Walk With Me [Xiver

Bercée par une sérénité ainsi qu’une bonne humeur qui se refusent à la quitter depuis cinq jours déjà, ils se baladent, les phalanges entrelacées, sur le sentier menant à l’activité à laquelle ils ont décidé de participer tandis que l’année touche à sa fin. Plus que trois nuits et deux-miles-vingt-quatre sera derrière eux, elle peine à la réaliser, tant ils sont passés rapidement, ces douze mois. Autant que les évènements vécus, ce qu’ils ont gagné et surtout ce qu’ils ont perdu. Mais lorsqu’elle regarde derrière eux, l’amérindienne sait qu’elle ne regrette rien, les bons comme les mauvais souvenir, parce qu’ils n’étaient que les prémices aux promesses de l’avenir. Le futur, ils l’écriront à deux, les doutes qu’elle éprouvaient encore parfois, ils se sont étiolés à la faveur de cet anneau qu’elle porte à son doigt. « Dans le fin fond du Wyoming. » sortie de ses pensées, à l’évocation de sa terre natale, elle fronce l’arrête de son nez, « Ils n’ont pas les réseaux sociaux n’est-ce pas ? » Un rire furtif traverse ses lèvres, guidée par la surprise de sa question, et surtout parce qu’elle en déchiffre la véritable signification. Néanmoins, si la réponse est non, elle préfère l’embêter avec affection en amont. « Tu crains le courroux de mon père ? » Pour avoir dévier les règles de bienséances amérindiennes, celles dictant que le soupirant se doit de demander la main de sa fille unique, au chef de clan.   

Le rire de son amant se mélange au sien, avant qu’il ne tranche d’un, « Non. » qui la force à plisser les paupières au moment de les reposer sur lui, elle tente de sonder ce qu’il se passe dans sa tête, ce à quoi il peut songer. Les calculs qu’il réalise et déteste la petite pointe de crainte qui s’insinue doucement en elle. La voix perfide d’une rouquine qui vient lui murmurer que ce n’est qu’une mascarade, une sombre bague et qu’elle va sombrer.

Les lanternes sont rapidement étudiées, elle en choisit une sans y songer, sa bonne humeur légèrement entachée. Les vieux démons, ils sont plus tenaces qu’elle ne le croit, malgré la bague qui encercle son doigt. « Parce que s’il l’apprenait. » Son père, évidemment, « Hypothétiquement. » elle tique, encore une fois, parce que dans ses hypothèses, elle a l’impression qu’il ne souhaite pas que ses proches soient au courant. « Qu’est-ce qu’il se passerait ? » Toute en survolant le panel de feutres mis à leur disposition pour dessiner les décorations, elle réfléchit, elle avoue que ce n’est pas la plus banale des situations. « J’sais pas trop. » qu’elle balance tout en récupérant l’une des craies aux teintes orangées, à la finalité, sa couleur préférée, « Quelques reproches, » parce que les règles n’ont pas été respectées, « peut-être qu’il s’y opposerait pour la forme et te demanderait de prouver ta valeur avant d’accepter. » Une tache un brin compliquée, mais elle sait que Sheng y parviendrait.  

« Ma valeur ?? » Il répète non sans cacher la surprise que les propos de l’amérindienne ont pu lui inspirer. Et même s’il a le rire présent sur le bord de ses lèvres, elle ne déride pas ses traits, au contraire, elle reste aussi calme que possible. « Tu es sérieuse ? » Il choisit les couleurs qu’il préfère et elle reste silencieuse, parce que oui, elle est totalement sérieuse.

Évidemment, elle a conscience que les traditions de sa famille sont différentes de tout ce que peut connaître cette société. Qu’ils ne sont pas comme les autres, qu’ils ont leur façon de penser qui leur est propre. Elle n’ose pas encore lui avouer comment il devra la prouver, cette valeur citée, elle craint qu’il ne lui rigole au nez, à la vérité. Elle imagine que c’est mieux d’attendre, que devant ses parents, il ne pourra que faire semblant.

Alors une fois qu’ils sont installés, tandis qu’elle s’apprête à décorer sa lanterne, il rajoute, « Peu importe ce que je fais, on sait tous les deux qu’il ne me verra jamais comme… » Elle n’aime pas le goût de cette phrase, se peine intérieurement de ne pas pouvoir réellement l contredire, pourtant, elle s’y essaie, « On ne sait jamais. » peut-être qu’un jour, il le pensera digne d’elle, alors dans le seul but de le détendre, au final, elle ne tient pas le suspense, elle accepte de partager un morceau de son histoire, de ce qu’il subira lorsqu’ils seront là-bas, « Quand tu auras passé plusieurs jours en haut de la montagne et chassé ta nourriture avec respect… » elle se pince les lèvres, se délecte malgré tout de la réaction naissante sur son visage, « il pourrait t’apprécier. » même s’il est certain qu’il en faudra un peu plus pour qu’il soit positionné au même niveau que ses semblables.  

Le regard de son partenaire se relève sur elle tandis qu’elle mord toujours l’un de ses sourires. Quelque part en elle se trouve cette volonté, celle de le voir réussir tous les défis que son père pourra lui imposer. Parce que même si elle reste muette, elle a été élevée comme ça, dans cette communauté que certains peuvent trouver, un tantinet, arriérée. C’est tout ce qu’elle a toujours connu, et plus que son paternel, c’est elle, qui en serait émotionnée. Oui, indubitablement charmée. « Le gibier, c'est pour tout autre chose que je le traque en général, » Les paupières autant que le nez plissé, elle marque un arrêt dans son dessin prête à l’attaquer lorsqu’il se reprend et désamorce la bombe qu’il avait lancé. « Traquais. » La conjugaison, elle la préfère largement au passé, de fait, les reproches qu’elle s’apprêtait à lui faire, ils sont ravalés.

Elle reprend les traits de son soleil orange, secouant le visage tout en se promettant que dans tous les cas, elle le convaincra. Le travail du corps, elle s’y adonnera pour qu’il joue le jeu de son futur beau-papa. « Je dois considérer le summer express comme un bon entrainement alors… » Un sourire renouvelé illumine le visage d’Haiwee, parce qu’elle devine que dans ces mots il y a son acceptation. Une preuve de son affection. « Dommage, » qu’elle articule, pas pour cet apprentissage précédemment cité, mais pour un tout autre fait… « Je ne serais pas autorisée à être là pour voir ça. » Et clairement, d’envie, elle en crève déjà. Elle ne laisse pas les secondes s’écouler trop longtemps avant de lui souligner la vérité. « Ca me touche. » que tu sois prêt à t’y plier.  

A la vue de leur histoire, oui, c’est un passage qu’elle pense bel et bien obligatoire. Mais elle n’en reste pas moins touchée, parce qu’il aurait tout bonnement pu refuser. Les trouver arriérés et ne pas vouloir prendre part aux traditions d’un peuple qu’il ne comprend pas réellement. Elle n’en avait pas besoin, mais elle prend ça pour une énième preuve de ses sentiments. La sincérité de cette affection scellée il y a jours par sa demande d’éternité. « Il ne m’aurait pas laissé le choix, » tout en mordillant ses lèvres, elle approuve sa phrase, il n’a pas tort, autant le lui avouer. Il est clair, selon elle en tout cas, qu’il ne pourrait pas y couper. Son père a besoin de le tester avant de lui confier ce qu’il a de plus précieux, elle le sait. Et même s’il reste l’homme qu’elle a choisi, qu’elle est prête à aller à l’encontre des volontés de ses parents pour lui, il n’empêche qu’elle préfère qu’il essaie. Que dans les règles de l’art leur union soit acceptée. « Pas vrai ? » un fin sourire égaye ses traits tandis qu’elle articule un petit, « Je crois. » l’innocence colorant délicatement le timbre de sa voix.
Tout en feignant de se concentrer à nouveau sur son dessin, cette lanterne qui ne va probablement pas donner grand-chose une fois qu’elle sera éclairée, ses talents d’artistes restent encore à prouver, elle plaisante, « Donc les jours dans la montagne, c’est ok… Le tatouage ne te posera certainement pas problème. » Bien qu’il soit déjà marqué par l’oiseau tonnerre, elle évoque celui des traditions, encore une fois, fait par l’un des siens, réalisé au marteau et au burin. Un moindre mal face à ce qu’il gagnera à la fin. « Deux trois autres détails et puis on pourra annoncer une date pour le mariage. » c’est bête, pour elle, ça sonne encore comme un mirage.