lost in the snow (willarion)

C’était la décision la plus facile à prendre depuis un long moment. Le cœur encerclé de barbelés, je tente de gérer les battements diffus de ce dernier. Bordel, j’y croyais. Mais je crois que c’était mon dernier essai. Game over. Maintenant, je ne souhaite plus qu’une chose : m’aérer l’esprit et passer à autre chose, oublier, avancer. Mes lunettes de soleil sur le nez, le visage fermé, je me dirige vers le stand de raquettes pour aller faire une balade en plein air. Je crois que cela me fera le plus grand bien du monde et lorsque mon regard croise celui d’Astarion, je me convaincs que ça va bien se passer. On marche et discute un petit moment jusqu’au pont suspendu au-dessus de la baie de Géorgie. C’est magnifique. Comme quoi, peut-être que je n’avais besoin qu’un moment en pleine forêt pour me ressourcer. Je tourne le visage et vois Astarion s’approcher de quelques fleurs et je sors T’essayes de me charmer ? Je laisse échapper un léger rire. Franchement, c’est pas avec des fleurs qu’il y arriverait, pas maintenant, même jamais. Le charnel, c’est tout ce qui va me permettre d’aller là où je veux aller sans me perdre en chemin. Le ralentissement professionnel que j’ai connu ces derniers mois a été bénéfique pour ma santé mentale mais pas pour la recherche. Et les choses bien c’est que les erreurs, je ne les fais pas deux fois.

Pas franchement tranquille à l'idée de laisser Judi au centre pendant que je donnais dans le bonhomme de neige et les raclettes qui sentent l'étable, je décide néanmoins de profiter de ce moment unique au pays de l'érable. Une bonne randonnée en raquettes, il y a pire comme destin, n'est-ce pas ? D'autant que je reste un grand sportif devant l'éternel, un amateur de la sueur et du no pain no gain. Lunettes de soleil pour cacher ma millionième gueule de bois de l'année - et l'humeur de chacal ayant fatalement avec - j'enfile les raquettes avec un geste quasi pro, m'étonnant de ne pas devoir m'y reprendre à quinze fois pour que cela fonctionne. Presque trop beau pour être vrai, tiens... Un murmure davantage présent dans l'atmosphère sonore pour toi-même que pour autrui, cela ne t'empêche aucunement de faire briller tes mirettes une fois le petit élan de migraine passé. Au point que tu en viennes choper quelques fleurs présentes à tes pieds, non sans t'amuser de la remarque de Willow. Pas le moins du monde, ma chère. Savais-tu que pour certains nasaux sensibles le pollen contenu dans les fleurs peut être une vraie arme de destruction massive ? Petit sourire cabotin, marque de fabrique de ta personne. Mais l'humour laisse bientôt place au véritable charme dont tu sais si bien faire preuve, alors que tu oses glisser une fleur blanche derrière l'oreille de la demoiselle, dans un geste presque fugace. Quinzième degré, je n'ai pas pu résister. Mais évidemment, je plaisante. Je m'étonne cependant de ne pas être celui à l'humeur la plus... massacrante ?

Je tourne légèrement le visage vers le grand brun et l’écoute, arquant un sourcil. Pas pour les miens. Mais je préfère sentir un bouquet qui vient de chez le fleuriste que de mettre le nez dans de l’urine de belette. L’analogie est idiote mais j’ai une colère tellement grande en moi que le moindre semblant de charme m’arrache un haut le cœur. Peut-être que j’aurais dû me contenter d’une journée seule au spa. Ou avec la rousse qui me sert de meilleure amie. Je ne sais pas vraiment. Mais je ne crois pas être à ma place ici bien que la vue en jette. Le visage toujours digéré vers l’Américain, me voilà à froncer les sourcils pour détailler ce qu’il me fait. Est-il absolument sérieux ? Bon, une chose est sûr, il va falloir que je refasse un peu de botox puisque mon visage a un peu trop de mouvement et je n’aime pas cela. Si je choppe de l’urticaire Astarion, je saurai te retrouver. Ce ne serait pas dur, en soit. Il me suffirait de me rendre à la clinique où Judi est toute la semaine. Il faut une raison pour avoir envie de massacrer les gens maintenant ? Je souffle ces mots en ne le lâchant pas du regard. Qu’est-ce qui peut bien tourmenter le grand Astarion Ballantine ? Pas que j’ai vraiment envie de parler des miens, de tourments, mais si je me concentre sur les siens, je pourrais peut-être faire taire le palpitant qui s’arrache à chaque battement.

Inutile d'avoir inventé la psychologie - même de comptoir - pour se rendre compte qu'il y a une couille dans le pâté. Ou peut-être un ovaire d'ailleurs, qui sait. Tes iris deviennent un tantinet plus sombre à ce constat, non pas de colère ou de ressentiment - Willow ne t'ayant rien fait - mais bien de surprise. Peu peuvent se targuer d'avoir un jour pu te surprendre, du reste. Essaie juste une seconde de faire mine ne pas avoir envie de me percer les yeux avec un pic à fondue savoyarde... ou une demi-seconde ? D'ordinaire un poil trop concentré sur les affres de ton existence pour te pencher sur celles des autres, tu lèves les mains en signe de paix, message reçu cinq sur cinq. Même sans savoir ce qui semble faire bouillir la demoiselle pire qu'un volcan en éruption, tu tiens trop à la vie pour oser la risquer. Si urticaire il y a, je te laisserais me refaire la façade au burin. Deal ? Un léger sourire cachant bien des tourments, et tu t'éloignes soigneusement de ton interlocutrice. Sa question t’embarrasse. Ne jamais montrer tes faiblesses est ton crédo, à plus forte raison lorsque cela concerne Judi. Que la vie est une tartine de merde dont il faut se taper une bouchée chaque jour ? Rien d'inhabituel dans ce cas. Avec que tu ne te la joues autre chose que coffre blindé et fermé à quintuples tours... les poules porteront des Converse.

Les yeux sur Astarion, je les lève au ciel face à sa remarque. Si c’était si facile, je le saurais. Ça l’a été, si facile, si doux. J’étais apaisée, calme, posée et il a fallu qu’il foute tout en l’air. Ford. Une boule se forme dans ma gorge quand je pense à lui. Je peux m’arranger pour une demi-seconde. Que je souffle rapidement, lui adressant un sourire. Il est des plus faux, absolument pas charmeur mais je fais ce que je peux avec ce que j’ai. Et tu payes la chirurgie esthétique si ça me défigure. Parce que le détruire ne me servira à rien si je ressemble à un monstre que personne ne voudra plus jamais approcher. Je n’ai pas besoin de son aide financière mais je veux être sûre qu’il comprenne vraiment où il met les pieds. Je ne rigole pas avec ça, même avec quoi que ce soit d’autre - surtout en ce moment. Et en plus, ça ment ! Que je lâche en soupirant fortement. La vie n’a jamais été une tartine de merde pour moi. Les seuls moments où cela s’y apparentait, il y avait un homme dans les parages. Ma faiblesse, je le sais et l’ai toujours su. L’amour, celui avec un grand A m’a toujours fait rêver mais c’est à cause de lui que j’enchaîne les baisses de moral. Ça finira par revenir mais il faut juste que j’accepte d’avoir été abandonnée une seconde fois par le même homme. C’est peut-être ça, le pire dans l’histoire. Bon, fais moi un joli bouquet alors, si t’es pas trop plongé dans ta tartine de merde. Que je lance en m’approchant de l’Américain. Fais attention à tes doigts par contre, tu risquerais d’en avoir besoin dans le futur. Pour tenir la tartine, par exemple. Ou pour caresser les courbes d’une femme. Peut-être les miennes, tiens. Ça me ferait sûrement beaucoup de bien.

Pas choqué pour un sou de ce discours tellement piquant que tu as la nette impression de nager dans un océan de ronces plus acérées les unes que les autres, tu esquisses cependant un petit rire amusé. Bien que tu sois plutôt habitué d'être l'épaule des damoiselles ayant un râtelier contre la gente masculine, admettre que Willow porte assez bien le masque de picots en acier trempé ne te coûte même pas. Attention, les rides du lion c'est dingue ce que ça fripe un beau visage ! Après tout les chirurgiens plastiques ne sont pas franchement des magiciens contrairement à la croyance populaire... Pour un peu tu es presque tenté de jeter une petite œillade à ta montre afin de compter le nombre de secondes qu'elle mettrait avant de t'en sortir une autre bien placée. C'est le jeu dans une joute verbale, n'est-ce pas ? A la fin de l'envoi, je touche ! Sans te départir de ton sourire tout sauf innocent te donnant un petit rictus insupportable, tu joues avec la tige d'une fleur en perdant tes mirettes d'ébène dans l'étendue d'un blanc si pur que c'en est presque trop. Ça aime bien faire mariner pour obtenir des infos, ouais. Ton rictus s'agrandit d'autant, pas franchement prêt à donner de précieux détails sur ta life sans que la personne en face n'en fasse autant. Question de principe. J'ai presque envie de dire que sur tout le monceau de conneries que je peux débiter, t'as vrillé sur la merde... je me demande ce que ce bon Freud aurait à dire de ça... D'un doigté presque surprenant, tu fais des nœuds originaux avec plusieurs tiges, sans regarder à nouveau Willow, ce qui ne t'empêche pas de balancer la question qui suit, tout en ayant l'air de ne pas y toucher. Et qui est le malheureux élu ? Apparemment pas le castor le plus utile au barrage s'il t'a foutue en rognes.

S’il existe un chirurgien qui a réussi à rattraper le visage de Lindsay Lohan et celui de Donatella Versace, je ne me fais pas trop de souci pour une petite ride. Certains médecins sont des magiciens et j’aimerai beaucoup avoir le numéro de celle-ci. Pas pour maintenant mais pour dans le futur. Il est hors de question que mon visage parte en déconfiture avant que je sois entre quatre planches, prête à être mise six pieds sous terre. Ce n’est pas mon seul atout chez moi mais il est important et j’en prends soin depuis que je suis gamine. Une belle éducation portée sur les bases d’une peau choyée. Et il doit savoir ce que c’est quand on voit son faciès et que l’on connaît son âge. T’as peut-être son numéro ? Que je lâche, mesquine, voyant pertinemment qu’Astarion n’est pas passé sous le bistouri de qui que ce soit. Il y a des signes qui ne mentent pas et il ne les affiche pas. Un roulement d’yeux et je souffle J’ai rien à cacher, tu sais. Et si les hommes sont mon talon d’Achille, je sais aussi quand porter des bottes en acier. Elles sont désormais en place et je ne suis pas prête de m’en débarrasser, ça c’est clair. Je refuse de me retrouver dans cet état une nouvelle fois pour qui que ce soit. Pas le lutin le plus stable du Pôle Nord non plus. Parce que si on est censé converser sur base de métaphores bidons, il a trouvé une concurrente de tailles. Tu ne le connais pas. Il s’appelait Ford et s’est barré en me laissant une lettre. Chevaleresque quand on y pense. Au moins cette fois, il ne m’a pas ghosté. Je soupire fortement et lance Ça m’apprendra. Les hommes qui n’ont pas réglé tous leurs problèmes sont des bombes à retardement. Et je ne suis pourtant pas kamikaze pour un sous. Mais là, la bombe m’a explosé en pleines mains et a arraché mon cœur en chemin.

Clairement tu ne t'attendais pas à de tels exemples, ce qui t'arrache un rire sincère et non contrôlé. Clairement elles devaient se sentir à l'aise que pour Halloween en même temps... Dans le rayon ugly freaks on peut difficilement faire pire, mais tu reconnais bien volontiers la patte maîtresse du chirurgien en question. Faiseur de miracle, ni plus ni moins, lorsque l'on contemple son œuvre avant et après. Tu reconnais tellement ladite œuvre que tu ne prends même pas ombrage de la pique de Willow. Tu te sais cent pour cent naturel et n'a donc aucune raison de jouer la carte de l'être offusqué. Tout à cet ouvrage qui ne ressemblera peut-être à rien, tu esquisses un haussement d'épaules. Ah mais si je l'avais je te le filerais bien volontiers, très chère. Mais la demoiselle t'étonne en répondant effectivement à ta question, te prouvant qu'elle n'a pas l'intention de cacher la chose. Tu penses aussitôt à ce double, triple abruti fini. Ford. Rien que de répéter le nom tu en as déjà la nausée. J'ai presque trop de mauvais jokes sur son nom qui me vienne... on dirait qu'il sort d'une mauvaise pub, tout pour plaire. Bien loin de prétendre que tu comprends, toi qui n'a jamais aimé et ne souhaite surtout pas découvrir ce lent poison inutile un jour, la douleur mêlée au dégoût que tu peux presque sentir chez Willow t'incite à lever enfin tes mirettes d'ébène dans sa direction. Une lettre... tu cherches à lui faire payer l'affront ou tu ne t'abaisses pas à son niveau de Lilliputien ? Dans un cas comme dans l'autre j'approuve. Mais si t'as besoin de péter un ou deux genoux... j'ai un excellent club de golf ultra résistant prêt à servir la noble cause. Le pire dans tout ça ? Ta sincérité évidente. La vengeance, ça tu connais et tu maîtrises ô combien. 

Il n’a pas tort là dessus. Je n’ai rien contre la chirurgie esthétique mais il y a des limites et les deux femmes l’avaient largement dépassé. Maintenant, tout à l’air d’aller mieux pour elle. Tant mieux. Parce que de mon côté, on en est loin. Trop d’émotions qui se bousculent, de non-dits qui me bouffent et une remise en question constante qui ne me plait pas.Peut-être que c’est de ça dont j’aurais besoin : un ravalement de façade. En tout cas, je fronce les sourcils quand il dit n’avoir pas de chirurgien esthétique à me conseiller. Est-ce vrai ? C’est… troublant. Mais la réalité me frappe de plein fouet. Oh bah il aurait été parfait, au bord de sa caisse, à se barrer avec le soleil. Je suis en colère contre celui avec qui j’avais envie de construire quelque chose de simple, de doux, de facile, m’efforçant à oublier tout ce qu’il se passait dans mon cas et ma tête au sujet de Joséfine. Aujourd’hui, je n’ai plus personne dans ma vie et je sais que la jeune femme ne va pas être de toute facilité à récupérer. La rancœur doit être bien profonde et je la comprends, même si mon cas est bien particulier. Il est hors de questions que je lui cours après. Je l’ai fait une fois, pas deux. Je ne réitère jamais mes erreurs. Je pensais que ça marcherait, cette fois, qu’il y aurait vraiment une histoire, un beau moment partagé mais je me suis trompée sur toute la ligne. C’est gentil mais… ma soeur roule en Formule 1 donc je pense que je la laisserai l’écraser si elle le croise. Je ne sais même pas où il est. Boston, New York, Londres ? Que le vent le mène le plus loin possible d’ici. Et tu sais ce qui est le pire ? J’ai probablement perdu une personne très chère à mon coeur pour ce trou du cul ! Le ton monte et je le laisse à ses occupations de fleuristes pour me pencher vers le vide et hurler Espèce de gros con ! Ça fait du bien, c’est… thérapeutique. Viens crier avec moi avant que tu te blesses. Que j’ordonne à Astarion. La vie est une pute ! Que j’hurle à pleins poumons. Et moi, j’ai le cerveau retourné. FML.