May the Force be with you [Judal

ds une lointaine galaxie @A. Junior Cooper

29 12 2024 Ambiance

troubles gériatriques, handicap, vulgarités

La magie de Noël tu n’y crois que moyennement surtout depuis que le vieux barbu vêtu de rouge et de blanc n’est plus très généreux, se gardant bien de t’apporter les cadeaux que tu veux. Mais cette année ce sont tes proches qui t’y ont fait regoutter, t’offrant quand même le doux réconfort de quelques bras aimants, ceux de ta grand maman un peu gâteuse t’ayant pris pour l’un de ses propres enfants…. Ce fut un quart d’heure de supplices sous les sourires mielleux de ta rouquine de cousine qui savourait depuis son coin la vision, prenant un malin plaisir à te voir souffrir, confiné là sur le canapé avec la matriarche qui aimait à te pincer. Toute la soirée tu fus rebaptisé Joffrey, le prénom de ton paternel dont tu n’as que très peu hérité pourtant, plus proche physiquement des traits de ta mère.

Mais pourquoi ressasser ce douloureux passé encore bien trop frais dans toutes les mémoires ?  Parce qu’en ce soir du 29 décembre, certains membres de la famille se sont mis en tête de sortir voir une comédie musicale et qu’il n’est ni dans tes projets à toi d’y assister ni aux gouts un peu arriérés de ta grand-mère démente. Alors vous avez été tous les deux mis de coté pour la soirée, toi en charge de ton aïeule pour la surveiller…. C’est donc depuis une bonne demi-heure que tu pousses son fauteuil roulant malgré la fine pellicule de neige qui te fait parfois déraper, inspectant de temps à autres que son plaid soit malgré tout bien disposé. Pas totalement pourri dans le fond ni mauvais…. Puis arrivé au stand tu la laisses quelques minutes auprès d’une table sans grands dangers mais c’est en revenant avec deux lanternes en papier que tu la visualises avec un crayon dans la main, une blonde pas loin. « Confisquez-lui ! » Qui sait ce qu'elle pourrait faire avec, en commençant par le grignotter.

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troubles gériatriques, handicap, vulgarités

Deux de tension mais la blonde aux reflets rouquins, dans un à peu près, finit par coopérer en lui ôtant la gouache des mains. T’en soupires d’un profond soulagement parce qu’ils ne te pourront te reprocher un petit détour par l’hôpital en cette veillée. Arrivé vers les deux femmes tu déposes brusquement les deux montages en papier, pile sous le nez de ta mémé parce que tu ne veux surcharger ton propre espace vitale, pendant que l’inconnue te calcule. « T’es pas le mec au blanco ? » Même pas le temps de la remercier que tu cherches le sens de sa question. C’est qu’il t’en est arrivé des histoires alors te remémorer l’une d’entre elles n’est pas un exercice facile, surtout que tu n’es pas du genre très bureautique… « Blanco… Je ne vois pas de quoi tu parles. » Tu t’installes alors en la remerciant tout de même pour l’aide apportée même si tu ne l’as pas reconnue, elle, d’emblée. Ce n’est qu’en jouant avec l’un des feutres entre tes doigts qu’au bout de quelques secondes ton mouvement se fige de lui-même pour la scruter timidement, tes yeux roulant sur le coté avant de caler le crayon dans la main de l’octogénaire un peu déboussolée. « Ton visage me dit quelque chose… Mais. Boite de nuit ? Nirvana ? JE SAIS, ce … » Mais tu es coupé dans ton élan, la bienséance t’obligeant à baisser d’une ou deux octaves parce qu’on vous épie malgré une soi-disant surdité. « Ce club échangiste sur Mogrey Bvd ?? » Encore faudrait-il que tu sois accompagné pour pouvoir y pénétrer parce qu'à chaque fois tu te fais refouler.

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« Noooon !  Ce n’était clairement pas moi. » Ce n’était visiblement pas elle dans cette file d’attente sur le trottoir, peut-être tout simplement une professionnelle venue prendre la température de l’endroit puisque tout comme toi, cette fille-là n’est jamais parvenue à poser un pied à l’intérieur. « Pas grave, moi non plus je n’y suis jamais allé, » et d’un clin d’œil tu mets à la fois en doute ce qu’elle vient de persiffler et ta possible présence là-bas.

Alors tu prends conscience de ce qu’il te reste à faire lorsque la vieille juste à côté jette la couleur que tu lui as prêtée, de toute évidence pas à son gout et montrant clairement de la mauvaise volonté. Elle vous scrute à tour de rôle sans mot dire mais tu la connais assez et dans ce jargon silencieux cela ne peut signifier qu’une seule chose : il y a anguille sous roche entre vous deux. Alors comme prise de frénésie, elle se réveille pour t’alpaguer d’un « c’est ta petite amie ? Trop maigrichonne. » Question réponse, parce que pour rentrer chez les Witter il faut forcément répondre à des critères draconiens. Naturellement et sans penser à mal, tu observes la silhouette de la rouquine sans rien dire, juste mimer ton désaccord quant aux propos de l’ancienne parce qu’elle n’est pas du tout hors compétition en ce qui te concerne. Une moue de désapprobation néanmoins lorsque tu te rends compte que la couleur de ses boucles pourrait te rappeler celles de ta cousine adorée, une idée à te faire grimacer. « Non. On n'se connait pas. » Mais ce ne sera pas suffisant pour la matriarche qui en a vu passer. « Et vous vous retrouvez à la même table. Fais-moi prendre des… lentilles pour des lanternes. »

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29 12 2024 Ambiance

troubles gériatriques, handicap, vulgarités, préjugés.

L’entente chez les Witter est au beau fixe cela va de soi parce que la vieille n’y va pas de main morte avec toi. Toutes les femmes de cette famille ont ce franc parler dont vous autres, représentants de la gent masculine, n’avez visiblement pas hérité. Il faut arrondir les angles et ne pas t’énerver, surtout lorsqu’elle commence à cafouiller sur les expressions. Mais le lui faire remarquer serait comme signer ton arrêt de mort bien qu’elle n’ait pas sa canne à portée. Elle a tout de même un crayon entre les doigts et depuis que tu as vu Riddick terrasser plus fort que lui en ne se servant que d’un vulgaire gobelet, tu te méfies du moindre objet. « Je peux vous assurer qu’on n’est pas ensemble, que ce sont des lanternes, » sans prêter attention à l’allusion, toi, bêtement, c’est sur celle que tu as entre les mains que ton regard à chuter, te demandant pourquoi la blonde remet en doute la nature de cette objet… Pas compris. T’es aussi paumé que ta mamie. « Et que mon poids est tout à fait correct. » Ça, tu n’es personne pour en juger et tu as appris, à tes dépends depuis bien longtemps qu’avec les femmes deux sujets sont soigneusement à éviter.

Puis les traits s’esquissent au fur et à mesure, à défaut d’avoir créé un blanc dans la conversation que les échos des autres tablées tentent de remplir et petit à petit ta lanterne commence à prendre vie : dans les tons verts et or, elle dépeint un vaste marais en sa base, digne d’un certain film d’animation dreamworks. «  C’est laid… » Toujours le petit mot qui fait plaisir mais tu préfères de loin ne pas en tenir compte, rajoutant par-dessus un «  J’ai faim » afin de dévier de sujet. Si bien que, bonne grand-mère qu’elle est, sa main va fouiller sous le pan de plaid resté sur ses genoux pour en ressortir, alors que tu n’avais rien demandé, son petit sac à main à la griffe réputée. De ce dernier elle en sort un paquet de biscuits pour gentiment vous le proposer, le glissant sur la table, plus vers la jeune femme qui te fait face. Danger…Toi, tu sais ce que c’est… Alors en bon samaritain, ton visage dévie du coté opposé pour souffler: «  Je serais toi…. Je vérifierais la date de péremption. »

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29 12 2024 Ambiance

troubles gériatriques, handicap, vulgarités, préjugés.

« C’est gentil mais… » Va-t-elle t’écouter, suivre la voix de la raison, pour une fois que tu ne souhaites nuire à personne, un comble en cette fin d’année alors que tu devrais être à ton apogée de méchanceté. Peut-être qu’elle a finalement raison et que vous vous êtes déjà croisés, dans une autre vie, ce qui expliquerait que tu ne parviennes pas à être avec elle si mauvais. « Je ne mange pas ce qui n’est pas à moi. » En même temps si la vieille les lui as refilés, ce n’est pas pour qu’elle les mâche et les recrache, c’est un don. « Elle te les donne. » Un comble merde, toi-même tu l’aurais compris direct alors que tu n’es pas la plus fine des lumières. « Puis c’est toi, qui a faim. » C’est donc un refus catégorique alors que d’une œillade tu observes la date imprimée dessus et par chance, une bénédiction du ciel, ils sont encore propres à la consommation. Ça en fera donc plus pour toi lorsque de ta main gauche tu ne te fais pas plus prier, le faisant glisser jusqu’à toi en l’écoutant prononcer : « Qu’est-ce qui est laid ? »

Inutile de demander, l’ensemble dans sa globalité mais tu attends, bien curieux de voir la réaction de la rousse face à l’amertume de celle qui ne cesse de devenir de plus en plus acariâtre au fil des années… l’apanage de la vieillesse parait-il. Alors après avoir décortiqué le bout du paquet, les premiers palets bretons sont extirpés avec difficulté du sachet. Et timidement le premier est engouffré en vérifiant une seconde fois les nombres sur le paquet pendant que la marâtre ronchonne envers sa padawan. «  On dirait le vomi de mon chat. » De telles insanités te glissent dessus parce qu’à force de l’entendre, les membres de cette famille ont fini par apprendre à l’oublier, faire fi de sa méchanceté. « Ça sentirait presque pareil. » Oublier, oublier… et pourtant tu ne peux empêcher les mots de dépasser ta pensée : « Non, çà, ça vient de toi. »