So long & Lost - Parkeis

Je me tiens là, près de la bordure de la patinoire, l’appareil photo suspendu entre mes mains. Je l'observe sans vraiment la voir, ou peut-être que je la vois trop, trop intensément, comme si chaque mouvement pouvait me décrire son âme. Le bruit des patins glissant sur la glace est presque apaisant, mais pas pour moi. Non, pas aujourd’hui. Pas maintenant. Tu es en train de conclure ton cours. Tu souris, comme tu souris toujours avec eux, ces enfants qui te regardent avec admiration. Tu t'approches, les enfants partent, et moi, je reste là, à regarder chaque pas que tu fais, chaque mouvement de ton corps qui semble à la fois familier et distant. J'ai l'impression d’être figé, de ne pas savoir comment réagir, de ne pas savoir si je dois encore t’approcher ou rester là, loin de toi, comme quelqu'un qui aurait oublié la proximité que nous partagions avant. Je t'observe et je me sens un peu perdu. Perdant mes repères. Ce n’est pas que je te trouve moins belle. Non, tu es toujours cette femme qui fait naître une forme de chaleur dans ma poitrine, mais je ne sais plus comment faire face à ce qu’il reste entre nous. Je ne sais plus si je t’aime encore, si je suis en train de souffrir de ne plus t’avoir, ou si je suis juste perdu dans l’espace entre ce que nous étions et ce que nous sommes devenus. Je range mon matériel tout en prenant des grandes inspirations. Et moi, je ne sais pas par où commencer. Ni ce que je veux dire. Ni si j'ai vraiment envie de le dire. Mais tout est là, au fond de moi, et il va bien falloir que ça sorte. Et je sais que c’est un choix difficile. Parce que, dans un monde où je pourrais tout effacer, tout recommencer, je te choisirais à nouveau. Mais je ne peux pas me permettre de risquer que l’histoire se répète, de risquer que tu sois encore celle qui porte la douleur. J’ai vu ce que ça t’a fait la dernière fois. On s'trouve un endroit pour discuter? je suis surement le moins prêt des deux, mais je suis aussi celui qui assume. La fuite n'a jamais été une option chez moi.

Je te vois arriver de loin mais termine mon cours parce que je dois être là à cent pour cent présente pour les petites. C’est pour éviter un accident mais aussi parce que je suis payée pour ça et non pour les laisser se débrouiller seule afin d’avoir une conversation que je n’ai pas envie d’avoir. Je ne vais pas me voiler la face plus longtemps, je vois bien dans tes yeux que tu ne vas pas m’annoncer ce que j’aurais aimé entendre. Mais peut-être que j’aurais aimé l’entendre il y a une semaine et beaucoup moins aujourd’hui. J’en sais rien. Je suis perdue et c’est un tourbillon d’émotions qui me prend de partout. Je ne sais même plus quoi dire, quoi penser. Il y a énormément de choses que je regrette dans la vie mais chacun de ces regrets m’a appris une leçon. Et quelle leçon putain. J’arrive toujours pas à y croire. La dernière petite partie, je remballe les quelques accessoires qu’il y avait sur la glace et patine vers toi. J’arrive même pas à être chaleureuse en te regardant et ça me bouffe de l’intérieur. Hey. Les mots sont simples. Il y a une distance entre nous qui me déplaît mais je ne suis pas sûre de réussir à l’accepter. Mais je crois que je ne vais pas avoir le choix. T’as tout ce qu’il te faut en cliché ? Parce que je suis pas sûre d’avoir la tête à être sur la glace après cette conversation. Ça pourrait être dangereux pour moi et me blesser, ce n’est pas permis. Ni aujourd’hui, ni jamais. Plus jamais, pour aucun homme. Je me le suis promis il y a dix ans et je ne vais pas déroger à cette règle. Ma sécurité avant tout. J’ai besoin d’être émotionnellement stable pour ne pas me blesser. Mon regard céruléen dans le tien, j’attends de savoir. Je ne pense pas que t’ai tout ce qu’il te faut mais sait-on jamais.

Je remarque ton regard, froid, contrôlé, et je le sens comme une barrière que je ne peux franchir. Tu te tiens là, droite, presque distante, et je comprends que tu es prête à mettre de la distance, à protéger ce qu’il reste de toi, de nous. Tu essaies de cacher l’intensité de ce que tu ressens derrière un masque de professionnalisme, mais je vois bien. Je vois bien la fissure, ce léger tremblement qui trahit ta façade. Et ça me fait mal, même si je n’ose rien dire, même si je ne peux pas encore poser les mots sur tout ce que je ressens. Oui, je pense que j'ai ce qu'il me faut, je réponds, la voix un peu plus rauque que je ne l’aurais voulu, mais je ne peux pas m’en empêcher. Chaque mot est une tentative maladroite de naviguer dans ce vide entre nous. Je n’arrive pas à détourner les yeux. Il y a quelque chose chez toi, dans cette distance que tu mets entre nous, qui me hante. Quelque chose que j’ai provoqué, ou peut-être que c’est moi qui suis encore trop attaché à ce qu’on était. Mais à cet instant, je me rends compte que je ne peux plus revenir en arrière, que les choix que j’ai faits ont façonné cette conversation, et je n’ai plus la possibilité de faire comme si de rien n’était. Je sais que tu t’es promis de ne plus laisser personne te blesser, mais j’ai l’impression de m’être pris dans tes filets, dans ta propre règle de sécurité. Et peut-être que, tout comme toi, je suis à la recherche d’une réponse que je ne suis pas certain de vouloir entendre non plus. Parce qu’à chaque instant, je sens qu’on est à deux doigts de tout effacer, et pourtant, on se laisse dériver dans ce silence, comme si l’on avait tous les deux peur de ce que l’autre pourrait dire. Je m’approche d’un pas, mais je n’ose pas trop me rapprocher. Je n’ai jamais su lire exactement tes limites. Tu sais… Je n’ai pas l’intention de te faire du mal. C’est une vérité que je n’ai jamais dite, mais qui me brûle les lèvres. Est-ce que tu me crois ? Est-ce que tu pourrais me croire, à cet instant précis ?

D’un signe de tête, j’acquiesce, accepte que tu as tout ce dont tu as besoin et me rends compte que je n’ai absolument plus rien pour repousser ce moment. Je ne sais même pas pourquoi je le repousse, pour être complètement honnête. Il doit arriver, il est temps qu’il arrive. Mais quand j’ai dérapé la semaine dernière, quand j’ai ouvert une partie de mon âme que je pensais avoir fermé - pour toi du moins - je me suis rendue compte que mes craintes étaient en fait notre réalité. Comment en est-on arrivé à cela ? Comment est-on passé d’une des conversations les plus difficiles de mon existence - qui m’a aussi fait comprendre l’importance que tu avais toujours dans mon cœur, dans mon esprit et dans chacune de mes pensées ces derniers temps - à ça ? Comme deux étrangers, deux éléphants au milieu d’un magasin de porcelaine. Je ne saurais l’expliquer. J’ai deux tonnes de pierres dans l’estomac, anxieuse et pourtant confiante que tout va bien se passer pour moi. Je me sens déstabilisé et en même temps, je crois que je suis prête à avancer, à passer à autre chose. Parce que, dans mon esprit, il n’y a pas d’autres raisons à ton mutisme. Oh tu sais, ce que l’on veut et ce que l’on fait, des fois… Je voulais gagner les Jeux Olympiques et je n’ai pas été capable de le faire, à juste titre. Personne ne veut souffrir ou, pire, faire souffrir et pourtant, il y a des situations où cela arrive. Il n’y a qu’à nous voir tous les deux. Je n’avais pas envie de te laisser dans le doute en te quittant, pensant que tu relierais les points toi-même. Et tu n’as visiblement pas envie de me faire du mal mais c’est pourtant ce que tu fais, à ce moment précis. Qu’as-tu l’intention de me faire alors, João ? Ou de dire ? Je me baisse légèrement, dénouant mes patins sans te lâcher du regard. Je l’ai fait des millions de fois, j’ai l’habitude. On me compare souvent à une sirène avec mes cheveux mais aujourd’hui, dans mon palais de glace, j’ai vraiment l’impression d’être Elsa. Les pieds sortis des patins, chaussettes bien épaisses pour cacher mes orteils abîmés par les heures excessives sur la glace depuis une semaine, je m’assois sur le banc, mon regard plongé dans le tien. Quand faut y aller… Faut y aller. Et la distance que je prends, j’essaye de la tenir parce que j’ai peur. Peur de ton refus que je sens arriver comme la neige en plein décembre dans le Colorado. C'est inévitable.

J’ai comme l’impression d’avoir la glace sous les pieds, mais plutôt comme celle d’un lac gelé, mais ce n’est pas la seule chose qui me fige. Non, c’est toi, là, devant moi, avec ton regard qui fait vaciller tout ce que je croyais avoir reconstruit. Je devrais te dire quelque chose, mais les mots se coincent dans ma gorge, comme s’ils avaient peur de ce que ça signifierait. Je les sens, là, accrochés, refusant de sortir, comme si chaque syllabe me brûlait un peu plus. Tu as l’air fragile dans tes chaussettes épaisses et pourtant, tu fais face à tout ça avec une force qui me bouleverse. Tu es là, près de moi, et pourtant, je sais qu’il y a une distance que rien ni personne ne pourra combler. Même si je t’aime encore. Même si je voudrais te dire que tout serait différent si je pouvais tout effacer, tout recommencer. Mais je ne peux pas. On m’a dit une fois que… la voix qui s’enroue. Mais aussi stoppé par ta question. Mon corps s’appuie à l’opposé de ton banc que l’amour parfois ça suffit pas. j’en soupire, ça va paraître debile. T’sais Oli, je t’aime encore et j’crois que je t’aimerais toujours. je lâche enfin, mais même ces mots semblent trop faibles face à tout ce que ça implique. Parce que je sais que ce n’est pas suffisant. Parce que, malgré tout l’amour que j’ai pour toi, malgré tout ce que je ressens chaque fois que je suis près de toi, il y a cette certitude qui me ronge. Il y a des choses qu’on peut aimer, des gens qu’on peut aimer, mais qui, pour une raison ou une autre, nous échappent. Et c’est exactement ça. Je suis en train de te perdre à nouveau, mais d’une manière différente cette fois. Je ne veux pas te faire de mal, mais c’est ce que je fais. Toujours. Parce que je suis trop faible pour te donner ce que tu mérites. Je détourne le regard, essayant de ne pas laisser cette douleur me submerger. C’est pas que je ne veux pas. je murmurais presque pour moi-même. C’est que je ne sais plus comment. Parce qu’à chaque fois que je te regarde, j’ai l’impression que je perds une partie de moi-même, une partie que je ne peux pas laisser partir à nouveau. Tu n’as pas à payer pour ça. Tu n’as pas à être la victime de mes incertitudes, de mes faiblesses. Je ferme les yeux, un instant, pour ne pas voir la douleur dans ton regard, parce que je sais qu’elle est là. Et elle me déchire un peu plus à chaque seconde. Pourtant, je reste là, en silence, parce qu’il n’y a rien d’autre à dire. Parce que tout ce que je veux, c’est que tu comprennes que, malgré tout, je t’aime encore. Mais je ne peux pas continuer à te faire souffrir. Pas plus longtemps. Pas encore.

On t’a dit que… Avec les on dit, il y a beaucoup de choses à prendre mais encore plus à laisser. Et j’aurais préféré que tu tombes sur quelqu’un qui te dise que l’amour, ça suffit toujours, dans tous les cas. Que quand on veut que sa relation  marche, que lorsque l’on veut s’épanouir, il y a une possibilité de le faire. Mais il faut le vouloir. Puis tes mots m’achèvent. Perdue. Je suis perdue. À quel moment tu te permets de me dire que tu m’aimes encore et m’aimeras toujours si l’amour ça suffit pas. C’est que c’est pas ça, c’est que tu mens quelque part. Mais je suis incapable de trouver où. Je suis incapable de comprendre pourquoi. Il y a pas mal de choses qui se bousculent dans mon esprit, il y a mes épaules qui s’affaissent légèrement et ces pierres qui me tirent vers le bas. Il y a même cette larme qui sillonne ma joue et que je n’arrête pas en chemin. Coule, roule, trouve cette liberté qu’il me manque, ce destin en dehors de cette boule d’émotion qui me rend des plus instables ces derniers temps. J’ai des moments de calme complet et d’autres où je patine jusqu’à teinter mes chaussettes de sang. Se pousser à bout pour oublier, pour se préparer. À quoi, je ne sais pas. Peut-être à la guerre, peut-être au bonheur. Dans les bras d’un ou une autre. Parce que tes derniers mots, ils finissent d’appuyer sur ce pieu que t’as planté le trois décembre dernier. Je pince mes lèvres, les sentant trembler. Et ce soir, je dois être forte pour celle que je suis, celle que j’étais et celle que je deviens. Je soupire doucement, levant les yeux au ciel, rêvant que le froid m’anesthésie jusqu’au fin fond du cœur, en attendant la réanimation ultime, les bras d’un homme, de l’Homme. Celui avec un grand H, celui qui n’aura pas peur de quoi que ce soit, de qui que ce soit. Et je crois que dans ma tête, il y a cette guerrière qui se relève, qui sait que ça fait mal à l’instant T mais que ça finira par passer, parce que tout fini par passer. C’est la femme qui n’a pas su se défendre plus jeune qui prend la relève. Celle qui comprend qu’elle a fait des erreurs par le passé mais qu’il y a tellement mieux, qu’elle peut devenir la meilleure version d’elle-même en y mettant du sien. Celle qui sait qu’on abandonne pas le combat à moins de le vouloir. Et de l’accepter. Tu ne sais plus comment quoi João ? M’aimer ? Je passe ma main sur ma joue, retirant toute trace de l’esseulée qui a coulé ici. C’est pas moi, c’est toi, c’est ça ? Les mains qui se posent bruyant sur le banc entre nous, je souffle Me balances pas tes conneries préconçues. Dis-moi les choses comme elles sont. Je vais en avoir besoin pour avancer. Dis-moi ce qu’il se passe vraiment là-dedans. Et je pose mon index contre ton cœur, parce que c’est lui qui devrait régner. Tu sais, une fois j’ai lu qu’un philosophe a dit “le coeur a ses raisons que la raison ignore”. Et le plus beau là-dedans, c’est que c’est le palpitant qui convainc toujours le reste des organes d’aller dans un sens ou l’autre. Tu pourrais être en mort cérébrale et toujours être vivant. Tant que ton cœur ne lâche pas, y a de l’espoir. Mais l’espoir, c’est comme une bougie, ça vivote. Et toi, t’as éteint la flamme, nous laissant dans le noir.

Tu as raison de dire ça. Peut-être que c’est moi. Peut-être que c’est moi qui ai laissé tout ça partir. Peut-être que j’ai failli à tout, et je ne sais plus comment revenir de ça. Mais tu sais, ce n’est pas que je veux te fuir. C’est juste que chaque fois que je suis près de toi, j’ai l’impression que je vais tout foutre en l’air encore une fois. Et je ne veux pas ça. J’ai peur de te perdre, de te faire du mal à nouveau. C’est plus facile de m’éloigner, parce que ça te protège. Mais toi, tu n’as pas à porter tout ça. Tu mérites tellement mieux. Je souffle, profondément fatigué. Tu crois que j’essaie de te donner des excuses ? Je ne cherche pas à te mentir, je cherche à te dire la vérité. La vérité, c’est que je suis tellement perdu que je ne sais même plus comment avancer. Mais je t’assure que ce n’est pas des conneries. Je t’aime encore, mais je ne sais pas comment te le prouver. Et chaque mot que je te dis, chaque geste, me fait sentir encore plus misérable, parce que je n’ai rien à offrir, rien qui pourrait réparer ce qu’il y a entre nous. Ton doigt sur mon cœur, c’est comme un électrochoc. J’aurais voulu que ce cœur, celui-là, soit plus fort que tout. On est comme des flammes qui s’éteignent, et je ne veux pas te laisser dans le noir, je ne veux pas que tu attendes la réanimation d’une promesse que je ne peux pas tenir. Parce que je sais ce que je suis, je sais où je suis allé, et je sais que j’ai des démons que je ne sais pas comment combattre. Et je crois que ça, ça te ferait mal, encore plus mal. C’est peut-être ça, le mensonge : croire que l’amour suffit alors que je suis trop abîmé pour te donner tout ce que tu mérites. mes yeux bien fixés dans les tiens, il est temps d'ouvrir les vannes J'aurai pu te nuire cet été, involontairement... T'as assez douillé dans ta vie. On t'a enlevé un rêve, j'veux pas prendre le risque d'être celui qui peut t'enlever une partie de ta vie. Ton travail, ta réputation, que sais-je est-ce que tu comprend que j'agis par amour et par peur de te faire du mal ? J'suis conscient de mes propres faiblesses et de mon incapacité à être l'homme stable qu'il te faut, que tu mérites. Ma main chaude qui se pose sur le dos de la tienne, toujours sur mon torse. J’ai arrêté, mais je suis toujours dans ce combat, et je ne voulais pas que tu sois là, à te battre aussi contre cette incertitude, à te demander si ce soir je serai celui que tu veux, ou si je serai quelqu’un d’autre. C’est moi que je protège, oui, mais c’est aussi toi. Parce que je sais que, même avec tout l’amour que je ressens pour toi, je pourrais te faire du mal si je laisse cette faiblesse reprendre le dessus. Je t’ai écartée, mais c’était pour ne pas t’entraîner là où je pourrais aller, à nouveau.

Je trouve surtout que t’essayes de t’en trouver. L’amour ne suffit pas. Ça tourne en boucle dans mon esprit et je n’arrive pas à y croire. Je m’attendais à tout sauf à ça. Ça fait une semaine que des dizaines de scénarios tournent dans mon esprit. Je suis passée par absolument toute sorte de délire mais je dois dire que celui-ci, j’étais loin de me l’imaginer. ”Je t’aime mais l’amour n’est pas assez.” Putain mais je suis dans un rêve. Ou plus précisément dans un cauchemar. Rien de tout cela ne me semble logique, rien de cela ne fait sens. Je tourne le problème dans ma tête, ayant du mal à enfermer mes émotions et garder le contrôle. Je ne le perds pas souvent, ayant bien trop d’années de thérapie derrière moi pour me laisser avoir si facilement. Mais, tu sais où est la nouveauté, dans cette situation ? C’est que mon cœur est engagé. Bordel, ça fait mal. Ça n’a jamais fait aussi mal. Mais à mesure que j’entends tes mots, les murs se dressent. L’index toujours écrasé contre ton coeur, je pince mes lèvres pour te laisser parler, t’expliquer mais aussi m’éviter de t’exploser au visage parce que je crois que c’est ce qui arrive. Non je comprends pas. Que je souffle alors que la chaleur de ta main se pose sur la mienne. Tu choisis pour moi. C’est… Je soupire et retire ma main de sous la tienne. C’est pire que tout ! Ma voix monte sans que j’arrive à la retenir. Je suis en train de sortir de mes gonds, de souffrir en bonne et dû forme. Tu veux m’éviter quoi au juste ? De souffrir ? De me faire du mal ? Je me lève rapidement du banc, fais deux pas dans le sens inverse de celui où tu te trouves et me tourne rapidement vers toi. C’est trop tard pour ça ! Sur ce coup, je crie. Et mon corps tremble légèrement. Je reviens vers toi et me laisse tomber sur le banc, les yeux fermés, la main sur le sternum pour essayer de me contrôler. Et lorsque j’ouvre les yeux à nouveau, ils sont pleins de larmes. C’est de la lâcheté tout ça, João. Les perles salées roulent sur mes joues mais ma voix, quant à elle, reste stable, ce qui me surprend totalement. T’es pas trop abîmé. Tu ne l'as jamais été. Chaque faille mérite juste à être remplie d’amour. Et je pensais que j’allais être celle qui pourrait le faire. Je pensais que toi et moi, ça allait pouvoir recommencer, repartir comme si nous ne nous étions jamais séparés. Mais j’avais tout faux. Sur toute la ligne. Arrêtes de dire que je mérite mieux. Que t’es pas la stabilité qu’il me faut. Visiblement, t’en sais rien. Parce que t’as faux sur toute la ligne. Et je te déteste pour cela. Pour croire que tu sais mieux que moi ce dont j’ai besoin et envie. Mais je comprends bien que je ne vais pas avoir d’autres choix que de passer à autre chose. Putain, mais quelle année 2024 de merde. En espérant qu’elle se termine mieux que ce qu’elle a commencé.

Je comprend ta colère, je la sens, et je sais qu’elle est légitime. Putain, je te vois souffrir et ça me bouffe de l’intérieur. Chaque mot que je te dis, chaque mouvement que je fais, je sais qu’ils t’atteignent et te blessent, encore plus profondément que tout ce que j’avais imaginé. Mais crois-moi, je ne t’évite pas pour t’épargner. Je t’épargne moi. T’as raison de me dire que je suis lâche, j'le suis, et ça me fout la honte. Je pensais que l’amour suffirait, que l’on pourrait retrouver un équilibre, se reconstruire ensemble comme avant. Mais ce que je ressens, c’est que je suis trop fragile, trop bancal. Et je suis fatigué de tomber encore. De tomber et de te tirer avec moi. J’ai cette sensation de partir en morceaux chaque jour, d’être un puzzle mal assemblé, et je suis tellement désolé de te faire porter le poids de ça, de te forcer à voir mes failles que je n’arrive même pas à réparer. Crie pas Oli.... Je sais que c’est dégueulasse, que c’est cruel, mais crois-moi, j’aurais voulu que ça soit différent. Parce que je suis sûrement en train de tout gâcher. Mais tout ça, cette distance, ce silence, c’est parce que je veux te libérer de la douleur que je pourrais encore causer. J’ai pas la force d’être ce que tu attends. Et je crois que c’est ça qui me tue, au fond. Que malgré tout l’amour que je ressens, je ne suis pas capable de te donner ce que tu veux. Pas aujourd’hui. Pas comme ça. Putain, je suis désolé. Je sais que ça ne changera rien, mais je suis désolé de t’avoir fait espérer. Parce que ce que je t’offre aujourd’hui, ce n’est pas de l’amour sain, c’est un amour qui te blesse, un amour qui te laisse dans l’incertitude. Je n'oses même plus affronter ton regard. Je place ma main sur mon front que je frotte, pour soulager le tambour dans mon crâne. Si j'le sais. je prend une grande inspiration avant de placer mes poings sur mes hanches et regarder vers le plafond Tu m'as quitté pour avoir tiré sur un joint. Dès que j'croise mon casque de moto, j'ai envie de me faire un rail. Tu vois ce que je veux t'éviter? J'suis loin de la stabilité. Je suis peut-être encore un putain de casse-tête, J'me noie dans la travail, les études et le sport pour ne pas avoir une minute sans quelque chose dans la tête. Me remettre avec toi, ce serait du bonheur mais aussi beaucoup de pression parce que j'voudrais plus te décevoir. Sauf que j'crains que cette pression, elle soit plus forte que moi. mais je crois que la meilleure chose que je puisse faire pour nous deux, c’est de m’éloigner, même si ça me tue de devoir te laisser partir. Parce que je sais que tu mérites mieux que ça. Et même si ça me déchire, je veux que tu sois heureuse. Même si ce n’est pas avec moi.

La colère monte et si j’ai toujours réussi à me contenir, c’est une semaine de doute, de peur et d’espoir qui me tombe sur le coin de la gueule. C’est un peu comme les toits pleins de neige qu’on regarde tous les jours en se demandant quand tout va tomber. On espère qu’il n’y aura personne en dessous mais moi, j’suis sous l’avalanche. Je mange ces kilos de neige, ces heures de questionnements, ces soirées passées à faire tout et n’importe quoi pour ne pas penser. Les heures de sommeil qui se comptent sur une main parce qu’il n’y a qu’épuisée que j’arrive à m’endormir. Avant de recommencer le lendemain. La routine. Les discussions qui me permettent de me préparer au pire. Et quand tu dis que tu le sais, je sais que c’est faux. Parce qu’il y a tellement de choses que tu crois savoir alors que t’as zéro idée de rien. Je te regarde. Parce que moi, je suis capable de t’affronter pour cette conversation que t’as repoussé jusqu’au dernier moment. Je déglutis difficilement à tes mots et ma première réaction est d’avoir envie d’hurler. D’hurler que je suis prête à t’aider, que je suis prête à être celle qui t’aidera à dépasser tes démons. Parce que les démons ne sont que ça : des entités noires qui nous font du mal, beaucoup de mal. Ils essayent de nous tirer vers le centre de la terre, dans la noirceur de leur noyau. Mais je me l’interdis. Je vois qu’il y a encore des mots qui n’attendent qu’à sortir. Et, une fois encore, je me laisse détruire par les actes d’un homme. Parce que même si je ne comprendrais jamais ce manque de foi que tu as en toi, en moi, en nous, je ne suis pas dupe. Il y en aura une autre que tu laisseras t’aider comme tu me refuses de le faire. C’est quelque chose sur laquelle on aurait pu travailler tous les deux. Ensemble et séparément. On a tous les deux des traumatismes, des envies et des démons que l’on tente de repousser tous les jours. Je continue de pleurer, incapable de me retenir. Mais il y a toujours cette stabilité dans ma voix. Je crois que mon cerveau essaye de prendre le dessus pour ne pas me laisser m’effondrer à tes pieds. Ce serait bien plus facile pour toi de me piétiner et le peu de fierté et d’espoir que j’ai se bat pour te tenir tête. Comme quoi, je suis peut-être plus forte que ce que j’ai l’air, que ce que je pense. Je t’ai quitté parce que j’ai eu peur. Que je connaissais pas cette partie de toi, que j’ai cru que tu me mentais, que j’ai eu peur que ça me porte préjudice. Sans que je vois les choses arriver. Sans que je puisse contrecarrer. Et je sais que les mots qui arrivent vont me faire réaliser que la principale différence entre toi et moi, c’est que pour la personne que j’aime, je suis capable de me battre contre ses démons, contre mes peurs et contre le monde. Si tu m’avais parlé de tout ça, si t’avais été capable de me faire confiance… Et là, les larmes doublent en volume, en intensité. C’est à croire que l'œil droit et le gauche se sont lancés dans un concours : qui descendra le plus vite le long de ma joue. J’étouffe un sanglot et me racle la gorge pour tenter de retrouver une certaine consistance. Mais j’suis pas la femme forte avec qui tu veux te battre contre tes démons, j’suis pas la partenaire que tu veux à tes côtés parce que… Tu me répèteras que ça n’a aucune incidence, aucune logique, que ton regard sur moi n’a pas changé mais je suis persuadée que si. Et si tu es assez con pour croire que l’amour ne suffit pas, je suis assez conne pour pour le croire. Tu me vois comme un petit truc à protéger et pas comme une femme à aimer à la hauteur de ce qu’on veut et peut se donner. Tu ne me vois pas comme la personne avec qui t’a envie d’évoluer. Et c’est d’une tristesse à en crever. Abusée, trompée, abandonnée, abandonnée à nouveau. C’est un remake des Six femmes d’Henri 8 ? Le prochain, peut-être que je lui survivrai.