i'd rather be anywhere but here ─ Acena

"Ok. J'suis dans le parc voisin." Le message envoyé à Lena, le coeur lourd, les épaules affaissées. Abattu et défaitiste, l'expression du visage complètement... éteinte. Avoir écrit un fond de pensées qu'il a du mal à admettre, à lever le voir sur la pourriture qu'il cache tant bien que mal. "Vas-y, j'arrive." Et il l'attend, elle. L'étrange alliée, certainement celle qui a trouvé la question la plus douloureuse à laquelle il ait eu à répondre.

ressens l’amère détresse, dans les messages qui prennent du temps à arriver. dans les silences. jusqu’à tout déverser. les maux qui font échos aux miens. le bolide qui va trop vite, pas comprendre pourquoi j’traverse la ville aussi tard juste pour pas qu’tu sois seul. p’têtre un peu coupable d’avoir écarteler les plaies. avoir touché l’fond de tes pensées. devant le parc, la voiture s’arrête en vrac. - viens.. monte. attends que tu grimpes. bouge plus loin, dans le parking d’en bas avant de tout éteindre pour t’voir enfin. - j’aurais pas dû forcer.. toujours pareil. faire et regretter après.

Le bruit de voiture le fait relever la tête, juste pour trouver Lena dans sa caisse, qui lui dit de grimper. Il hésite un instant, puis hoche la tête et la rejoint, la laissant le conduire là où elle avait envie. Au parking d'à côté. Assis côté passager, Ace est a juste la tête posée contre son siège, visage tourné vers l'extérieur. Bras ballant, mollement posés sur ses cuisses. La sensation d'être mort de l'intérieur. Tu pouvais pas deviner. Il parait que je cache un peu trop bien. Monotone, morne. Pas d'âme, pas d'émotion, juste du vide. Plus rapidement que quiconque, elle a touché le fond. Trouvé la fissure et filé droit vers le néant qui se planque sous les murailles.

quand l’moteur s’arrête, nous plonger dans l’obscurité d’un parking vide. dans l’silence. jusqu’à ce que tes mots résonnent, sonnent comme une fatalité. détourne l’attention, regarde par la fenêtre. le poing qui se serre doucement entre les sièges. ta peine, c’est la mienne. baisse la tête, parce que maintenant que j’suis là, tes aveux sont encore plus douloureux à encaisser. - mh.. ouais. t’es fort pour ça. souris un peu. le désolé au coin des lèvres. les azurs qui se baladent jusqu’à ta cuisse. hésitante. les doigts qui bougent. sans rien faire. pas certaine. puis, ose enfin. la main se lève lentement, venir se poser près d’la tienne. juste frôler mes phalanges contre la peau de ta main. - tu le caches mieux qu’moi. l’aveu à demi-mot. le cœur en poids mort dans la poitrine.

Il le comprend, le geste. Mais il se rétracte, croisant les bras. C'est pas contre elle, mais le geste pourrait être perçu comme tel. Juste dégoûté de lui-même. Dégoûté de ses pensées, de la situation, de ses démons qu'il a verbalisés cette nuit. Le mont infranchissable aux portes blindés que nulle ne peut dépasser. Pourquoi tu es venue me voir ? Détourner l'attention de ses maux, pour forcer la lumière sur quelqu'un d'autre. Sur la culpabilité qui la prend sûrement d'avoir soulevé le voir pour trouver un reflet d'Ace gangréné, rongé, presque mort sous la pourriture d'un passé contaminé. Et il est là, à fuir. Avec cette sensation que chaque organe de son corps pèse le poids d'une pierre et que le coeur est compressé, galère à battre.

le contact qui se fait à peine. que tu brises, dans la seconde. j’savais, que j’aurais pas dû m’y aventurer. et, les doigts se résignent à revenir en arrière. reculer. comme les réponses à la question que tu viens de poser. mes doigts liés entre les cuisses, les yeux qui fixent les gestes nerveux. parasites. la réponse qui met du temps à arriver. essaye. puis reviens en arrière. voudrais que tu comprennes les pensées sans les dire à voix haute. trop long est l’silence, à chercher les mots qui veulent pas sortir. reste coincés dans ma tête pour lâcher qu’un.. - j’voulais pas te laisser seul. trop savoir c’que tu ressens. vouloir être là, même si on s’dit plus rien. la jambe qui sautille, à peine perceptible.

Pas ok. Pas en forme. Ni lui ; ni elle. Mais ce poids là, c'est le sien. Quand il ouvre cette porte au fond de ses pensées, et que la seule chose qu'il y trouve, c'est un nuage de ténèbres, sombre et glauque, contenu par cette seule porte fissurée. Trop de choses à dire mais aucun mot pour les exprimer et personne pour l'écouter. Même si Lena est là, à côté, l'esprit est ailleurs, et le regard ne décroche pas d'une poubelle sous un lampadaire. C'est ok. J'ai l'habitude. Un placard ; des coups ; des cris ; brefs flashs de souvenirs qui sont balayés en un instant alors qu'il expire en douceur. Tu pensais que j'allais faire quoi ? Enfin, le visage se tourne vers elle. Y'a pas de lueur dans le fond du regard. Me foutre en l'air ?

débarquer sur un coup d’tête. sans rien prévoir. me jeter dans ta perte, dans ton chagrin, sans savoir comment m’en sortir. assise, les yeux sont bloqués. l’inconscient qui s’accroche à un détail insignifiant. pour oublier tout le reste. tout les souvenirs que tu me rappelles, maintenant que j’te vois. est-ce que t’es vraiment comme moi, alors ? jusqu’à tes peines. tes entailles. les cauchemars. - et alors ?.. t’es pas obligé d’la garder cette habitude. relève enfin la tête, essaye de canaliser la jambe qui arrête pas de bouger. la paume sur elle, les doigts qui s’enfoncent presque dedans pour retenir les mouvements. - j’ai pensé à rien. voix froide. - j’suis juste venue sans réfléchir. mordille l’intérieur de la lèvre. - j’voulais t’voir. toujours pas les mauvais mots. pas savoir quoi dire face à son propre miroir. - pourquoi t’as dit oui ? murmure dans la caisse. tourne la tête pour croiser ton regard.

Même pas l'envie de souffler. Y'a rien qui fonctionne, même ses doigts sont froids. L'ancrage dans la réalité est comme un boulet à son pied maintenant qu'il a ouvert la porte qui dégueule sa noirceur. C'est pas la colère. C'est pire. Et Lena l'a vu ─ trop bien. Un désespoir si intense et si anesthésiant qu'à tout moment, il pourrait le faire sombrer. Pourquoi j'ai dit oui, huh... Le regard se détourne, puis le visage, pour fixer devant lui un arbre, de l'autre côté du parebrise. Le silence retombe, froid ; pas une froideur menaçante, non, mais une froideur de vide. De rien. D'absence de vie. Et malgré les cris dans ses oreilles, c'est le silence qui baigne dans la voiture. Jusqu'à ce qu'il reprenne la parole. J'avais pas de raison de refuser non plus. L'indifférence. Le démon qui prend trop de place, si bien que rien d'autre n'a d'importance.

lève le voile de suie. les dessous encore plus sales. la crasse entassée depuis des années, forment les nécroses dans ton abdomen. blessures mises à nues. le visage aux traits neutres, sans vie. la douleur qui absorbe toutes les émotions. le regard qui maintient, qui reste pendu à ta détresse. trop savoir ce que ça fait. comment ça brûle. toi aussi, t’as du mal à parler. exprimer les pensées qui veulent plus rien dire à force de toutes les mélanger. hoche lentement la tête, acquiesce à la réponse suffisante. - t’as pas tout gâché.. essaye. sors quelques mots du bout des lèvres tremblantes. - c’est lui. l’seul responsable. l’seul fautif d’tout. le seul bourreau, à ancrer les traumas trop profonds pour qu’ils se fassent oublier.