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Je n’arrive toujours pas à y croire, à tout ce qu’il se passe. Je ne comprends pas toujours ce qui m’a mené ici mais j’y suis. Vêtue sobrement, le visage haut, mes longs cheveux blonds coiffés de la plus belle des manières qui soit, j’attends assise sur l’estrade que l’on me nomme à mon nouveau titre. Sénatrice de l’État du Massachusetts. Quarante-six ans. Femme et mère de trois enfants - le dernier étant clairement un accident - et nouvelle sénatrice de l’État dans lequel j’ai vu le jour et ai fait mes études, ainsi que ma carrière. État où ma famille vit, où j’ai rencontré mon mari. L’État qui a besoin de rester du bon côté de l’histoire. Les mains posées sur mes jambes, je penche légèrement le visage vers le lieu où se trouve ma famille, assis ensemble, deux pré-adolescents clairement agacés d’être là et un bébé qui ne cesse de vouloir arracher tous les bijoux que ma mère semble avoir mis pour l’occasion. Il y a aussi Enola sur une chaise, mon père pas très loin avec son frère et ma tante. Et puis, il y a mon mari, celui qui m’a soutenu à chaque mètre de ce chemin semé d'embûches. Le teint hâlé rappelant ses origines a été partagé à nos enfants et je suis vraiment heureuse pour cela parce que nous sommes en plein mois de juillet et je suis toujours aussi pâle. Mon regard glisse sur la foule de personnes présentes, sur ces professeurs qui j’ai invité, sur ces amis qui m’ont soutenu tout au long de l’aventure. J’ai même invité chacun des Franklin qui m’ont permis de passer une dernière année haute en couleurs. Mes collaborateurs sont là aussi. Et pour la première fois depuis quelques années - ou peut-être même depuis toujours - je sais que je suis où je dois être, où je suis la plus heureuse. Les patins n’ont pas été raccrochés souvent - jamais à l’exception de mes grossesses - mais je crois qu’aujourd’hui, je suis prête à dire adieu à cette partie de moi qui m’a tant portée et apportée. La cérémonie commence, se passe et c’est quelques longues minutes plus tard que je me retrouve entourée de tous ces gens qui ont fait de moi celle que je suis aujourd’hui. J’attrape ma petite dernière, reniflant son odeur de bébé comme une droguée qui vient de prendre sa dose et m’excuse auprès de tout le monde pour aller m’isoler quelques minutes. La cuisine de la salle des fêtes est derrière une porte battante et c’est là que je me réfugie pour souffler légèrement et rééquilibrer mes émotions. Tu n’as beau avoir que six mois, je n’ai aucun doute sur le fait que tu prendras les mêmes couleurs que ton père et tes frères et soeurs. Laissant la pâlotte de la famille dans son coin. C’est toujours la guerre pour leur faire mettre de la crème solaire en vacances et je sens qu’avec elle aussi, je vais devoir batailler. Je me dirige vers le frigo et fouille de quoi grignoter. Ce n’est pas franchement facile à une main mais je finis par trouver les Ficellos infâmes du premier. Il ne sort jamais sans et je décide donc de taper dans le paquet. J’entends la porte claquer et ferme rapidement celle du frigo, bébé toujours bien endormi dans mes bras. J’arrive, j’ai besoin d’énergies. Que je souffle en mordant dans le bâtonnet caoutchouteux. Et lorsque je me tourne, je croise le regard de ma cousine. Un sourire se dessine sur mon visage et je lui montre ma trouvaille. Toi aussi t’avais besoin du remontant le plus dégueulasse de la planète ? Non, vraiment, je ne comprendrai jamais comment mes enfants arrivent à manger ces merdes qui n’ont jamais vu une vache de leur vie. Infecte. Mais ça les fait taire et c’est souvent ce que je recherche après une longue journée. J’espère que le bâtonnet couine pas trop avec mes dents sinon ton filleul va débarquer dans la minute. J’étais la première à dire qu’un membre de la famille ne devrait pas à être parrain ou marraine parce qu’ils sont déjà tonton ou tata mais c’était une évidence.
(Olive Desjardins-Parker)
hug me until i smell like you