i look deep into your eyes. ((KLAUS))

j’y étais presque. à supprimer le moment de ma tête. te rendre aux oubliettes. depuis qu’on a laissé le silence creuser le fossé après un rapprochement trop intense. mais, t’es là, à attraper mon poignet. me retenir dans l’illusion que t’es venu faire renaître. les bleutées figées sur le geste. tes doigts, encore autour du poignet jusqu’à ce que tu relâches doucement. désolé. pendue à tes lèvres. elles qui ne parlent pas assez. même là, quand tu t’excuses, sans savoir pourquoi. immobile. les secondes passent, les yeux qui cherchent ton regard. - t’es désolé d’quoi ? férocité teinte le timbre de voix. sèchement. la brèche qu’on a ouverte l’autre fois, s’est refermée aujourd’hui.

Pas un seul instant il n'a pensé qu'en prononçant ce simple mot, il provoquerait un flot de reproches. Fondés, de surcroit. Debout face à elle, bien que caché derrière ses lunettes de ski, son regard affiche de la surprise, qu'elle ne peut pas voir. Surpris de comprendre, maintenant seulement, les parallèles et les contradictions dans les interprétations de ses gestes, sens auxquels il n'avait jamais pensé. Blesser les gens de cette façon, ce n'est pas ce qu'il veut faire. Et quand il a tort, le reconnaître n'est pas difficile. Se tromper n'est pas honteux. Fauter non plus. Mais l'échange n'est pas égal, de cette façon, alors qu'il reste caché, et il le sait. Alors il retire les lunettes et la cagoule chaude, dévoilant son visage ─ toujours aussi sérieux, mais là, étrangement plus que d'habitude. J'ignorais que... c'était comme ça que tu avais vécu ces moments. Il l'admet, n'a pas fait attention. Je suis désolé de t'avoir blessée. Ça n'a jamais été mon intention. C'est difficile de trouver les mots, de s'exprimer ; encore plus de laisser tomber le masque quand il ne sait pas lui-même ce qui se planque derrière. Alors il tente, maladroitement, d'exprimer quelque chose ─ et la lutte pour trouver les mots est réelle, presque palpable.

déverse la déception. les sentiments que j’sais pas formuler, fuitent aujourd’hui. toi qui est le trop plein d’mes histoires foireuses. trinque pour tout le reste. pour les autres. le jeu qui prend un autre tournant, quand j’ai plus envie d’être celle qui attend. qui crois. qui veux. puis qui ramasse les morceaux d’espoir. t’es tout ce que j’dois fuir, représente toutes les craintes. symbolise tout c’que j’suis plus censé désirer. renforce le sentiment, quand t’enlèves la barrière de tes yeux. tes yeux, qui m’ont regardés un soir. mieux que personne avant. à me donner la sensation d’exister dans les yeux de quelqu’un. sans jouissance, juste un regard sincère. pour tout me reprendre. partir comme aujourd’hui, me laisser le sentiment qu’on avait jamais été dans ce jacuzzi. que cette soirée n’avait jamais eu lieu. et, putain, j’sens encore tes doigts sur ma peau. caresses juvéniles, les étreintes qui me rappellent comme c’était bon. dans tes bras. à étouffer tout ce qui allait pas. remplacer les brûlures par les caresses. les excuses confuses. mords l’intérieur de la joue. empêche les aveux de dégouliner encore. m’accroche à la rancune. barres toi. toi aussi. - j’ai surtout l’impression d’être encore ton cas pratique. l’truc scolaire que t’as envie de résoudre. m’essayer, me tester, piquer mes réactions pour en faire quoi ? un putain d’exposé ?! lena l’abîmée. colle à la peau. quand je déteste cette image que tu me renvoies à la gueule. hochement de tête. lent. sourire nerveux avant que le visage s’referme. - j’sais. j’sais, klaus. et j’t’ai laissé tranquille. loin d’moi. parce que j’suis pas celle qui saura t’attendre. qui aura la patience. qui fera avec. j’suis pas celle qui prendra l’temps et mordra sa langue de rester sur le bas côté. sans rien. serre la gorge. les yeux qui passent d’une bille à une autre. - j’suis pas celle qui, « essayera ailleurs » jusqu’à ce que tu décides de me donner. tes propres mots. glissés. - si tu veux pas m’baiser sans état d’âme, si tu veux rien m’donner, alors, putain, pourquoi tout ça ? j’ai pas besoin d’une autre torture. quand les autres, guérissent pas assez vites.

Y'a une différence notable entre les caprices et les blessures. Au début, l'image qu'il avait d'elle était celle d'une fille capricieuse et exigeante, incapable d'attendre, à bouder à la moindre frustration ─ la Lena à la mauvaise réputation qui fait rouler des yeux et soupirer, un peu. La peste. La croqueuse d'hommes, jamais satisfaite, gorgone insatiable. Il sait pas pourquoi elle s'est intéressée à lui, en toute honnêteté ; même quand il y réfléchit calmement, il y comprend rien. Il a rien fait pour. Pas de mots doux, pas d'invitation, pas de compliments. Est-ce le goût de l'inaccessible qui l'a attirée ? Aucune idée, et la question, qui ne l'avait pas intéressée jusqu'à présent, a un goût amer quand il l'écoute. Parce qu'elle est blessante, et les sourcils de Klaus se froncent à mesure qu'il l'écoute parler, et ô combien il aimerait avoir cette aptitude à pouvoir juste vomir ses sentiments sans réfléchir. Sans buter sur les mots. Savoir s'exprimer comme elle le fait, quand elle parle de ressenti. Pourquoi tout ça, Klaus ? Parce que j'étais pas un espèce de challenge ? Un mec inaccessible, un de ceux qui te résistent et t'aimes pas ça, donc tu veux les faire flancher ? Parce que pour quelle autre raison tu me courrais après ? Soupir sec, les yeux se ferment un court instant, avant de les rouvrir. Mon inaptitude à exprimer clairement mes... sentiments, à presque buter sur le mot, si difficile à dire, ne signifie pas que je n'en ai pas. Je suis tout autant humain que le prochain. Et même là, c'est une peine sans fin pour exprimer ce que lui-même n'arrive pas à bien à analyser ─ de la déception ? De la honte ? De la colère ? Tristesse ? Peut-être tout ça non ? Aucune idée. C'est juste le foutoir, la seule chose qu'il sait, c'est que sortir de sa zone de confort pour essayer de rétablir un contact s'est soldé en échec. Alors il se penche et ramasse sa veste, non sans forcer l'expression de son visage vers la froideur et la sévérité qu'on lui connait. Que trop bien.

pose les mots sur des vérités. le jeu qui suffit plus. qui suffit pas. poussée par l’envie de te posséder, toi aussi. égoïstement, bouffer dans ton âme avant de la jeter pour recommencer ailleurs. chanter les mêmes sérénades pour t’entraîner dans mes gouffres. déposer sur tes lèvres, l’aconit de mes baisers. en harpie de tes fantasmes ratées. te laisser crever dans mon venin. quand c’est moi, qui me suis prise dans tes remèdes. doux. mensongers. juste une idylle que t’as volé. à venir boucher les maigres brèches, que tu m’as laissé creusé. me retrouver à chaque fois devant le même voile opaque. et, sûrement que c’est toi qui a raison là-dedans. de pas me laisser trop approcher. de pas me laisser l’occasion de te prendre quoi que ce soit. que tout de toi, sera mieux dans d’autres paumes que les miennes. trop maladroites pour en prendre soin. pour ne pas y tenir mais casser quand même. t’as raison, klaus. de tout reprendre. de t’arrêter toujours à temps. de frôler les frontières sans jamais les dépasser. - tu crois que c’est encore comme ça que j’te vois ? que j’te voulais ?.. la voix plus lourde, d’une déception qui grandit encore un peu. - pour une raison à la con. détachée. les mots sortent dans un désintérêt exagéré. - j’voulais que tu craques. que tu cèdes. et, c’est moi qui ai craqué. l’autre soir. mime l’absurdité des mots. t’observe, les paroles qui font bouillonner le sang. les mêmes autres que tu évoques tout l’temps. comme si c’était facile de refaire renaître la même chose ailleurs. comme si c’était pareil avec les autres. et, quand tu te penches pour ramasser ta veste. le cerveau qui fait qu’un tour, les paumes qui claquent contre ton corps quand tu viens tout juste de te relever. - arrête de partir, putain ! le regard froid. se bloque dans tes yeux. proximité osée. face à face, la distance presque entièrement avalée. laisse la place qu’à nos souffles en brouillard toxique. - tu crois que c’était encore un jeu quand j’étais avec toi là-bas ?! quand j’essayais de m’ouvrir à toi, que j’me laissais faire, que j’te laissais me toucher comme ça ?.. sans rien attendre en retour. même quand j’avais tellement envie d’toi et, que j’me faisais violence pour que tu restes encore un peu. à me retenir même de t’embrasser encore.. que juste, avoir tes mains sur moi, tes doigts sur ma peau, tes yeux, ça me suffisait. le souffle qui s’emballe. la nuit qui remonte dans les souvenirs. - sans poudre, sans alcool.. j’ai rien pris. j’voulais rien prendre pour rien oublier. contracte la mâchoire. parle trop. sans réfléchir. explose pour purger l’intérieur qui se nécrose.

Repoussé brutalement, surpris par le geste, Klaus fait retomber la veste au sol. Les yeux se braquent sur Lena, car s'il y a bien une chose à laquelle il ne s'est pas attendu, c'est un tel reproche. Arrête de partir, qu'elle lui ordonne, et il reste interdit face à l'accusation, stoïque, lui faisant entièrement face. Aussi droit qu'à l'accoutumée, mais le visage plus froid que d'ordinaire. Ils se confrontent, l'un et l'autre. La fournaise et l'iceberg, la passion et la retenue. Incapables de trouver un juste milieu, il n'y a que des étincelles, conséquences des valeurs qui s'entrechoquent, des tentatives qui se heurtent aux murailles de l'une ou de l'autre. Peut-être qu'il devrait être satisfait de l'entendre dire qu'elle ne voulait pas oublier, qu'elle a fait ces efforts pour lui, mais la première accusation demeure incorrecte, et il se sent forcé de corriger le tir. Je ne suis pas parti. lâche-t-il sans la lâcher du regard. Tu es celle qui est partie. Il se rappelle encore bien des derniers messages échangés. Une simple réponse à sa question, alors qu'il ignorait que ce qu'il dirait à ce moment-là sonnerait le glas de leurs échanges. Tu n'as pas aimé mes réponses. Ça a été ta décision de partir. Le regard se plisse légèrement, et il se risque à poser des questions plus directes. Piquer les zones sensible. Tu voulais que je sois possessif ? Que je désire t'enfermer dans une cage, te dise que je ne supporte pas l'idée qu'un autre te touche ? Que je te considère comme un vulgaire objet, un prix, une femme qui n'a pas le droit d'avoir son indépendance, sa liberté et ses fantasmes ? Que je te baise pour le seul plaisir d'avoir ma queue entre tes jambes ? Définitivement maladroit dans ses façons de faire, celui-là, mais les intentions sont là. La Lena qu'il a vue ce soir-là, dans le jacuzzi, n'est qu'un éclat de quelque chose ─ ou quelqu'un. Dis-le moi. Qu'est-ce que tu voulais de moi ?

la veste retrouve le sol. ignorée, concentrée sur tes yeux. eux qui se glacent, pourlèchent les braises des azurs qui se noircissent. bleu charbonneux. lointaine, la douceur qui régnait ailleurs. qu’on a abandonné là-bas. comme un vaste souvenir, qui réchauffe les entrailles agonisantes. et quand tu réfutes l’accusation, j’approche encore un peu d’un pas en avant. - t’allais partir. après t’être amusé encore un peu avec ton minable jouet. le dégoût qui déforme les lippes. les mots appuyés, prononcés lentement. pour me convaincre. me rappeler. - que j’parte ou que je reste, qu’est c’que ça change pour toi ? mh ? retour en arrière. là où les réponses redeviennent prévisibles. rien. les yeux brillants du froid que j’ai arrêté de ressentir. quand le feu gronde trop fort. et, les attaques fusent. réclame des aveux. les yeux qui se baladent sur ton visage. redécouvrent encore tes traits. - j’aurais préféré tout ça. absolument tout c’que tu viens de citer plutôt que l’indifférence. plutôt que la sensation merdique d’être toujours cette meuf qui te dégoûte tant. le même regard que sur le toit. celui qui reste ancré. quand les premières fois ont le don d’avoir cette importance. - t’as jamais répondu quand j’ai demandé plein de fois. marque la pause. courte. hésitante. pas savoir si j’ai vraiment envie de l’entendre. t’entendre. - qu’est c’que tu veux de moi ? pourquoi tu fais ça, klaus ? pourquoi tu m’as parlé des nuits entières, emmené dans cette putain de maison quand t’aurais pu te contenter de juste me voir quelques heures sur un parking à la con.. pourquoi tu m’as embrassé, tu m’as laissé te toucher. t’as parlé, toi aussi. déglutis. l’incompréhension qui accroche les prunelles. - pourquoi tu fais tout ça alors que tu sais.. que j’suis pas la femme dont tu rêves. pas ton idéale. tout le contraire de toi. rien de c’que tu voudrais. même pas assez pour que tu m’baises ! j’comprends rien avec toi.. les mains qui s’agitent. déstabilisée.

Pourquoi est-ce qu'elle lui met dans la bouche des mots qu'il n'a pas dit ? Pourquoi est-ce qu'elle se dégrade de la sorte, et traîne les autres avec elle par le bas ? Et encore, elle ne répond pas. Lena, l'éternelle poupée de cendre. À peine on la touche qu'elle vous file entre les doigts, et ses braises brûlent les doigts de ceux qui essaient trop vite, trop fort. Alors que Klaus, il n'a pas essayé comme un acharné. Il y est allé doucement. Lentement. Et pourtant, plus rapidement que pour d'autres. Et peut-être que c'est de la voir autant s'agiter qui finit par le forcer à se recentrer un peu. Remonter les barrières, renforcer les murs, rétablir les barricades. Parce qu'il sait pas faire mieux, et parce qu'il refuse de tomber avec elle. Qui a dit que j'étais indifférent ? Juste ça. Juste une question. Une seule. Pas de réaction par rapport au reste, parce qu'il le sait, s'il commence à ouvrir les vannes, elle va davantage se noyer. Perdre un ancrage, une bouée à laquelle se raccrocher. Alors il ne pose qu'une seule question, l'unique, parce que tout l'argumentaire derrière ne sert plus à rien si la réponse à cette question n'est pas la vérité.

foutue à terre. par un autre avant toi. quand la moindre braise, peut faire flamber une âme entière. poitrail en perdition. errante, dans le mistral froid. le sang dans les artères, devient que rancune et rage. change de visage. celui que tu hais. le sentiment écœurant de chercher une place que j’ai pas. que tu me donneras pas. laisse le silence gangrener la pensée. cogne comme une certitude. aucune réponse à trop de questions. réponds par une autre. elle qui résonne en écho creux. évidence, les rétines qui s’ouvrent un peu plus. siffle un rire malsain. - toi. quand t’es indifférent à tout ce que je peux te dire. tout ce que j’te fais. le comportement qui parle à ta place. l’absence de mots quand moi, j’en ai besoin. - encore toi, quand tu m’envoies chez un autre comme si j’étais ce « vulgaire objet. » reprends tes propres paroles. en attaque sanguine. - toujours toi, quand tu me tiens loin de toi. quand t’attises quelque chose pour le foutre en cendres le soir d’après. réalité glaçante. me retrouve en train de quémander ton attention. ton intérêt. tes désirs. pathétique.

Ils régressent, à cette soirée là, à la sortie de la boîte de nuit. Avant qu'il ne vienne l'aider sur le parking, quand il la repoussait froidement, brusque dans ses mots et ses gestes pour la maintenir à distance. C'est le même regard qu'à ce moment là, quand elle lui sert cette facette d'elle qu'elle n'aime pas. Parce qu'il reconnait cette attitude, celle qu'il n'aime pas, ne veut pas voir, et dont elle est routinière. Peut-être que ça marche sur les autres, mais la muraille empêche la culpabilité d'être davantage manipulée. Alors il reste sévère, campé sur ses positions. Ce sont tes interprétations. Pas mes mots. Aucune intonation. Juste la froideur de ses mots qui se joint à l'ambiance glaciale des montagnes canadiennes, toujours sans jamais décrocher son regard de celui de Lena. De toute évidence l'homme que tu cherches à obtenir n'est pas celui que je suis. Tu te crées des attentes me concernant, et provoques toi-même tes déceptions quand je ne vais pas dans ton sens. Elles sont le fruit de tes attentes et de ton impatience. Les mains se posent sur les bras de Lena, fermement, pour la forcer à reculer et remettre de la distance. Et il semblerait que tu cherchais en moi des sentiments que je ne suis pas apte à offrir. Puis il la relâche. Je m'excuse pour la gêne occasionnée. Formel. Distant. Le fossé qui se creuse sauvagement comme une barrière invisible tracée d'un geste brusque entre eux.