu plus fermement mon dos, comme si tu t’accrochais à la seule chose qui ne risquait pas de s’écrouler. Mon menton repose doucement sur le sommet de ta tête, et je murmure encore, doucement, calmement, comme une incantation, « Tu n’aurais pas dû, Olive, parce que ce n’est pas toi le problème. Ce n’est pas toi qui dois disparaître. C’est lui, c’est cette ombre, c’est tout ce qui t’empêche de respirer. Mais pas toi. Jamais toi. » Je ferme les yeux un instant, me concentrant sur le rythme irrégulier de ton souffle, espérant réussir à t’apaiser.

Je suis la digue qui ne peut plus supporter la force de la mer. L'érosion poussée, l’installation fragilisée. Mon corps et mon cerveau ne supportent plus les attaques perpétuelles de ces moments sombres. Je ne peux plus. C’est inhumain. Toutes ces pensées sombres, ces petits grains de sable qui se sont immiscés sous ma peau pour m’irriter, pour créer une gêne tellement forte et intense. Je ne contrôle plus rien, la digue a sauté. Les larmes qui roulent sur mon visage sont intarissables. Un signe que je m’écroule, que je ne suis plus capable et que tous les progrès que j’ai fait ces derniers temps n’étaient pas si ancrés en moi que ce que je pensais. Je ne sais même plus ce que je déteste. Si c’est moi, si c’est le monde, si c’est la vie, si c’est toi. Les yeux fermés, je t’écoute. J’aimerais te croire mais je n’y arrive pas. Je n’y arrive pas parce que tout me semble faux. Je sais que tu ne mens pas mais mon lien avec le réel est foutu en l’air à ce moment précis. Je veux qu’il crève dans son trou à rats. Que je souffle doucement. Ce sont des mots que je ne pensais jamais prononcer. Mes parents… C’est un gémissement de douleurs qui accompagne ces mots. J’ai fait ce que j’ai pu pour les protéger mais une fois que la presse sportive va s'emparer de l’affaire, il n’y aura plus rien à faire. Ma famille, mon système de soutien. Bon sang, les prochains mois vont être durs… Je m’agrippe d’avant à ton pull et reste immobile contre toi. J’ai tout perdu une fois, je veux pas tout reperdre une seconde fois. Et si la justice n’était pas de notre côté ? Ce ne serait pas déconnant. Les erreurs judiciaires - volontaires ou non - sont plus nombreuses qu’on le pense.

Je sens ton corps se tendre davantage contre le mien, comme si chaque parole que tu prononçais était une fissure supplémentaire dans la construction fragile de ton être. Le poids de ta détresse me frappe en plein cœur, et je cherche mes mots, mais ils se dérobent, se dissolvent avant même d’être formulés. Tout ce que je peux faire, c’est être là, ici, dans cet instant où tu te noies dans la douleur, où tu vois le monde s’effondrer tout autour de toi. Mais je refuse de te laisser t’enfoncer seule. Je serre un peu plus fort, comme si mes bras pouvaient devenir un abri contre tous ces vents mauvais qui t’assaillent. "Tes parents seront là pour leur fille. Que ce soit douloureux ou pas, vous allez affronter ça ensemble." Comme la famille unie que vous êtes. Je dépose un baiser léger sur ta tempe, un geste presque imperceptible, mais sincère "Je sais que t'as peur. Mais je te le promets, ca va aller." il y aura des choses chamboulées, tu vas même peut-être devoir en parler plus tôt que prévu à l'homme qui partage ta vie. Mais c'est des choses à penser pour plus tard, la priorité c'est calmer ton état.

Je sais qu’ils seront là mais je sais aussi que le monde aura les yeux rivés vers nous, vers moi. J’ai caché cette partie de ma vie avec une expertise à toute épreuve et voilà que sur la décision d’un homme complètement abject, les vingt dernières années de ma vie risquent d’être médiatisées et je déteste cela. João, tais toi, par pitié, tais toi trente secondes au moins. Que je souffle alors que j’hoquette, complètement ensevelie sous toutes ces problématiques qui me tombent sur le coin du visage. Et après ces quelques secondes sans son, je frotte ma main sur mes yeux, balayant les larmes qui se trouvent là. J’étais mineure à l’époque. Que je souffle alors que je me redresse doucement, trouvant son regard. Personne sait ce qui m’est arrivé. Enfin, peu de gens. La loi nous a protégé à l’époque et continue de le faire. Si je vais contre lui cette fois-ci, je suis plus une enfant, mon nom sortira, ça remettra toute l’histoire au goût du jour. Tout Harvard va être au courant de ce qui m’est arrivé. Ils vont se servir du fait que je m’en sors pas si mal que ça donc ça ne changera rien pour moi. Puis je ne vis pas dans le Colorado Les Américains savent ce qu’il s’est passé mais font-ils le lien ? Peu souvent, ce qui m’arrange bien. Mais ces arguments, je les vois déjà être utilisés contre moi. Puis tu me dis que tu seras là et maintenant que je vais affronter ça avec mes parents ? T’es là, tu l’es pas ? Mes mains tremblent et je déglutis difficilement. Je ne sais plus où donner de la tête, c’est trop pour moi.  

Je te regarde, chaque mot que tu craches est une lame de plus que tu essaies de planter entre nous, mais ça ne prend pas. Je ne bouge pas, mes mains restent là, sur tes épaules. Solides. Inflexibles. Tu veux que je me taise, que je recule ? Je pourrais, tu sais. Je pourrais te laisser affronter ce chaos seule. Mais toi et moi savons que ce n’est pas vraiment ce que tu veux. Pas au fond. Je t’écoute sans broncher, comme demandé. Je vois tes mains trembler, je vois tes yeux chercher un point d’ancrage. Tu essayes de m’en vouloir, de m’accuser d’être à moitié là, mais tu sais que ce n’est pas vrai. Alors, je décide de te pousser, doucement, là où ça fait mal. Parce que c’est ce dont tu as besoin. Pas d’un silence docile, pas d’un simple spectateur de ta douleur. “Tu me demandes si je suis là ?” je murmure, mon regard accroché au tien “C’est ça, ta vraie question ?” je tente de ne pas serrer les dents parce que je suis un peu blessé “Je ne suis pas ton ennemi, Olive….” Je laisse le silence s’installer un instant, te laissant l’espace pour te débattre avec toi-même. “Et si tu veux vraiment me repousser, si tu veux vraiment affronter ça sans moi, alors fais-le. Mais ce ne sera pas parce que je ne suis pas là pour toi. Ce sera parce que tu as décidé que tu ne pouvais pas compter sur moi. Et ça, Olive, ce serait une putain d’erreur.” Je relâche mes mains, juste assez pour te laisser l’espace de choisir. Parce qu’au fond, je sais que ce choix, tu le feras. Mais pas pour m’écarter. Pas cette fois.

Toutes ces émotions qui se bousculent me font un mal de chien. Moralement, mentalement, je prends le coup qui pourrait me faire vaciller d’un côté ou de l’autre. Pour le moment, je suis une artiste, à l’équilibre parfait sur ma corde au-dessus du vide. Mais pour combien de temps ? Le vent souffle fort. Si je voulais affronter ça toute seule, tu crois que tu serais là ? Tu crois que je t’aurais envoyé plusieurs messages à quelques secondes d’intervalles pour que ton putain de téléphone s’allume, que le mécanisme “ne pas déranger” saute ? Je soupire fortement et baisse les yeux, les fermant quelques secondes. J’ai besoin de me reprendre. Mais c’est dur quand on veut protéger les gens auxquels on tient. Pourquoi ça serait une erreur ? T’aurais pas à vivre ça au moins. T’aurais pas à me voir souffrir. T’aurais pas à supporter mes états d’âme. Tu serais tranquille sans moi dans ta vie. Moi, je serai jamais tranquille tant que tout ça pèsera comme l’épée au dessus de la tête de Damoclès.