— — —un — corée du sud, seoul. début de tout. une famille park, aisée, les poches pleines et les images bien gardées. conservatrice aux valeurs ancrées dans le passé. lili park, une fille douce, brillante. ingénieure en devenir. des rêves plein la tête dans la tech. puis un soir, un homme. un client du restaurant où elle travaillait, la fin de ses études et en recherche de son nouveau travail, un travail pour combler le temps. et lui, riche, arrogant. un sourire carnassier. visage familier, connu dans les petits papiers de la ville, l'homme d'affaire. les mots qui glissent. puis les geste, le soir de trop, celui sans retour. trop de silence après. trop de honte. elle tombe enceinte, lili et elle l'apprend vite. elle savait, elle le sentait. malade qui avait planté en elle, le chaos de sa vie. celui qui fera l’effet de la tour dans le tarot, tombe sous le destin de la destruction pour mieux reconstruire. le bien dans le mal, ce bébé. sa famille découvre. scandale, elle est rejetée, pas acceptée. personne n’y croit à bon histoire. pour eux, c'était pas une agression, mais lili qui n’a pas d'honneur. lili qui a trop joué avec le feu et qui a ramené le diable sous le toit. et c'est là qu'elle a choisi : elle va fuir. fuir ce pays. fuir sa famille. elle et le petit pois. cherche du travail, loin. ingénieur de ses études, brillante a être major de promo. elle trouve sa place à la silicon valley, coucou l’amérique. visa de travail pour les états-unis, procédures entamées. bébé n’est pas encore né qu'il a déjà ses papiers de prêts. une échappatoire. san francisco, ville de promesses. un poste dans la tech. et les mois défilent à attendre les formalités. le ventre qui s’arrondit. et c'est toi, sora. premiers cris en corée, juste avant l'exil. dernier souffle dans la terre natale. quelques mois d'existence avant de partir, précipité, pourtant si bien préparée, lili. les états-unis. terrain inconnu. nouvelle vie. à l'aube des nouveaux espoirs où tous les ponts sont coupés, famille oubliée. c'est toi, sa famille maintenant.
deux — san francisco. et tu grandies dans les bras d'une mère si aimante qu’elle en devenait étouffante. lili, elle t’a donné tout ce qu’elle avait. ses rires, ses larmes, ses silences aussi. une mère qui t’apprend la force, à marcher seule. parce que dans son monde, les hommes sont des monstres. tous. et elle t’a sculpté comme sa parfaite poupée avec ses peurs, ses blessures, comme si c’étaient les tiennes. à fuir les regards, à douter des mots sucrés. rester discrète de peur qu'on puisse vous retrouver. à voir le piège derrière chaque sourire. les hommes, “c’est eux qui détruisent”. c’est ce qu’elle disait. trop souvent. fusionnelle. trop. à t’étouffer sous ses ailes, à te couper le souffle avec son amour démesuré. elle voulait que tu sois à elle, juste à elle. comme si le monde entier ne valait pas la peine que tu lui appartiennes. t'étais son trésor, sa rédemption. celle qui l’a sauvé et qui lui a donné la force de s’envoler. elle t’a élevée forte, indépendante. à ne compter que sur toi. mais elle t’a aussi enchaînée. sans le savoir. sans s'en rendre compte, refais les schémas de sa famille, qu'elle même a décidé de fuir. toxic.
trois — et puis, la green card. sa bataille. son ticket pour rester, pour ancrer vos racines ici, dans ce pays qu’elle admire tant. elle a obtenu ce droit. et toi aussi, par extension. mais c’est pas tout. elle a demandé à changer son nom. park, c’était trop coréen. trop lourd. alors c'est devenu parkfield. plus léger, plus américain. elle disait que c’était pour toi. pour ton avenir. mais toi, t’as senti que c’était aussi pour elle. un peu, effacer le passé. effacer les souvenirs. réécrire l’histoire avec des lettres plus lisses, plus acceptées. ta famille, c’est un trou noir. un sujet interdit. des racines arrachées, brûlées. lili a tout coupé. pas un mot, pas un souvenir. la corée, c’est juste une ombre. une langue que t’entends parfois, mais jamais pour parler du passé. quand tu demandes, elle te coupe. change de sujet. son visage se ferme. tu vois la douleur derrière. mais elle dit rien. parce qu’elle veut rien dire. les questions restent suspendues. sans réponse. et toi, tu grandis avec ce vide. une histoire que t’appartiens pas. un tabou qui pèse, mais que t’as appris à contourner
quatre — t’as grandi avec l’idée qu’il fallait étudier. réussir. suivre le chemin tracé. lili voulait te voir briller, comme elle. surtout assurer tes arrières pour ne dépendre de personne. alors t’as suivi. sans trop savoir pourquoi. parce que toi, t’aimes tout et rien à la fois. des passions éclairs qui te brûlent en un jour, te laissent froide le lendemain. tout tester, tout essayer. mais rien qui reste. t’es comme ça. l’éphémère, c’est ta constante. tu aimes tout et rien. découvres tout. entasses les outils à poterie pour finalement devenir nid à poussière. stock les collections de timbres parce qu’un lot était cool, dans la brocante du dimanche. alors choisir ta voie ? les études, c’était pas vraiment ton truc. mais tu t’es lancée. parce qu’il fallait bien. et la tech, ça semblait évident. la sécurité. un emploi garanti. pas de la poterie qu'on oublie le lendemain. alors t’as pris la voie pratique. le concret. un associate degree en design ux/ui, quelque chose qui mélange un peu de créativité et de logique. les cours, tu les suis. sans passion, mais sans dégoût non plus. ça va, c’est tout. juste assez pour avancer. pour dire que tu fais quelque chose. parce qu’au fond, t’aimes l’idée de tout, mais pas l’idée de t’enfermer dans une seule chose. et t’avances comme ça. à tâtons. à attendre que quelque chose, quelqu’un, te montre enfin ce que t’as vraiment envie de faire. que la vie défile. tu suis, sans vraiment subir. lambda girl.
cinq — orson. rencontré à la fac. grand sourire, belles paroles. il t’a charmée vite. trop vite. un cocon qu’il a tissé autour de lui, de toit, de vous. doux au début. étouffant ensuite. mais t’as rien vu venir. ou peut-être que si, un peu. juste assez pour douter, pas assez pour partir. il s’entend bien avec lili, perce la carapace protectrice anti hommes. un miracle empoisonné. il parle comme elle. pense comme elle. la même vision, qu’il dit. te protéger. te garder à l’abri du monde. des hommes. des autres, de toi-même. toi, tu les aimes. l’un et l’autre. fort. trop fort. tu veux leur plaire, leur donner raison. mais au fond, ça gronde. tes envies, tes rêves de grandeur, de folie, de tout. voir le monde, le croquer. ça t’appelle de l'intérieur, les tripes grondent. mais t’es là, coincée dans leur cocon. entre ses mots qui te rabougrissent et les siens qui te bercent d’une peur qu’elle t’a apprise. et que tu cultives comme barrières limitantes. l’auto sabotage ancré dans les pensées.
six — janvier 2023. le jour où tout s’écroule. lili, au mauvais endroit au mauvais moment, accident de voiture. pas trop grave. quelques jours à l’hôpital. toi, t’es là. à tout gérer. une montagne de papiers à trier, à signer. formalités qu’on te balance comme des évidences. et puis, on te demande un document précis. tu sais qu’il est dans ce bureau. le sien. son sanctuaire interdit. là où tu n'as jamais eu le droit d’aller. mais t’as pas le choix. force majeure. tu pousses la porte et braveses interdits. tu fouilles. vite, parce que ça te brûle d’être là. valse entre l'envie de fouiner et de fuir, refermer cette porte maudite. et c’est là que tu tombes dessus. une enveloppe beige, oubliée dans un coin. un nom griffonné en coréen que tu comprends pas. le reste, écrit à la main. tu lis rien. tu comprends rien. mais la curiosité te dévore. google traduction évidemment et les mots défilent. l’histoire prend forme. ace. un demi-frère. à boston. né du même cauchemar que ta mère, d'une autre femme. un choc. t’arrêtes de lire. t’arrêtes de respirer. tout ton monde vacille. tu ne sais rien, tu ne comprends qu'à demi mots. lili n’a jamais rien dit. jamais laissé paraître. ce frère, cette histoire, son agression. c’était un secret bien gardé. trop bien gardé. et toi, t’es là. avec ce poids entre les mains. avec des questions qui hurlent dans ta tête. un lien que tu savais pas. une vérité qui change tout. t'es la fille de qui ? le fruit d'une agression ? pourquoi t’es là, maintenant ? vide.
sept — tu voulais juste comprendre. recoller les morceaux qu'il te manque, alors t’as parlé. à lili, d’abord. doucement. t’as prononcé son prénom. ace. ce frère qu’elle t’a caché. et là, la tempête. sa colère a explosé. les mots qui claquent, qui coupent. elle t’a interdit. interdit d’y penser, interdit de le voir. de le contacter. "tu comprends rien", qu’elle a dit. "ce passé, il reste mort." elle a crié. plus fort que jamais. et toi, t’es restée là, figée. les larmes qui montent, l’injustice qui brûle. t’as tenté avec orson. une autre chance. peut-être qu’il écouterait, lui. mais non. lui aussi s’est enflammé. violent. pas dans les gestes, pas encore. mais dans les mots. "t’es ingrate", qu’il a lâché. "ta mère a raison, pourquoi tu cherches des problèmes là où y’en a pas ?" jaloux, il l’était. jaloux de ce frère que t’as même jamais vu. il voulait te garder pour lui, enfermer encore plus ce cocon qu’il t’avait tissé. les jours ont passé. t’as essayé de parler. de négocier. mais les réactions ont empiré. lili, froide comme la glace. orson, lui, c’est pire. un soir, il l’a fait. la limite qu’il n’avait jamais franchie. une claque. une violence qui te scie, te coupe le souffle. et toi, t’es restée. immobile. dévastée. trop brisée pour bouger, trop effrayée pour parler. et là, t’as compris. t’étais seule. vraiment seule. un cœur en miettes, un esprit enfermé. eux, ils t’aiment. mais pas comme il faut. pas comme tu le mérites.
huit — alors t’as décidé. partir. quand ? tu savais pas. mais partir. loin d’eux. loin de tout. t’as rien dit. rien laissé paraître. dans ta tête, ça bouillait. dans ton cœur, un chaos tranquille. des mois à préparer, en silence. à faire semblant. à sourire. à laisser croire que t’avais laissé tomber cette idée. ace ? presque un souvenir flou. orson, toujours violent. lili, toujours glaciale. toi, toujours là. pour le moment. boston. c’est là que t’iras. la ville du frère. t’as passé des nuits entières sur internet. à chercher tous les ace autour de boston. tous les possibles. à fouiller les réseaux, les profils, les indices. t’as exploré chaque ruelle virtuelle, chaque piste. et puis, t’as pensé à tout. travail, hébergement, tout ce qu’il faudrait pour t’enfuir. t’as passé des entretiens à distance. pour un boulot, un petit salaire. juste assez pour commencer. et t’as réussi. harvard, rien que ça. chargée d’accueil, un contrat temporaire. pour la rentrée. une porte ouverte. l’argent, c’est fait. restait le toit. alors t’as cherché des gens. des inconnus. des amitiés à créer. t’es tombée sur elle, cette fille. un feeling rapide. une connexion naïve, mais sincère. prête à affronter n'importe quel danger. elle t’a proposé une solution. temporaire, qu’elle a dit. mais pour toi, c’était assez. toi, tu fonces. peur de rien. l’inconnu ? un frisson. et ace ? l’obsession. t’avanceras sans freins. t’iras le voir. coûte que coûte. qu'il devienne ta nouvelle famille.
neuf — des mois. des mois à penser à lui. ace. ce prénom qui tourne en boucle dans ta tête. une obsession. un espoir. t’y pensais le jour, tu le rêvais la nuit. cette rencontre, tu l’imaginais mille fois. un frère, une vraie famille. pas comme lili. pas comme orson. quelqu’un qui t’accepterait. qui t’aimerait. entièrement. sans chaînes, sans conditions. des montagnes de scénarios. des heures à construire son image. il serait comment, ace ? calme ou explosif ? réservé ou bavard ? il aurait les mêmes yeux que toi ? le même sourire ? t’avais rien, sauf ce prénom. et ce compte. un seul. un ace asiatique à boston. rien de sûr. mais tu t’y accrochais. t’as scruté chaque photo, chaque détail. mille fois. à chercher un indice. un geste, une ressemblance. n’importe quoi. persuadée qu'il a le même nez que toi. les mêmes yeux peut être. t’as bien essayé. cette femme, celle de la lettre. t’as voulu la retrouver. t’as fouillé, cherché, sans relâche. mais rien. juste du vide. un silence assourdissant. alors t’as laissé tomber. pas ace. jamais ace. fin août. un sac. une décision. ciao, san francisco. t’as rien dit à personne. ni à orson, ni à lili. juste toi. et cette envie de tout recommencer. l’inconnu t’attendait, boston t’appelait. ace, là-bas. peut-être. ou peut-être pas. mais t’allais voir par toi-même.
dix — un matin. le sac prêt. depuis des semaines, il attendait. toi aussi. l’adrénaline qui monte, les mains qui tremblent. t’as laissé un mot sur la table. petit mot. rien de plus. je vous aime. pas de détails. pas d’explications. juste ça. t’as hésité. des jours, des nuits à peser le pour et le contre. t’es attachée, corps et âme. à lili, même toxique, même étouffante. à orson, malgré la violence, malgré tout. t’es pas prête à les perdre. mais ace. ace est plus fort. une obsession. un rêve trop grand. celui qui te pousse à partir, sans te retourner. la porte claque derrière toi. fin août, l’air encore chaud, le cœur qui bat à s’en rompre. dans ta poche, un billet pour boston. dans ton ventre, un gouffre de peur et d’excitation. depuis, silence radio. les messages s’accumulent. les appels aussi. tu ne réponds pas. t’as changé de numéro. t’as coupé les ponts. vraiment ? non, pourtant. et l’argent, tu l’as. pas beaucoup, mais assez. ce que tu gagnes à boston, tes petits boulots. et ce compte bancaire, celui que lili renflouait. pour tes "projets futurs" disait-elle. ironique, non ? maintenant, ce futur, c’est toi qui le traces. seule. la peur au ventre, la grosse peur au ventre.
onze — gamine, un peu. femme enfant, beaucoup. t’as grandi dans un cocon, sora. bien à l’abri des dangers. enfin, c’est ce qu’elle croyait, lili. à force de te répéter que les hommes sont tous des prédateurs, elle t’a coupée du monde. “les hommes, ils détruisent.” qu’elle disait. t’as jamais vraiment su. t’as jamais vraiment vu. paradoxalement, t’as connu orson. le seul. le premier. toxique, destructeur. mais t’y croyais. lui, c’était différent. au début, du moins. et maintenant ? t’es là, à boston, avec ta curiosité maladroite. t’es méfiante, mais pas trop. curieuse, mais hésitante. une gamine qui regarde le monde pour la première fois. paradoxalement, pas coincée. non. au contraire. t’as envie de tout. envie de découvrir. envie d’essayer. même si t’as peur. même si t’es timide. souvent trop bavarde. t’as ce feu en toi. celui qui te pousse. celui qui te dit d’aller voir, d’aller vivre. et tant pis si tu trébuches. au pire il arrive quoi ?
douze — tu adores les animaux. tous. surtout les chats. faiblesse pour leurs yeux ronds, leur indépendance. tu pourrais les regarder des heures. tu rêves d’en adopter un, un jour, quand tu auras plus de stabilité, ou pas. — carnet secret. ton petit monde à toi. pensées, idées, souvenirs. mots griffonnés à la volée. des pages pleines, d’autres abandonnées pendant des semaines. puis tu y reviens. un cycle sans fin — claustrophobe. les espaces étroits, les portes fermées. l’idée de rester coincée. angoisse sourde qui monte, qui prend à la gorge. tu évites les ascenseurs, préfères toujours les escaliers — tu joues à des jeux vidéo. par phases. jamais longtemps. toujours en solo. des jeux simples, mode facile. juste pour t’évader — à fond dans l’urbex. l’appel des lieux abandonnés, des histoires cachées. tu explores, cherches, fouilles. qui a vécu ici ? pourquoi ont-ils tout quitté ? des questions sans fin, une fascination sans limite — tu parles seule. tout le temps. des idées qui sortent sans filtre. dialogues imaginés, conversations silencieuses. un réflexe, une habitude. étrange, peut-être, mais ça te va — rituel du soir. lait d’amande chaud, miel fondant au fond du verre. héritage de ta mère. douceur avant le sommeil. une habitude que tu gardes, même loin de tout — tu changes de passion comme de chemise. un jour c’est la peinture, le lendemain les étoiles. rien ne dure. ça te frustre. mais tu continues de chercher. peut-être qu’un jour, tu trouveras.