don't let the bells end ─ Enolace

Noël, c'est pas sa fête. Depuis la disparition de sa mère, Ace ne le fête plus, et en général, on ne le croise pas beaucoup en cette période de l'année. Il préfère travailler d'arrache-pied, se tuer à la tâche pour ne pas s'arrêter et penser à tout ce qu'il n'a plus. Mais pas cette année. Année compliquée, mais qui se termine sous le signe de l'espoir avec l'arrivée inopinée d'une nouvelle famille. Alors, malgré la culpabilité de célébrer sans sa mère, c'est avec le sourire qu'il a fait ses achats et emballé ses cadeaux. Lui qui n'offre rien et n'aime pas recevoir non plus.
Malgré les tensions et le silence radio depuis quelques jours, Enola fait partie des personnes chères à son coeur et avec qui il n'a pas envie de se disputer ou se prendre la tête. Alors de bon matin, après avoir eu la confirmation que le café serait ouvert, il s'éclipse de chez lui, le sac chargé de cadeaux, et file jusqu'au centre ville. Jour parfait pour sortir la moto, pouvant doubler sur le côté, se faufiler entre les voitures pour aller plus vite. Garé non loin de l'entrée du café, comme à son habitude, Ace ne prend pas la peine de ranger le casque et en quelques grandes enjambées, passe la porte qui annonce son arrivée. Et elle est là, Enola, derrière le comptoir, comme à son habitude. Le client dont elle s'occupait éloigné, Ace se rapproche avec un sourire, semblant... de très bonne humeur. Hey. fait-il pour la saluer. J'vais pas te retenir très longtemps, je suis en pleine session de distribution de cadeaux et bien évidemment, j'devais commencer par toi avant de plus savoir où te trouver. Le bras du sac glisse sur son épaule pour qu'il puisse le passer devant, et il l'ouvre, avant de plonger la main dedans et sortir deux paquets. L'un est clairement une grande bouteille, bien qu'emballée avec un petit noeud en haut, et l'autre, une boite ─ alcool d'érable et un set bonnet, gant et écharpe aux couleurs chatoyantes. J'ai pas goûté la bouteille mais les retours des gens de la boutique étaient très positifs donc... je compte sur toi pour m'en donner des nouvelles, ok ? Clin d'oeil amical.

Pourtant de nature rancunière, c'est Ace qui semble s'être assagit ces derniers mois. Et ironiquement, ce sont aussi les mois où il y a eu le plus de tensions entre Enola et lui. Mais en ce jour de fête, il a pas envie d'y penser. Pas envie d'être frustré ou en colère, encore moins rancunier. Ces sms, c'était juste la volonté d'être tranquille, mais c'est difficile de se justifier en devant omettre les événements traumatisants de fin novembre. Alors il se contente de faire l'autruche, de sourire, malgré la confusion visible chez son amie. Merci ? Il hoche la tête d'un air entendu, sourire sur les lèvres. T'es intacte, tu viens récupérer des cookies ? Le ton sec, il s'en rend compte, et les sourcils se haussant légèrement montrent bien qu'il remarque le claquement discret. Comme une tape derrière la tête, rappel à l'ordre. Mais Ace secoue la tête, sans perdre de son sourire. Pas envie d'être hostile. De retourner sur ce terrain, de s'expliquer, ou de faire face à de nouveaux reproches. Nope. Ton serein. À lui d'apaiser les tensions légères. On avait dit jusqu'à mi-janvier, pour que ça fasse un mois. On a encore de la marge. Puis, avec un haussement d'épaule et un léger soupir ; Et tu peux toujours rallonger la durée pour me punir. On peut pas dire que j'ai été un très bon garçon cette année. Aveu indirect que les poings, les claques, les menaces et les crises, dans le fond, il pense les avoir mérités. Téléphone qui vibre, et Ace baisse son regard sur l'appareil qu'il sort de sa poche. Ah, merde. Faut que je prenne. L'appel perdure, et Ace relève les yeux vers Enola. J'dois filer après ça, je dois me préparer et ranger l'appart. So... euh... ma... demi-soeur, passe Noël chez moi. Encore étrange de le dire, mais Enola sait. Elle est au courant, quand bien même elle a encore ses réserves. En famille. Famille. C'est bancal. Sorti de nulle part. Risqué, aussi, d'y croire et s'en réjouir ainsi. Mais une famille, c'est plus que ce qu'il pourrait espérer. Alors avec un geste de main et un sourire amical qui peine à cacher l'excitation de la soirée qui s'annonce, Ace se recule, et décroche son appel pour placer le téléphone à son oreille et s'éclipser par la porte. Le gamin en lui qui trépigne d'impatience de créer de nouveaux souvenirs.