Last ❅❅❅❅❅❅❅❅ christmas

Elle n’avait pas forcément insisté lorsqu’il lui avait dit qu’il ne voulait pas aller à la Wind River pour la fin de l’année, et elle ne l’avait pas mal pris non plus, car ils y étaient un peu avant l’été, alors le calme bostonien est apprécié. Surtout après avoir passé quelques jours au Canada. Un endroit qui lui a rappelé son chez elle, des montagnes aux neiges intemporelles.

Alors avant de passer la soirée l’un contre l’autre pour le plus simple des réveillons, ils se sont aventurés à l’extérieur, emmitouflés, voulant profiter de l’ambiance magique du Boston Common. L’an passé, elle n’avait pas pu réellement profiter de la patinoire lorsqu’elle s’y était hasardée en compagnie de son colocataire, faute de ce qui avait pris place en elle, et même si ça lui inspire encore de la tristesse, elle choisit aujourd’hui de ne ressentir que la quiétude de marcher à son bras. C’est tous les deux, qu’ils ont traversé les tempêtes au fil des mois, les hauts et les bas. La conclusion restant la même… Elle ne peut pas vivre sans toi.

Ses prunelles émerveillées observent les décors de fêtes, toujours comme la gamine qu’elle était à son arrivée en ville. Quelque part en elle, il y a encore de sa naïveté, son âme de petite fille. « Quelque chose avant de se lancer ? » Son attention recentrée sur Sheng, l’espace d’une seconde elle s’autorise encore à songer à combien elle s’estime chanceuse d’avoir parcouru ce chemin avec cet homme-là. N’a jamais regretté ces choix. « Si tu veux, oui. » elle prononce tandis qu’elle lui sourit, les yeux finalement sur la carte, pétillants d’envie. Les différentes propositions sont étudiées, les alcools mélangés aux épices réchauffés ne sont pas ses préférés, alors forcément, elle penche vers une toute autre option, même si elle reste dans l’esprit des fêtes, « Je vais prendre un café de Noël, » des grains moulus avec une combinaison de cannelle, cardamone, muscade et cassonade, « avec de la crème. » ses vices, ils ne sont pas nombreux, mais le sucré fait nettement partie d’eux, « Et toi ? » elle l’interroge, ses lèvres toujours arquées, cette bonne humeur, rien ne saurait l’entacher.

Sous le regard d’Haiwee, l’étudiant semble hésiter, alors elle se contente de sourire, patiente, comme elle l’a toujours été, de toutes les façons, ils ne sont pas pressés, ils ont devant eux encore toute la soirée. « Un vin de Noël avec, s'il vous plait. » Elle l’approuve d’un mouvement positif de la tête tandis qu’il part à la recherche de quoi payer.

Rapidement, ils se retrouvent avec leurs boissons dans leurs mains, prêts à poursuivre leur chemin. Elle se délecte du goût de la crème, lorsqu’elle porte son gobelet à ses lèvres, de cette légère touche d’épices qui vient naturellement sublimer la force du café. Mais sa dégustation ne peut se poursuivre parce que par la faute d’un groupe un peu trop virulent, ils sont entraînés hors de leur trajectoire, à l’entrée du chalet de celui qui doit distribuer des jouets cette nuit. C’est plus fort qu’elle, elle ne peut pas s’empêcher de songer que c’est sa période préférée, qu’à la fin de l’année tout est magique, relève du parfait.

Néanmoins, cette bonne humeur qu’elle conservait tend à s’étioler lorsqu’elle croise le regard de Sheng et ne parvient pas à déterminer ce qu’il se passe, ce qui ne va pas. Elle l’interroge du regard, parce qu’elle ne comprend pas, elle détesterait que Noël se transforme en un nouveau cauchemar. Il délaisse son vin chaud et elle déglutit, elle clôt ses paupières, un acte en prévision de l’impact, quand il lui dit, « On devait attendre demain mais… » Alors ses yeux se rouvrent spontanément, observant sa paume qui plonge dans sa poche pour en ressortir une boîte à bijoux, visiblement. « J’ai vraiment envie de te voir le porter ce soir. » Elle ne peut contenir son sourire, soulagé mais surtout sincèrement touché, son café rejoint le gobelet de son partenaire et elle récupère le cadeau, les doigts tremblants, retenant sa respiration sans s’en rendre compte.

Avec précaution, elle l’ouvre, émue par ce que sa vision découvre. Elle garde le silence, sous le joug de ses sentiments, elle accuse la puissance de tout ce qu’elle ressent, ça lui fait le même effet, chaque fois qu’il lui fait un présent. « Sheng, c’est… » trop, assurément, elle en craque un sourire aimant, cherchant ses mots bien qu’il lui paraît des plus évidents qu’elle a égaré sa capacité à s’exprimer. De son pouce, elle souligne le pendentif en forme de cœur, pendant que le vrai, dans sa cage thoracique, s’affole lorsqu’elle relève le regard vers lui, « Il est magnifique. » Avant de lui demander de lui passer autour du cou, elle s’approche, caresse amoureusement sa joue, elle va embrasser ses lèvres chaudes avinées afin de lui montrer sa reconnaissance, exprimant un je t’aime couplé d’un merci muet.

Encore en train de sourire lorsque leurs lèvres se séparent, même si elle aurait bien fait trainer un peu plus cette démonstration d’affection, désireuse de plus, un tantinet frustrée de ne pas avoir emporté avec elle ce qu’elle a prévu de lui offrir demain dans la matinée. Alors elle n’a pas besoin de lui demander de le lui mettre puisqu’il s’y attelle tout naturellement, attrapant le bijou entre ses doigts tandis qu’elle se retourne et soulève ses boucles brunes humides dans l’espoir de lui faciliter la tâche. Elle frissonne quand ses doigts effleurent sa nuque si bien qu’elle, c’est le diamant qu’elle caresse une autre fois, comme pour s’assurer de sa présence, ravie de porter autour de son cou, son appartenance. Ce cadeau, il est parfait, elle se promet de ne jamais le quitter. « Je réitère. Ce soir je ne veux te voir porter que lui, » à ses mots, elle mord sa bouche d’envie, avide des promesses de cette nuit. Alors avant de reprendre leur chemin, elle murmure l’intensité de ses desseins, « Tes désirs sont des ordres, tu le sais bien. » Et elle se délecte de savoir qu’ils se couplent facilement aux siens.

A la suite de cet aparté romantique, ils reprennent leur balade, se dirigent vers la patinoire qui était leur premier objectif, elle se sent légère à chaque pas, heureuse de l’équilibre qu’entre eux, il y a. « Un dernier pari pour l’année ? » Elle sourit pleinement après sa proposition, buvant une gorgée de son café crème, avant de lui souligner, « Je croyais qu’on était là pour ça ? » amusée, elle le devance pour finalement le provoquer à marcher à contre sens et lui faire face. « Pour que je te donne une leçon de patinage. » Les sourcils soulevés, pour appuyer ses volontés de gentiment le narguer, et son sourire qui ne veut pas s’effacer. « Ce n’est pas parce que tu as triché en m’offrant ce collier maintenant… » l’amour, la simplicité, c’est plaisant, galvanisant, « que je vais te faire des cadeaux sur la glace. » Nul doute n’est possible, c’est à ses côtés que se trouve sa place.

Elle mordille la pointe de sa langue tandis qu’elle sourit, continue de le défier à distance, et apprécie voir se creuser sur la joue de son partenaire, cette fossette qui trahit la plaisanterie nichée dans son idée, « T’as raison, je vais le reprendre, » malgré tout, son expression se renfrogne face à cette menace déguisée, de toute sa candeur elle s’entend déjà lui rétorquer que ce cœur, elle est déterminée à ne jamais s’en délester. « Et on fera comme si tu ne savais rien, jusqu’à demain. » Inclinant le visage, elle fait mine d’hésiter, peser le pour et le contre, être clémente avec lui sur la glace, reste une possibilité mais… Les mâchoires serrées en signe de la gravité de sa décision, elle relève l’index, le balance de gauche à droite pour lui signifier que c’est hors de question. « Trop tard. » Elle ralentit le pas pour qu’il puisse revenir à sa hauteur, et lui rappelle, une fois sa main récupérée par la sienne, « je te rappelle que j’ai prévu de le porter ce soir. » L’étincelle de l’envie brûlant dans son regard.

Les voilà donc quelques minutes plus tard en train de s’équiper, et il est le premier à se relever, perché sur les patins, elle l’observe, ses commissures un brin arquées. « T'es douée ? » Elle opine alors qu’elle se redresse sur les lames aiguisées, « Moi non, » et pourtant, il ose s’avancer sur le sol glacé, malgré son affirmation. Elle en éprouve une once de fascination de constater une énième fois combien il sait faire preuve de détermination.
Cependant, avant qu’il ne se soit trop éloigné, elle s’élance à son tour, vient encore lier sa paume à la sienne, elle éprouve de l’électricité dans la moindre de ses veines, l’incitant à patiner de primes abords en douceur, glisser avec lenteur, avant d’augmenter la cadence petit à petit, tendresse et parcimonie, « Pour une fois, » même si elle aime à penser qu’elle lui a appris une chose dont l’importance ne peut être remise en cause. Elle se souvient encore de l’instant où il lui avait affirmé qu’il pouvait apprendre à aimer, si seulement elle voulait bien lui montrer comment on le faisait. « ce sera moi ta professeure. » Cet enseignement de l’amour, c’est au fil des mois, avec naturel, sans le forcer, qu’il s’est fait. Les intensités de leurs sentiments se sont simplement entremêlées. Mais ils ont réussi à s’apprivoiser, ce qu’elle porte autour du cou peut en témoigner.

Elle tente de cacher son amusement lorsqu’il vacille, bien qu’il récupère assez rapidement son équilibre. « Pour une fois. » il répète et elle sourcille, se demande s’il avait le même cheminement de pensée que le sien, si lui aussi songe à l’apprentissage des sentiments à ses côtés. Ou s’il repense à tous les moments qu’ils ont partagés. L’un comme l’autre, elle en sourit, maligne de manière mutine.

Plus ils patinent et plus le moment lui semble parfait, à l’aube du jour de Noël, les flocons de neige continuant à tomber, ce diamant autour de son cou qui reflète la sincérité de leur histoire. Elle a beau tenir à lui depuis des années, jamais elle n’aurait imaginé vivre ce rêve éveillé. Sheng, elle a toujours eu peur qu’il lui échappe, de ne pas faire le poids face à Xiaomi, à la liberté. « Last Christmas, you give me your heart… But the very next day, I gave it away. » Elle se laisse surprendre par les paroles de la chanson, certes elle ne prétend pas les connaître sur le bout des doigts, mais plus encore que l’étonnement de l’entendre la fredonner, elle prend conscience de leur sens pour la première fois.

Si bien qu’elle n’a pas réellement remarqué qu’ils se sont tous deux éloignés des bordures de la patinoire pour en rejoindre le centre. Seuls au monde au milieu de la foule qu’elle ne voit plus, surtout lorsqu’il trébuche et menace de l’entraîner dans sa chute, faute de leurs mains toujours entrelacées. Cela dit, elle se stabilise sur ses patins dans l’espoir de l’aider à se relever, tout en le couvant d’un regard bienveillant afin de l’inciter à recommencer, cependant, c’est le refrain de la mélodie qu’il reprend, « This year, to save you from tears, I’ll give mine to you, with something special. » Elle humidifie ses lèvres en un sourire, fais le lien avec le collier, forcément, enchantée par cette sérénade qu’il tenait à terminer. Elle a presque envie de lui dire qu’il n’est pas obligé, elle sait que le romantisme n’est pas son leitmotiv préféré, même si elle est profondément touchée… « La parure n’est pas complète. » Sans comprendre, elle fronce la douceur de ses traits tandis que c’est son être qui réagit avant elle ; Le souffle coupé, la difficulté à respirer. Ses sentiments qui débordent et lui donnent envie de pleurer. Elle tremble de tout son corps. Ce n’est qu’à la vue de l’écrin que ça résonne dans son esprit, qu'Haiwee réalise vraiment ce qui est en train de se passer. Son genou à terre, sa nervosité, le décor… « Haiwee Wind River. » Elle n’entend plus le monde autour, assourdie par les battements de son cœur.

Le songe éveillé, il se trouve là, elle l’effleure du bout de ses doigts, elle le contemple avec affection, il est dans ce sourire ému qui se dessine légèrement sur ses lèvres, dans ce soupir trahissant son allégresse, cet instant d’une infinie tendresse. Ses émotions pêle-mêle, ses sentiments prêts à imploser, avant de plaquer sa main sur sa bouche pudique même avec le bonheur, elle ose ; « Sheng… qu’est-ce que tu… » elle mourrait cent fois pour ressentir ce qu’elle éprouve ici, grâce à toi. Pourtant, elle ne murmure rien de plus, effrayée à l’idée de t’arrêter dans ta lancée, cette possibilité elle ne pourrait pas la supporter. Alors le cœur au bord du précipice, à désirer plonger à tes côtés, elle attend, espère, que tu lui proposes l’éternité et de pouvoir te répondre qu’elle t’aime et qu’elle l’a toujours fait.